Lorsqu’au crépuscule, obscur et coloré,
On voit l’Anatolie depuis Chypre
Il y a une clarté, toute bleue
Alors je sais
Que mon Atatürk déploie ses ailes
Et, comme un dieu,
Parcourt les cieux 1.
[Ce texte, basé sur mes observations au cours de la décennie 1990, a été publié en 2002. Voir la référence bibliographique en fin d'article]
La presse turque rapporte que lors de la grande marche populaire au tombeau d’Atatürk qui a eu lieu le 24 octobre 1998, à quelques jours des festivités du 75e anniversaire de la république, un vieil homme barbu invectivait la foule : “ Ne croyez-vous pas en Dieu ? N’avez-vous pas de foi ? ”. La presse a traité l’événement par le mépris ; le vieux barbu ne pouvait être qu’un représentant de la “ réaction religieuse ” (irtica) ; il n’était pas à sa place en ce lieu, comme la “ réaction religieuse ” n’est pas à sa place dans la Turquie laïque et moderne. Pourtant, cet homme, qui voulait signifier aux manifestants qu’ils étaient en train de rendre un culte à une autre divinité, Atatürk, soulevait la question de la divinité - ou au moins de la sainteté - de celui qu’on nomme “ le Père ” (Ata), une question assez souvent exprimée dans les milieux de l’islam politique.
L’accusation de divinisation d’Atatürk, formulée par une partie de la population, à l’encontre du pouvoir et des kémalistes, s’appuie sur l’attribution de certaines qualités transcendantes à Atatürk, de nature à choquer les musulmans fervents. Dans la littérature officielle, Atatürk est effectivement décrit comme un Créateur, commencement et sauveur ; c’est lui qui a fait la République et la Turquie, qu’il a offerte aux Turcs ; la Turquie lui doit son existence. Il est aussi la fin car il clôt l’histoire : l’œuvre d’Atatürk est éternelle et parfaite, et n’a pas à évoluer. Atatürk est sans équivalent (essiz) même à l’étranger, à tel point que le comparer avec un autre personnage historique est un péché politique. C’est ce que disait, à la manière inimitable de la presse turque, la manchette de Milliyet le jour anniversaire de la mort d’Atatürk en 1999 : “ Le seul leader qui passe le siècle. De Lénine à Hitler, de de Gaulle à Mao, de Tito à Nasser, tous sont restés dans le xxe siècle. Pour la plupart, on ne veut même plus se souvenir de leur nom dans leur propre pays. Tandis qu’Atatürk et son œuvre, la République, vivront dans le nouveau siècle, dans le nouveau millénaire 2. ”
Ainsi Atatürk est un héros historique hors du commun, car son œuvre le rend immortel. Dans le livre d’or de son mausolée à Ankara, les textes des visiteurs s’adressent à un destinataire vivant. D’après le petit carnet-mémento qu’on distribue aux soldats turcs, il couronne la hiérarchie militaire ; qualifié de “ plus grand dirigeant, l’éternel commandant en chef, le maréchal Gazi Mustafa Kemal ” est au-dessus du président de la république et du chef d’état-major. Sur le plan juridique, il a une “ personnalité spirituelle ”, artifice légal qui permet de réprimer les insultes éventuelles à sa mémoire. Dans le préambule de la constitution de 1982, il est qualifié de “ leader immortel et héros incomparable ”.
L’image et l’apparence d’Atatürk - le harram et le helal
Dans la Turquie d’aujourd’hui, l’image d’Atatürk est obsédante. Pas de ville sans une rue Atatürk ni une ou plusieurs statues d’Atatürk. Pas d’école, de bâtiment administratif sans buste d’Atatürk. Pas de bureau, pas de manuel scolaire sans portrait d’Atatürk. Pas une classe qui n’ait son coin d’Atatürk, véritable autel où les enfants viennent rendre le culte. Le phénomène, qui s’est aggravé après le coup d’État de 1980, a atteint un paroxysme en 1998, au moment du 75e anniversaire de la république ; cette commémoration, qui a été célébrée avec un éclat sans précédent dans l’histoire du régime, avait été conçue comme une réponse cinglante aux islamistes, évincés du pouvoir l’année précédente. Cet automne-là, toute institution, toute idée, tout être semblait devoir son existence à Atatürk ; la Turquie s’était parée des couleurs du drapeau, le rouge et le blanc.
