La survie des Grecs d’Istanbul au lendemain des violences de la nuit du 6 au 7 septembre 1955
Conférence prononcée par Anna Théodoridès le 18 avril 2021, organisée par la Communauté hellénique de Paris et environs
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Partir ou Rester à Polis : Le titre de cette présentation renvoie aux décisions prises par les Grecs d’Istanbul ou Rûms polites pour reprendre la terminologie des acteurs, au lendemain des violences opérées lors de la nuit du 6 au 7 septembre 1955. Il renvoie plus profondément au dilemme minoritaire auquel les acteurs sont confrontés encore aujourd’hui.
Le dilemme minoritaire
S’ils restent à Istanbul, leur ville natale, alors ils sont considérés comme des gavur (mécréants), des citoyens de seconde zone, comme une catégorie ethnique, linguistique et confessionnelle qu’il faut surveiller de près. Car ils ont reçu en legs une faute imprescriptible, remontant à la fin du XIXe siècle, commise par leurs ancêtres qui se seraient tous, sans exception, ralliés au projet irrédentiste grec alors en bourgeonnement (la Grande Idée). Ce péché originel qui leur est attribué et que ces derniers intériorisent et portent comme le bagnard traîne son boulet, est au fondement d’une culpabilité collective qui entrave tout projet d’émancipation au sein même de la société environnante.
Perçus comme des « traîtres » potentiels, des ennemis de la nation, ils sont dès les premières années de la République turque enregistrés dans les registres spéciaux, appelés « registres des étrangers » (ecanip defterleri), information qui apparaît sur leur carte d’identité.
Mais la marginalisation sociale qui leur est échue ne s’arrête pas là : en prévoyant le programme d’échange obligatoire entre les populations orthodoxes vivant en Turquie et celles musulmanes de Grèce (1923-1930), le traité de Lausanne (juillet 1923) institutionnalise le nettoyage ethnique, confessionnel et démographique qui s’est appliqué de manière pragmatique par le Comité Union et Progrès (1908-1918), tout en exemptant les musulmans de Thrace occidentale et les « habitants grecs de Constantinople établis avant 1918 ».
La construction de la Turquie moderne et son inscription dans les relations de pouvoir s’insèrent plus localement dans un environnement de violences, qu’elles soient d’ordre physique, symbolique pour se déployer massivement à l’encontre de populations civiles considérées comme « non assimilables », « étrangères », voire « dangereuses pour la sécurité de la nation » (Sigalas, Toumarkine, 2008).
S’ils quittent Istanbul pour migrer principalement en Grèce, et ce, dès 1955 (ce qui constituera l’objet d’une deuxième présentation), ils se heurtent au projet identitaire néo-hellénique qui accentue son rattachement à l’Antiquité classique.
Au regard de leur statut juridique et de la complexité de leur identité qui n’épouse aucunement les catégories des États-nations turc et grec, les Grecs d’Istanbul sont toujours considérés de manière ambivalente. Leur identité et leur histoire sont fixées, figées et immuables dès la naissance. Le critère utilisé lors du traité de Lausanne, pour les distinguer des autres populations, est la religion qui est restée incontestablement le marqueur le plus important, aussi bien en Grèce qu’en Turquie, pour souligner les frontières de la nation.
Ceci amène à poser la question suivante : Qui sont les Grecs d’Istanbul ? Et comment se définissent-ils ?
Ce sont des grécophones, chrétiens orthodoxes, nés à Istanbul. Selon le dénombrement réalisé par l’équipe de Vyron Kotzamanis (Université de Thessalie) dans le cadre du colloque « Rencontre à Istanbul. Le présent et l’avenir », en juin 2006, ils représentent aujourd’hui moins de 5000 personnes, dans une métropole de plus de quinze millions d’habitants. La grande majorité des 2000 individus résidant de manière sédentaire à Istanbul sont désormais âgés. Les quelques 3000 individus restants vivent à cheval entre la Grèce (surtout à Athènes) et Istanbul.
Depuis le traité de Lausanne (1923), ils constituent l’une des trois minorités officielles nationales, au même titre que les Arméniens (estimés entre 55 000 et 60 000 personnes) et les Juifs (25 000 personnes). Leurs droits sont régis par un système de protection spécifique, selon les articles 37 à 45 dudit traité. Aujourd’hui, les minoritaires représentent 0,2 % de la population turque, alors que selon le recensement général de la population d’Istanbul du 22 octobre 1950, parmi les 983 041 Stambouliotes recensés en 1950, on comptait 66 106 grécophones, 42 652 arménophones et 28 114 judéo-espagnols.