Dans la presse kémaliste, l’image est tout aussi omniprésente lors des périodes de commémoration, jusque dans la publicité. La mise en scène du personnage s’étend aussi à une image seconde, puisque nombre de portraits d’acteurs de l’actualité sont photographiés de manière que le champ du cliché inclue un portrait d’Atatürk présent à l’arrière-plan. De telles photographies ne sont pas composées au hasard, car le portrait d’Atatürk, surplombant généralement le vrai sujet, modifie le sens de l’image par une connotation approbatrice ou réprobatrice : un portrait de Clinton en visite en Turquie se voit “ approuvé ” par un portrait du Père en arrière-plan ; au contraire, Necmettin Erbakan, premier ministre islamiste (1996-1997) mis en scène dans les mêmes conditions, semble surveillé et mis en garde par Atatürk : ce sont là des codes que tout Turc peut interpréter.
L’omniprésence et l’exclusivité accordées au portrait du dirigeant renvoie à la mise en scène politique des régimes autoritaires, et participe à une mise en condition du citoyen turc, qui commence avec l’apprentissage de la lecture. Depuis une vingtaine d’années, les abécédaires comportent de trois à six pages vouées à Atatürk ; souvent la couverture et le titre lui-même évoquent le Père 3. Depuis 1990, les abécédaires comportent également le texte du serment que doivent prêter les enfants : “ (...) Grand Atatürk ! Je jure de marcher sans repos sur la voie que tu as ouverte, vers le but que tu as désigné. Que mon existence soit vouée à l’existence de la Turquie. Quel bonheur de pouvoir dire : Je suis Turc 4 ! ” Il arrive enfin que la représentation publique d’Atatürk rejoigne les canons esthétiques de l’imagerie religieuse ; c’est le cas avec un portrait publié par Milliyet le 10 novembre 1999, jour anniversaire de la mort du Fondateur, sur lequel il apparaît dans le firmament comme un astre et qui est légendé “ Chaque jour Atatürk renaît ”.
Quant à la statuaire publique, elle doit être empreinte de gravité, représenter l’autorité et la puissance : une controverse a éclaté sur un buste d’Atatürk souriant, à Sincan, en octobre 1998. Et à la même époque, on a vu d’un mauvais œil une statue représentant Atatürk en civil, à Marmaris, qui devait remplacer une statue équestre en uniforme 5.
Le récit historique, démonstration de l’unicité et de la transcendance
Le récit historique enseigné en Turquie est lui-même une démonstration de l’unicité et de la transcendance. Les manuels scolaires, soumis à l’approbation d’un organisme d’État (le Talim ve Terbiye Kurulu), et la recherche historique, l’édition, la politique de vulgarisation de l’histoire doivent en principe être conformes aux préceptes d’un autre organisme, la Haute fondation Atatürk pour la culture, la langue et l’histoire (AKDTYK), créé par la constitution de 1982 6 ; la notion de “ culture nationale ”, qui sert de référence, a été officiellement explicitée en février 1981 dans un ouvrage officiel qui soumet tous les éléments de la culture à la pensée d’Atatürk 7. Fort heureusement, il existe en Turquie un puissant courant historiographique indépendant de cet organisme officiel, mais le contrôle est quotidien et effectif, même sur les médias ; en 1999 par exemple, la chaîne de télévision Kanal 7 a été suspendue pour cause de propos non conformes à la “ réalité historique ” 8.
C’est seulement à partir des années 1980 que le récit historique a été imprégné de kémalisme, en créant un culte de la personnalité rétroactif. Depuis cette date, les manuels d’histoire se voient émaillés de citations d’Atatürk, de mentions explicites ou implicites à sa personne, qui jouent le même rôle que les reliques dans un lieu de culte ; elles sacralisent toujours les mêmes événements et les mêmes personnages, définissant ainsi les événements fondateurs et les héros censés annoncer Atatürk et préparer son œuvre, enracinant celle-ci dans un passé reculé, pré-ottoman et “ purement turc ” (öztürk), de sorte que les réformes d’Atatürk n’auraient rien à voir avec la pensée politique occidentale. Il s’agit d’un vaste système de projection du présent sur le passé. Ainsi, Atatürk n’est pas un sujet d’étude, personnage remarquable certes mais historique comme les autres héros, Attila, Alparslan ou le khan Bilge. Il est la justification de l’étude de l’histoire, il est sujet et objet, auteur et acteur, il est l’histoire turque. En effet, toute l’histoire doit démontrer la conformité des principes d’Atatürk avec l’ancienne culture turque pré-musulmane, et le récit historique doit conduire en ligne droite à la révolution kémaliste et à la république.
En lieu et place d’histoire contemporaine, on enseigne l’atatürkisme (atatürkçülük), catéchisme exposant un récit stéréotypé de la vie d’Atatürk, de l’histoire de la guerre de libération et de la république jusqu’en 1938, et les six “ principes ” d’Atatürk, ensemble parfait duquel rien ne peut être soustrait (le républicanisme, le populisme, l’étatisme, la laïcité, l’esprit révolutionnaire et le nationalisme). Tout ce qui ne concerne pas directement Atatürk est exclu de l’enseignement de l’histoire du xxe siècle, et le récit s’arrête à la mort d’Atatürk, qui est la fin de l’histoire. La plupart du temps, la seconde guerre mondiale n’est évoquée que pour exposer les vues prémonitoires d’Atatürk sur le futur conflit.
Comme Atatürk n’a pas d’équivalent, son œuvre doit être première, même s’il est censé avoir des prédécesseurs dans un passé lointain. Aussi, le vaste mouvement qui a conduit à la formation du nationalisme turc à la fin du XIXe siècle est-il gommé du récit historique. Dans les manuels scolaires, il n’est pas fait mention de Ziya Gökalp, le grand théoricien du nationalisme turc, ni surtout des grands nationalistes et réformateurs turcs d’origine azérie ou tatare comme Ismail Gasprinski, Mehmet Emin Resulzade ou Zeki Velidi Togan. Le grand mouvement réformiste tatar, le djadidisme, n’existe pas. La véritable première république musulmane laïque, l’Azerbaïdjan de 1919-1922, n’est pas mentionnée, sans parler de la tentative d’instauration d’une constitution laïque en Crimée en 1919 9.