Jusqu’en 1923, les membres de la communauté orthodoxe formaient l’une des communautés ethno-religieuses constituées (millet) au sein d’ensembles culturels plus ou moins homogènes dans l’Empire ottoman. Parmi les membres de la communauté orthodoxe, nombreux ceux qui avaient la nationalité grecque, du fait que leurs ancêtres étaient originaires de provinces de l’Empire ottoman incorporés au royaume de Grèce à partir de 1830 (Alexandris, 1992: 281). En vertu de l’article 20 du traité de Lausanne, ces ressortissants grecs nés à Istanbul et classés dans la catégorie « Etrangers » ont pu y rester au moyen d’un titre de séjour qu’ils devaient renouveler tous les sept ans, jusqu’en 1964, date à laquelle ils ont été expulsés du territoire. Qu’ils aient été expulsés ou qu’ils vivent toujours à Istanbul, ils partagent le sentiment d’appartenance à une communauté singulière ancrée dans la métropole d’Istanbul, ayant des pratiques culturelles et des repères mémoriels propres, et s’inscrivant dans la continuité de l’Empire romain d’Orient. Qu’ils soient de nationalité grecque ou turque, aucune distinction n’est effectuée dans leurs représentations : ils sont tous à nés à Istanbul.
Jusqu’à présent, j’ai utilisé le terme « Grecs d’Istanbul ». En revanche, lors de l’enquête multi-située à Istanbul, Athènes et Thessalonique, ils se désignent comme Rûms d’Istanbul ou plus précisément Rûm Polites (« Polis » d’où dérive l’adjectif « Polites ») pour trois principales raisons :
En premier lieu, ils se considèrent comme les garants de la continuité de la « Romiosyni », branche de l’hellénisme qui s’est épanouie dans le cadre de la ville d’Istanbul. Ils ne s’identifient ni aux Grecs du continent, ni aux grécophones orthodoxes de l’île de Chypre (l’île n’ayant jamais été rattachée à la Grèce).
Une grande partie d’entre eux a été contrainte de quitter Istanbul au cours des quatre phases ponctuant le processus d’homogénéisation ethnique, confessionnel et démographique :
- L’enfermement, la déportation et l’échange des orthodoxes d’Anatolie au cours de la Première guerre mondiale, constituent la première phase (Akçam, [2008], 2012, Dündar, [2008], 2015) ;
- les restrictions, les récupérations des biens en vue de la création d’une bourgeoisie turque au cours des années 1920 et 1930, désignent la deuxième phase. Elles s’insèrent dans un programme de réformes juridique et économique qui a été mise en place sous l’impulsion de Mustafa Kemal, président de la république de Turquie et sous-entendent la violation de l’article 38 du traité de Lausanne. Cette deuxième étape a entraîné le départ de milliers de Rûms vers Athènes sans distinction de nationalité (Alexandris, 1992: 185) ;
- les épisodes des « vingt classes d’âge » (Bali, 1998) et l’impôt sur la fortune (varlık vergisi) au début des années 1940, représentent la troisième phase (Bozarslan, 2013: 345).
Les émeutes de septembre 1955 ouvrent un nouveau cycle : cette fois, il s’agit de frapper plus fort, plus vite, en détruisant leurs fondations, leurs repères, leurs institutions, commerces, églises et lieux de lignage. Ces émeutes ont été suivies de l'expulsion des ressortissants hellènes dont les biens ont été spoliés ; elles ont eu lieu en 1964, comme il est communément connu de tous : 12 000 ressortissants helléniques suivis d’environ 30 000 « Grecs » de citoyenneté turque. Mon enquête a révélé que, dès 1958, des ressortissants hellènes ont été expulsés, à l’instar des 22 membres de l’Association des Grecs constantinopolitains, fondée en 1933 ou encore de Dimitris Kaloumenos, photographe en titre du patriarche Athénagoras et auteur des photos des violences de cette nuit qui vont suivre. Ce cycle de violence se poursuit jusqu’en 1974 : tous les biens acquis par les communautés non-musulmanes après 1936 ont été saisis (Alexandris, 1992: 282).
En second lieu, l’alliance des termes Rûm Polites renvoie précisément à Istanbul, capitale symbolique du monde grec, lieu de fondation du christianisme orthodoxe. Elle est liée au patrimoine byzantin (en premier lieu Sainte-Sophie), et à la période ottomane où Constantinople était perçue comme le centre multi-ethnique au sein duquel les Rûms formaient une élite culturelle et économique. En revanche, si la ville est un espace où se superposent différents groupes ethno-religieux, il n’en demeure pas moins que les Polites portent l’accent sur la première formation sédimentaire, sur les premières empreintes où le roi légendaire Byzas est érigé en « proto-arrivant » sur le sol stambouliote. Son long périple a abouti à la construction d’une ville qui deviendra par la suite le centre politique, économique, religieux d’un empire brillant et prospère, Constantinople, dont l’empereur romain, Constantin 1er, est à l’origine du nom, devenu dans le langage courant des Rûm, « Polis » (Πόλις), signifiant littéralement « la Ville ».