Atatürk, comme personnage historique, est également convoqué pour légitimer la politique extérieure turque actuelle. C’est ainsi qu’on utilise une parole qu’il aurait un jour prononcée au cours d’une manœuvre militaire pour légitimer la politique turque à l’égard de Chypre. La geste d’Atatürk, la guerre de libération, est elle-même devenue un modèle historique, comme le fut la révolution bolchevique. Dans la partie nord de Chypre, les combats des années 1955-1974 sont présentés comme un achèvement de l’œuvre d’Atatürk. Cette référence aboutit à une reproduction des lieux de mémoire : à Nicosie-nord, le monument de la république est une imitation de celui de la place de Taksim à Istanbul, et le tombeau du docteur Küçük, leader de la communauté turco-chypriote, évoque le mausolée d’Atatürk à Ankara. Les simulacres du kémalisme ont été transférés sur l’île : célébration des fêtes kémalistes dès 1958, statue d’Atatürk à Nicosie dès 1963, et désormais, sur le modèle turc, innombrables bustes dans tous les lieux publics. Atatürk a conquis l’île, comme l’exprime cet article paru dans la revue nationaliste Türk Kültürü lors de l’inauguration de la statue d’Atatürk à Nicosie en octobre 1963 :
“ (...) Nos soldats avaient mis pied à Chypre le 16 août 1960 10 ; il manquait leur Commandant en chef. Voici que le Commandant est désormais à Chypre. (...) [Lors du lever du drapeau turc] l’émotion fut à son comble. Les Turcs, qui n’hésiteraient pas à offrir leur âme à la mémoire de leur Père [Atatürk], pleurèrent de joie et applaudirent à tout rompre. (...) Puis, les gerbes furent déposées au pied de la statue du Père : d’abord celles de l’ambassadeur, du vice-président, du détachement de l’armée turque, de la société culturelle turque chypriote, suivies de celles de toutes les associations de l’île, par centaines. Ce fut le moment des discours (...). Les enfants des écoles et le jeune poète Özker Yasın déclamèrent des poésies. C’est ainsi que le sceau de la turcité fut apposé une fois de plus sur Chypre, d’une manière indélébile. Ainsi, Atatürk, dans toute sa prestance, est à la porte de Kyrenia [à Nicosie]. Il y restera éternellement. Le grand leader de ma grande nation commandera aux jeunes de la petite patrie [Chypre]. L’effigie d’Atatürk en costume civil, symbole du mot d’ordre “ Paix dans le pays, paix au monde ”, doit montrer que la paix se poursuit à Chypre. Mais, si cela n’est pas possible, (...) Atatürk conduira le peuple turc de Chypre à une victoire certaine. ”
La morale, le système de pensée
Le mot “ atatürkisme ” (atatürkçülük), par rapport à “ kémalisme ” (kemalizm), renvoie plus à la personne du fondateur qu’à l’idéologie. La référence n’en est que plus formelle, car il suffit désormais d’évoquer la mémoire du fondateur, sans nécessité de démontrer la conformité d’une politique avec cette idéologie. Voici la définition de l’“ atatürkisme ” (atatürkçülük) la plus diffusée, celle qui figure dans le Manuel du soldat, édition de 1997 :
“ L’atatürkisme est un système de pensée entièrement nouveau basé sur la pensée et les réformes d’Atatürk. Atatürk, lorsqu’il a conçu l’atatürkisme, a refusé tout modèle et a voulu que la solution à nos problèmes soit trouvée entièrement dans nos valeurs nationales et dans nos propres possibilités (...). L’atatürkisme est une pensée qui vise au développement continu de la société, à la libération des énergies. C’est une idéologie contemporaine et rationnelle. L’atatürkisme s’appuie sur la réalité et la science. L’atatürkisme signifie un objectif immortel, un honneur croissant, une force, une énergie vivante et continue. L’atatürkisme n’a aucun lien avec aucun courant politique ni aucune idéologie étrangère. ”
Comme l’islam, en tant que valeur morale, est absent du discours officiel en Turquie 11, la seule valeur proposée aux citoyens est la conformité aux principes d’Atatürk. Dans les manuels d’instruction civique, le seul principe au nom duquel on doit faire le bien est l’imitation d’Atatürk ou l’application de ses préceptes. Les mentions à Atatürk légitiment les principes enseignés : valeur de la famille, de l’entraide, égalité des sexes, valeur du travail ; l’enseignement moral fonctionne grâce à l’exemple du grand homme, et l’exercice de la vertu ne se fait pas au nom d’un principe universel immanent : “ Dans notre classe se trouve ton portrait, mon Père / Tu souris toujours. / Travaillez mes enfants / Dis-tu, travaillez. / Nous travaillons, mon Père / Comme tu l’as demandé. / Sois fier de nous, aie confiance en nous, mon Père 12. ”
Tout est dans Atatürk, Atatürk est dans tout. Il est la Turquie, la modernité, le développement, le progrès, la force et la paix, la liberté 13. L’identification d’Atatürk à tous les principes positifs d’une société contemporaine revient à exclure de cette société tous ceux qui refusent de participer au culte : ceux-là ne sont ni modernes, ni démocrates, ils ne peuvent être laïcs. Sont-ils seulement Turcs ? Le recteur de l’université d’Istanbul, Kemal Alemdaroglu, répond par la négative : “ Si l’on est citoyen de la république de Turquie, je ne pense pas qu’on puisse adhérer à un autre système de pensée que la pensée atatürkiste. La pensée atatürkiste, c’est la modernité, la science, le progrès, les lumières 14. ”
Le corps d’Atatürk, lui-même sacré, a une fonction sacralisante. Les cérémonies patriotiques turco-chypriotes en offrent de bons exemples : lors de la fête des martyrs, le 15 mai, on offre de la terre prélevée dans le cimetière des martyrs de Nicosie 15 à l’ambassadeur de Turquie, qui est chargé de la déposer au mausolée d’Atatürk. Mais le 19 mai, ce même ambassadeur offre de la terre du mausolée au président de la “ République turque de Chypre du nord ”, qui la déposera au cimetière des martyrs, ainsi sacralisé. Par ce processus, Mustafa Kemal est fait le patron de tous les martyrs. Un lien sacré est établi entre sa personne, la terre turque, le sang des martyrs tombés pour cette terre, tandis qu’un lien est établi également à travers l’histoire, entre les événements du passé et Atatürk.
Le culte
La dévotion a ses dates particulières, notamment lors des cinq fêtes officielles, qui sont toutes liées à la personne et à la geste d’Atatürk. Elle a aussi ses temples, le mausolée d’Atatürk, qui domine la capitale (Anıtkabir), et le monument de la république, place de Taksim à Istanbul. Partout, des monuments sont le point focal de toutes les célébrations et actions de grâce, le lieu central de toute localité turque.
Le mausolée est un lieu où l’on est “ face à face avec Atatürk ”. C’est à partir de mai 1960, alors qu’un coup d’État militaire avait justement restauré un régime kémaliste succédant au gouvernement d’Adnan Menderes (1950-1960), que ce tombeau est devenu la “ qibla politique ” (siyasetin kıblesi) vers laquelle doivent se tourner tous les Turcs 16. C’est à partir de 1961 que les dirigeants se pressent au mausolée, à chaque étape de la vie politique. Le mausolée, dans l’esprit des Turcs, est bien le tombeau d’un saint (un türbe), comme l’a écrit en un lapsus révélateur le général Sunay dans le livre d’or en 1961. La visite au mausolée (ziyaret 17) est un rite socialement et politiquement obligatoire pour tout acteur de la vie politique, de la vie publique, pour les partis, associations, corps de l’État, corporations, clubs, établissements d’enseignement, etc. La photo de ziyaret, important stéréotype visuel de la presse turque, est un certificat de conformité à l’idéologie et au culte.
Le livre d’or a été mis en service en 1948, avant même la construction du mausolée, au musée ethnographique d’Ankara où reposait d’abord Atatürk. Beaucoup des textes laissés par les visiteurs, qui s’adressent directement au Fondateur, sont de véritables prières : “ Mon Père, (...) si j’ai commis des erreurs ou des péchés pardonne-moi. Accepte mon imploration, mon Père, et pardonne-nous à tout instant. Les années ont passé, nous nous sommes rapprochés de toi 18. ” Ce sont aussi très souvent des actions de grâce : le général Gürsel vient remercier Atatürk, en juin 1960, pour le succès du coup d’État du 27 mai. Les juges de la Haute cour viennent rendre grâce, en 1961, après la pendaison de l’ex-premier ministre Adnan Menderes (destitué le 27 mai 1960), et Süleyman Demirel, le jour du 75eanniversaire de la république, vient “ rendre ses comptes ” à Atatürk.