En d’autres termes, les Rûms Polites se considèrent comme les héritiers de Byzas et de Constantin 1er : à eux deux, ils incarnent le point zéro de l’histoire des Rûms sur le sol stambouliote, et la topographie singulière du site de fondation participe aussi à sa sacralisation. Autrement dit, cette appellation exprime l’interpénétration d’une origine historico-mythique et d’un territoire précis, et manifeste la volonté de perpétuer ce lien avec la ville qui constitue la source de distinction culturelle et de leur identité cosmopolite. Ce passé idéalisé ne se réfère ni à la Grèce, ni à la Turquie, mais bien à Istanbul, élevée comme point de référence.
En troisième lieu, l’utilisation de cette alliance de termes permet de préciser leur profil sociologique dans la mesure où ils s’attribuent un statut urbain du fait qu’ils sont tous nés à Istanbul. Ils se différencient ainsi des autres composantes implantées dans d’autres pôles régionaux de l’espace ottoman, à l’instar des Karamanlides, des Rûms micrasiatiques et pontiques.
Cet éclaircissement des termes de leurs désignations, que l’on se place du point de vue des acteurs ou de celui de l’État, turc ou grec, est fondamental : à chacune des tensions entre la Grèce et la Turquie, les Rûms polites sont suspectés d’être ralliés aux Grecs. Et c’est précisément ce qui s’est produit en 1955, date à laquelle les délégations turque, grecque et britannique se sont réunies lors d’une conférence le 29 août 1955 sur le sort de Chypre (Antoniou, 2006) : Adnan Menderes, alors premier ministre, a instrumentalisé le conflit chypriote pour poursuivre le nettoyage ethnique. C’est son gouvernement et ce que l’on appelle communément en Turquie, l’ « État profond » - derin devlet (Cüneyt Arcayürek, 2007) en turc - c’est-à-dire un réseau informel composé en Turquie de l’armée, la police, les services secrets, la diplomatie et la justice, qui agissent en coulisse et s’activent autour des corps de sécurité qui ont fomenté ces émeutes anti-grecques et plus largement, « anti-minoritaires ». Ce dilemme minoritaire dont je viens d’esquisser les contours – qui se pose en ces termes : Partir ou Rester à Polis - s’est révélé le 6 septembre 1955 lorsqu’une bombe a explosé dans la maison natale d’Atatürk à Salonique
Ta Septembriana 1955
Le 6 septembre, aux alentours de 13h30, la radio d’État turque annonce qu’un attentat à la bombe a eu lieu dans la maison natale de Mustafa Kemal à Thessalonique. Vers 16 heures, le quotidien Istanbul Ekspres relaye l’information en première page. Vers 17 heures, à l’initiative des principaux organismes de la droite radicale, l’Union nationale des étudiants turcs, la Fédération nationaliste des étudiants de Turquie et de la très puissante association « Chypre est turque » (Kıbrıs Türktür), une manifestation de protestation s’organise avec la coopération des syndicats ouvriers, dans les rues de Pera et se dirige vers la place centrale d’Istanbul, Taksim, avec l’autorisation du préfet d’Istanbul.
La "une" de l'Istanbul Ekpresi, deuxième édition, 6 septembre 1955: "La maison de notre Père réduite en ruines par l'explosion d'une bombe"
La seconde édition spéciale de l’Istanbul Ekspres paraît à 18h30 : plus de 200 000 exemplaires ont été vendus en une après-midi. Ils accusent la communauté des Grecs d’Istanbul de s’enrichir sur le sol turc et de soutenir la guérilla menée par les Chypriotes grecs, ciblant systématiquement leurs « frères » chypriotes turcs. « La partition [de Chypre] ou la mort ! », « Chypre est turque ! », tels sont les principaux slogans scandés dans la ville (Akar, 2005).
Très vite, la foule s’organise. La machine infernale est lancée et rien n’est laissé au hasard. Les manifestants constituent des groupes de vingt à trente personnes et se dirigent vers les principaux secteurs de la ville pour rejoindre les points stratégiques où a été préalablement entreposé le matériel de destruction. À la tête de chaque équipe, les « meneurs » désignent aux « exécutants » les sites à détruire. En effet, munis des listes fournies par les responsables municipaux, localisant les habitations et les commerces des minoritaires, les équipes sillonnent les rues au moyen de divers véhicules (Güven, 2006 : 37 ; Vryonis, 2005 : 104). Armés de pierres, de pieds-de-biche ou encore de barres de fer, certaines équipes détruisent et pillent les commerces de la grande rue Istiklal tandis que d’autres s’attèlent à répandre la terreur dans les habitations pour frapper, violer, dévaster et dégrader les biens personnels des minoritaires. Des bandes de casseurs vont même jusqu’à profaner les cimetières rûms de Şişli et Balıklı.
Scènes de pillages. A droite, profanations du cimetière rûm de Sisli et de l'église Saint Geroges Kyparissas (Cliquer pour agrandir)
Environ 100 000 personnes ont participé activement à ces actes de violence, qui ont dépassé les limites de la municipalité d’Istanbul, devenue en dix ans une métropole de 1,6 millions d’habitants, dont 44 % sont nés en dehors de la ville. De nombreux exécutants ont été recrutés parmi les populations rurales qui ont quitté les provinces anatoliennes entre 1945 et 1955 pour s’installer à la périphérie des grandes villes dans des conditions précaires. S'y ajoutent les adhérents des multiples branches de l’association « Chypre est turque », intrinsèquement liée au Parti démocrate.
Il n’en demeure pas moins qu’une frange citadine de la population locale a également procédé aux dégradations, démolitions et vols des sites minoritaires.
Cette méthode de démolition par l’intervention de différents acteurs a été employée dans toute la ville, avec l’approbation implicite des services municipaux et des organismes de sécurité (Vryonis, 2005, Güven, 2006).
Face aux débordements, le gouvernement décrète autour de minuit la loi martiale, à l’origine de l’état de siège de la ville, le mercredi 7 septembre 1955. Aux alentours de deux heures, les chars de l’armée entrent dans la ville, la police disperse la foule et procède à quelques centaines d’arrestations.
Le 7 septembre 1955, les citadins découvrent un paysage de cataclysme : vitrines de boutiques éventrées, rues jonchées de tout ce qui a échappé au vandalisme et au pillage. Le bilan est consternant : 4 214 immeubles, 1 004 commerces et boutiques, 73 églises, une synagogue, deux monastères orthodoxes, 26 écoles et 5 317 bâtiments (usines, hôtels, bar, restaurants, etc.) ont été détruits (Tarih Vakfı, 2005).
Au regard de ce premier état des lieux, deux constats s’imposent.
D’une part, on ne peut qu’être saisi par l’ampleur des dégâts matériels opérés en une seule nuit. La thèse d’une explosion spontanée de violence n’apparaît pas crédible au regard de l’étonnante efficacité des destructions qui n’a pu s’effectuer sans une organisation en amont.
D’autre part, s’il est incontestable que les sites des Grecs d’Istanbul ont été la cible d’un mouvement de destruction massif, le bilan montre également que les espaces arméniens et juifs ont eux aussi été frappés. Ainsi la thèse officielle selon laquelle la crise chypriote est à l’origine du déclenchement des émeutes apparaît peu crédible étant donné que les deux autres minorités n’ont aucun lien avec Chypre.
Confrontée à une crise majeure impliquant la dégradation, sinon la destruction, des sphères tant communautaire que privée, la communauté se mobilise spontanément en réinvestissant les institutions culturelles. Incarnant la genèse de leur histoire, ces espaces fondent la légitimité de leur existence et sont des lieux refuge où sont nourries, diffusées quotidiennement et ce, dans leur langue, leurs représentations communes de descendants des Byzantins. Cette mémoire généalogique, fondée sur le récit historico-mythique des origines de la fondation de la ville, demeure calfeutrée dans cet espace où il est possible de domestiquer la peur. Cette entreprise urgente, improvisée et massive reflète la capacité des membres à se restructurer, à renaître autour de valeurs communes, à valoriser la singularité de leur identité subjective et par conséquent à parer à l’intériorisation de toutes formes de désignations disqualifiantes qui impliqueraient sa soumission et son effacement.
Cinquante ans plus tard, en 2005, un revirement historiographique s’opère en Turquie, marqué par les dénonciations de la part d’une frange d’intellectuels turcs à l’encontre du rôle de l’« État profond ». Ce tournant participe d’un réexamen plus large de la violence étatique en Turquie contre les groupes minoritaires non musulmans (en premier lieu), puis musulmans (Kurdes, Alevis).
En effet, du 6 au 26 septembre 2005, la Fondation d’histoire économique et sociale de Turquie (Tarih Vakfı) présentait à la Galerie Karşı Sanat une exposition dévoilant au public des sources d’informations inédites provenant des archives du vice-amiral Fahri Çoker, qui était juge lors du premier procès à Istanbul, tenu entre 1955 et 1957. Lors de son décès en 2001, la Fondation d’histoire économique et sociale de Turquie avait reçu en legs 250 clichés pris lors de cette nuit, mais aussi des documents officiels révélant le montage des émeutes. En outre, la Fondation publiait l'ensemble des clichés et documents en un livre facilement accessible (Karaca, Güven, 2005). Une page du passé s’ouvrait au grand jour.
À la suite de ces divulgations en 2005, de nombreuses études, comme celles de Speros Vryonis ou Dilek Güven, des documentaires et même un film, ont décelé précisément les mécanismes mis en place en amont, par l’identification de plusieurs acteurs, réhabilitant ainsi la place des minoritaires en Turquie. Dès lors, cet épisode du passé ne constitue plus un sujet tabou en Turquie : le dévoilement des archives privées a encouragé les principaux représentants des trois minorités non musulmanes de Turquie à témoigner.
L'enquête
L’enquête ethnographique à Istanbul repose sur des observations dans les principales institutions communautaires (églises, associations, lieux de distribution de soupe aux démunis), dans des lieux neutres (comme l’arrière boutique de commerces rûm) mais aussi des conversations de bout de trottoir à Istanbul et dans les îles du Prince. À cela s’ajoute des entretiens individuels et collectifs majoritairement auprès de Rûms polites mais également avec des Juifs, des Arméniens et des Turcs. Ils ont été enrichis par des recherches menées aux archives du ministère grec des affaires étrangères, du consulat hellénique d’Istanbul et des archives associatives à Istanbul et à Athènes.
Le contexte de revirement historiographique a une forte incidence dans les discours des interlocuteurs.
À ce titre, j’ai identifié une première typologie d’acteurs : les « Eduqués », c’est-à-dire des professeurs d’écoles minoritaires, des universitaires, des éditeurs de quotidiens, etc., qui non seulement se sont rendus à l’exposition Karşı Sanat mais qui ont activement participé aux productions scientifiques et documentaires télévisuelles en apportant leur témoignage.
Bilingues, disposant d’un capital culturel, ils livrent des récits construits qui viennent articuler une mémoire collective témoignant l’oppression, mais qui est toujours présente, dynamique, vivante. « Nous sommes toujours là, avec nos églises, nos écoles, nos associations », aiment-ils rappeler.
Dès lors, il est important d’insister sur le point suivant : s’ils prennent la parole, c’est qu’elle leur a été donnée. Le cas échéant, dans d’autres circonstances, peut-être ne l’auraient-ils pas prise avec autant d’efficacité, au regard des limites statutaires qui leur sont imposées et surtout de la terreur vécue dans le passé. Comme l’écrit James C. Scott, « leur vulnérabilité leur a rarement offert le luxe d’un affrontement direct » (Scott, 2008 : 154). Ils utilisent cette opportunité pour se raconter, en tant que groupe socialement situé et « fabriqué » autour de la commémoration de cette nuit dans l’objectif de produire un discours de dignité, d’affirmation de soi. « Dire la violence » dans l’espace public, est donc un moyen pour affirmer leur constance, leur unité et de leur présence, en dépit de la politique anti-« minoritaire ».
Dans cette perspective, la médiatisation et la politisation de cet épisode joue un rôle catalyseur et stratégique. Catalyseur, car les langues se délient dans ce contexte propice à la multiplication des prises publiques de position. Stratégique, car les « Eduqués » agissent avec une extrême prudence : si certains d’entre eux ont délibérément choisi de « dire la violence », c’est par le biais de leurs contributions aux travaux historiques des intellectuels turcs.
Autrement dit, il ne s’agit pas ici de soumettre directement leur point de vue en passant par une institution communautaire mais plutôt de bénéficier d’une visibilité à travers des supports médiatiques pour faire entendre leur voix. De fait, ils ne sont plus isolés, ils sont au contraire soutenus par les intellectuels turcs : ils interviennent non pas frontalement ni à découvert mais s’expriment au pluriel, avec retenue, réemployant le même vocabulaire, le même code d’interprétation que ces derniers. La voix off sera toujours celle d’un intellectuel turc, à l’instar de Ridvan Akar ou Dilek Güven évoquant le rôle de l’« État profond ».
En parallèle, à l’ombre des projecteurs, en situation de face-à-face, avec une personne extérieure à la communauté et qui est grecque, leurs discours ne se réfèrent pas au programme d’exclusion des non-musulmans du territoire post-ottoman. Au contraire, leurs narrations s’inscrivent dans un temps mythique, celui de Byzas, fondateur de la ville, et à un espace qui ne répond pas au découpage national mais renvoie au contraire à Polis.
Si cette duplicité narrative - l’une renvoyant à la mémoire collective de l’oppression, l’autre à la mémoire cosmologique – renforce le caractère collectif de la résistance, elle leur permet de passer sous silence leur expérience personnelle et par conséquent de ne pas divulguer les moyens mis en place pour gérer l’incertitude au quotidien, et le sentiment de vivre en permanence sur un volcan.
Cette « mémoire silencieuse » est d’autant plus accentuée chez une majorité d’acteurs rencontrés dans les fondations communautaires mais aussi dans des lieux « neutres ». Ces derniers, je les ai nommés les « Silencieux » : ce sont des artisans, commerçants, bouchers, coiffeurs, couturiers, teinturiers, des bénévoles d’associations de bienfaisance, des ouvriers et des prêtres donnant la soupe populaire aux plus démunis. Ils ne participent à aucune manifestation culturelle où ils seraient placés au cœur du débat. Farouchement opposés à leur mise en scène, les « Silencieux » refusent de dévoiler leur vécu de cette nuit tant leur vulnérabilité éprouvée dans le passé est réactualisée. La résurgence en 2005 de cet épisode a effectivement renforcé la méfiance, la suspicion à l’égard de la majorité, et a rendu d’autant plus patente l’existence d’un double jeu, perceptible à travers l’adoption d’un « texte public » (public transcript, concept de James Scott) dans certains lieux, diamétralement opposée à « un texte caché » (hidden transcript) exprimé par exemple dans le milieu associatif. Cette duplicité discursive, déjà observée chez mes interlocuteurs « éduqués », est ici décuplée au regard de la variété de leur discours énoncés dans différents contextes.
Mon analyse de ces pratiques défensives et préventives, où le silence apparaît comme condition de survie, tend à mettre en lumière la manière dont elles s’inscrivent dans le prolongement de l’épreuve vécue en 1955 et de ses enjeux au présent.
Face à un épisode générateur de peur, j’ai mené une réflexion méthodologique sur la manière de conduire une enquête de terrain dit « sensible » auprès d’acteurs qui cherchent à vivre avec le « poids du passé » (Lapierre, 1989) et qui « bricolent » des moyens pour gérer leur vulnérabilité et leur sentiment d’insécurité. En outre, il s’agissait de rendre compte des répertoires de réactivité élaborés sur le vif à l’échelle individuelle, que je regroupe sous le terme de « bricolages ».
Grâce à l’intuition d’un enquêté, j’ai utilisé au cours de l’enquête un outil interprétatif, capable d’activer le processus de remémoration. Cet enquêté a relaté son parcours au cours de la nuit du 6 au 7 septembre 1955 en dessinant sur une feuille de papier blanc l’espace où se sont déroulés ces épisodes de violence (Théodoridès, 2010).
Je vais tenter ici de reconstituer les étapes principales de cette opération en commençant par Tayfun, ingénieur Turc, né en 1948, qui vivait à Bakirköy au moment de la nuit du 6 au 7 septembre –.
À travers la lecture du croquis et du récit de cet enquêté turc, vous suivrez son parcours et ses tentatives de composer avec les obstacles (dégâts matériels, engins militaires). Au fur et à mesure, vous observerez la recomposition de l’espace public.
« Sur la grande rue d’Istanbul, nombreux étaient les commerces rûms et arméniens ; très peu appartenaient aux Juifs et aux Turcs. Tous ces commerces-là, au cours de cette nuit, ont été détruits sur environ 400 mètres. À l’angle de cette rue, il y avait une école rûm […]. Maintenant, en septembre 1955, j’avais 7 ans et la rentrée des classes était autour du 10 ou 15 septembre. Ceux qui étaient à l’école rûm située ici, fréquentaient la partie proche de la mer de Marmara. Moi, j’étais petit et on jouait, un peu plus haut, dans les rues perpendiculaires à Reyhan Sokak […]. Je vivais dans un immeuble situé à l’angle de cette rue […]. Depuis ma fenêtre, on ne pouvait pas voir ces bandes de fanatiques détruire. Je me rappelle avoir été réveillé par des cris, des hurlements de dehors et par les bruits de vitres cassées […]. Je ne pouvais apercevoir que les petites rues perpendiculaires protégées par les voisins turcs (même s’ils étaient rûms ou arméniens) mais je ne voyais pas plus […]. Je précise cela car dans ces rues perpendiculaires à Reyhan Sokak, vivaient 200 personnes rûms, arméniennes et juives […]. C’était uniquement des groupes de musulmans et ils étaient là pour signifier que les immeubles étaient exclusivement turcs […]. Donc, il n’y a pas eu de dégâts dans ces petites rues-là, ni dans la Reyhan Sokak. Mais dans la grande rue d’Istanbul, tous les commerces ont été détruits, pillés […].
« Un peu plus bas, environ 200 à 300 habitants Rûms, Arméniens et quelques familles juives étaient installés dans ce coin-là où vivait mon amie Eleni. Heureusement, elle était à Athènes voir son frère qui faisait son service militaire dans la région égéenne mais sa grand-mère, Madame Zafiria était restée ! La pauvre, elle était paniquée quand ma grand-mère est venue la voir le lendemain. Heureusement, personne n’était entré chez elle.
« Ce matin-là, elle écoutait la radio grecque quand ma grand-mère est allée la voir et c’est ainsi qu’elle a appris qu’à l’origine des émeutes de la veille, une bombe avait explosé dans la maison d’Atatürk à Salonique […]. Il a fallu attendre l’année 2005 pour connaître la vérité : c’était bien les services secrets turcs qui avaient programmé ces émeutes. […] Tout avait été organisé, planifié secrètement. Le premier responsable, c’est l’Etat turc et le département des opérations spéciales : Özel Harp Dairesi, appartenant aux services secrets de l’armée turque.
« […] Un peu plus bas, en descendant vers la Mer de Marmara, on rencontre une église orthodoxe : les émeutiers ont enfoncé la porte d’entrée pour pénétrer à l’intérieur de l’église et tous les meubles, les lustres, les tapis, les objets de rite ont été détruits ou pillés […]. Je me souviens que le matin du 7 septembre, deux tanks étaient situés devant cette église : je me rappelle qu’ils étaient postés à cet endroit vers 9h-10h du matin car ma mère m’avait emmené avec elle, dans le quartier […]. Mais certainement qu’ils étaient venus dans la nuit, vers 2h ou 3h du matin […], cela frappe un gamin de 6 ans de voir ces deux tanks impressionnants et des troupes armés déployées dans les rues […]. Il était interdit d’entrer dans l’église. Des militaires et des soldats étaient avec leurs baïonnettes. Donc, il n’y avait pas de civils dans les commerces, mais que des militaires. C’était dangereux de se promener dans ce coin-là […], les gens étaient armés […]. Je me souviens avoir vu des lambeaux de tissus, du linge, des Frigidaires jetés dehors dans la rue […].
« Des centaines et des centaines de personnes ont été arrêtées à la gare: on les ramenait chez eux, en Anatolie. Car ce n’était pas les gens d’Istanbul qui ont commis ces dégâts. Ils ont été utilisés. Voilà. Mon histoire réside sur ce plan ».
Le croquis de gauche, ci-dessous, est le croquis brut de l'enquêté. L’opération suivante consiste à rendre lisible cette représentation, à souligner les points de repères que l’enquêté a mentionné dans son récit (croquis de droite).
Mon intervention a consisté donc à
- ajouter des pastilles avec un code couleur : la pastille rouge désignant le lieu de résidence de l’enquêté ; les pastilles orange identifient les voisins musulmans assurant la protection des bâtiments ; les pastilles bleu localisant les lieux rûms ;
- en parallèle, une légende reprend les éléments fondamentaux du discours : les souvenirs sont identifiés, ils sont spatialisés.
En répétant cette opération complétant les entretiens, des informations heuristiques ont été recueillies :
- d'une part, en remplissant la fonction d’aide-mémoire, les croquis combinés aux entretiens ont permis de traduire l’ampleur d’un bouleversement dans les représentations des enquêtés ;
- d'autre part, leur lecture dévoile les effets de cet épisode aussi bien au niveau individuel que collectif, la nature du traumatisme et leurs conséquences dans la vie quotidienne.
En m’appuyant sur les croquis et sur une étude comparative des récits des enquêtés vivant sur la rive asiatique et de ceux qui sont installés sur la rive européenne d’Istanbul, l’expression émotionnelle décline la violence selon une géographie de la terreur, une cartographie de la violence : elle distingue deux catégories de quartiers, à savoir ceux où les violences ont été perpétrées dans la sphère publique sur le plan matériel, et les quartiers où des attaques ont eu lieu sur les corps, physique et symbolique.
Les croquis réalisés ont permis une lecture spatiale du traumatisme par la localisation des souvenirs selon trois échelles : échelle communautaire, celle du quartier et celle de la zone historique.
Pour illustrer l’échelle communautaire et celle du quartier, je vais vous montrer trois autres croquis réalisés par un instituteur, Antonis, né en 1947, qui vivait à Tatavla/Kurtuluş. . Accompagné de son père, ils se sont rendus à pied à Balat où vivait sa grand-mère : ils ont été témoins des manifestations des nationalistes précédant les émeutes et ont assisté au lynchage de l’épicier nommé « Bodoz » (signalé ici sous le terme BAKKAL, « épicier » en turc) avant de retrouver la grand-mère.
Sur ce croquis sont localisés :
- le lieu d’habitation de sa grand-mère (pastille rouge) qui a été accueillie pendant cette nuit par sa voisine musulmane (pastille rouge encerclée d’orange) ;
- les habitations des deux voisins musulmans situés à proximité de celle de la grand-mère (pastilles orange) et la maison d’une famille arménienne (pastille violet) qui n’était pas à Istanbul pendant cette nuit ;
au bout de la rue, il localise la résidence de l’épicier Prodromos surnommé “Bodoz”, qui avait été lynché (pastille bleue) ;
-
enfin, sur la droite, l’enquêté se souvient qu’avant de rentrer chez lui, son père souhaitait allumer un cierge à l’église Taksiarhis situé près de l’école rûm qui ont toutes deux été saccagées pendant cette nuit.
Ce qui est frappant à la lecture du croquis ici traité (ci-dessus), c’est que l’enquêté a retracé le parcours des émeutiers et a identifié l’espace communautaire où s’agencent les lieux tels que l’épicerie, l’école et l’église en bleu (deux lieux d’appartenance symbolique à la communauté.
Par la suite, Antonis a réalisé un autre croquis représentant son quartier, Saint-Dimitri à Tatavla/Kurtulus (croquis de gauche). L’immeuble où il vivait est marqué ici d’une pastille rouge, l’espace rûm qui a été saccagé – l’école et les deux églises – sont en bleu et les pastilles grises désignent ses autres repères. On remarque ici que les zones investies par les musulmans sont toujours notées en turc et celles de la communauté rûm sont inscrites en grec.
Croquis par Antonis du quartier Saint-Dimitri (Tatavla) et son interprétation (Cliquer pour agrandir)
Enfin, son dernier croquis, ci-dessous, montre la réorganisation du quartier de Saint-Dimitri de Tatavla au lendemain des émeutes : Antonis signale la reconstruction de l’espace rûm endommagé, mais il signale également une information inédite : sa grand-mère, au même titre que d’autres familles non-musulmanes, décident de quitter Balat, quartier de la Corne-d’Or, pour s’installer à Kurtulus. En d’autres termes, ce quartier est investi par des familles en provenance de Balat qui cherchent à se dissimuler parmi les musulmans. Vous remarquerez qu’ils ne s’installent pas dans la zone rûm encadrée en bleu mais à l’opposé de la rue principale.
L’invisibilité spatiale apparaît alors comme une pratique de survie. En se fondant parmi les dominants, ils cherchent à mettre à l’abri leur famille, et parviennent par conséquent à se maintenir dans le paysage stambouliote sans se distinguer de l’Autre.
Au moment de clore cette présentation, je souhaiterais préciser les termes de cette forme de résistance des Grecs d’Istanbul :
Qu’ils reconstruisent l’espace communautaire et optent pour une duplicité discursive dans leurs discours, qu’ils gardent silence ou au contraire qu’ils expriment une mémoire collective de l’oppression ou qu’ils choisissent la dissimulation parmi les dominants sinon l’invisibilité, les Rûms Polites s’agrippent à leur projet de vie à Istanbul de manière à maintenir vivante leur présence dans leur ville de naissance. C’est donc leur corps - symbolique et physique - qui est érigé en instrument de résistance.
Cette résistance en contexte minoritaire ne s’inscrit pas dans un combat frontal à l’encontre du pouvoir et vis-à-vis de la société majoritaire que les acteurs redoutent, et ne mobilise pas des répertoires d’action. La capacité d’agir des Rûms polites à l’encontre des mesures qui visent à les exclure et à supprimer l’altérité au nom d’une nation une et indivisible, réunie autour du kémalisme, demeure fortement restreinte. Ces pratiques de survie s’organisent de manière souterraine, ne sont pas incisives et demeurent d’une intensité limitée, au regard de la nature du système politique turc. Pour reprendre les termes de James C. Scott (2008: 59), « les relations de domination sont aussi des relations de résistance ».
Je vous remercie de votre attention et je vous donne rendez-vous le 30 mai pour suivre la trajectoire des Rûms Polites qui ont quitté Istanbul pour s’établir principalement en Grèce : à ce titre, nous suivrons la trace de Télémaque et de son ami Léontis, qui est à droite. Si les deux jeunes hommes arborent un sourire éclatant, il n’en demeure pas moins que leur décision correspond à une stratégie de survie qu’on peut définir comme radicale, qui consiste à se mettre à l’abri en entreprenant discrètement un projet migratoire.
(À suivre)
Références bibliographiques
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