Mais le mausolée et le monument de la place de Taksim sont aussi des lieux de plainte (sikayet) contre tout ce qui n’est pas conforme à la pensée ou à l’héritage d’Atatürk. Dans ce cas, le plaignant estime qu’il est lui-même le dépositaire légitime et sincère de la pensée d’Atatürk, qu’il prend à témoin. Tous les niveaux sociaux s’expriment de cette façon : représentants d’une profession se plaignant à Atatürk de la situation économique, protestataires de Pergame se plaignant de la destruction de l’environnement par une multinationale 19. La grande période des sikayet à Atatürk a été l’année durant laquelle la coalition islamiste a exercé le pouvoir (juin 1996-juin 1997) ; nombreux sont ceux qui estimaient que l’héritage laïque était bafoué ; on vit des associations de femmes kémalistes venir se plaindre à Atatürk de dispositions facilitant le respect du jeûne du Ramadan dans les administrations.
Dans cette situation, on n’est pas vraiment face à face avec Atatürk. C’est plutôt pour être les yeux dans les yeux des caméras ou des objectifs qu’on se prête à ce jeu. Il s’agit là d’une manière conventionnelle et codée de faire connaître son insatisfaction par la presse. L’ensemble ziyaret-sikayet peut remplacer, dans la même fonction, la manifestation de rue ; l’effet vis-à-vis des médias est le même, et l’avantage inestimable est que le pèlerinage et l’adresse légitiment leurs auteurs et leur requête, et les protègent ; c’est pourquoi, en retour, l’accès au mausolée et au monument de la place de Taksim n’est pas libre : par exemple il ne peut être question pour un représentant de la “ réaction religieuse ” (irtica) ou pour un “ sécessionniste ” kurde d’invoquer Atatürk pour se plaindre de la répression étatique.
Le sikayet a ses limites : on peut se plaindre d’un gouvernement non kémaliste, comme la coalition de 1996-1997, mais pas de la république, encore moins de l’armée ou de la police : ceux qui ont à pâtir de la violence d’État sont ipso facto placés hors-jeu dans le camp des “ incroyants ” : les sécessionnistes kurdes, les partis de la gauche radicale comme le HADEP et l’ÖDP, des mouvements protestataires comme celui des mères de disparus qui venaient protester chaque samedi devant le lycée de Galatasaray, de 1996 à 1999.
La transgression et sa sanction
Le culte d’Atatürk est une religion d’État qui admet mal l’incroyance. Le 10 novembre, jour anniversaire de la mort du héros, il vaut mieux rester chez soi si l’on ne veut pas se mettre au garde-à-vous à 9 heures 05, car le pays tout entier est tenu de se figer durant cinq minutes. Un village, une école, un quartier dépourvus de buste d’Atatürk seraient objets de scandale ; et à Sultanbeyli, quartier islamiste d’Istanbul, c’est l’armée elle-même qui est venue imposer en 1997 une statue à la municipalité récalcitrante. Mais en réalité, les transgressions sont innombrables, quoique discrètes, et discrètement relatées par la presse.
Injurier la mémoire d’Atatürk est aussi grave qu’injurier l’armée : ces deux délits ont été exclus de la loi d’amnistie en octobre 1999. Depuis mars 1997, tout citoyen peut ouvrir une action en dommages et intérêts et se porter plaignant dans une affaire d’insulte envers Atatürk. Plus grave encore que l’insulte, l’agression envers Atatürk (Atatürk’e saldırı), c’est-à-dire à l’encontre de ses images, est pourtant très fréquente. Il y a eu des précédents célèbres et dangereux : c’est un prétendu attentat contre la maison natale d’Atatürk à Thessalonique qui a provoqué les pogroms contre la population grecque orthodoxe d’Istanbul en septembre 1955, et la destruction d’un buste d’Atatürk à Iskenderun en décembre 1960 a provoqué des tensions avec la Syrie 20. Périodiquement, des bustes d’Atatürk sont l’objet de profanations, dégradations ou de destruction 21. Mais il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à la dégradation ou la destruction d’un buste d’Atatürk pour entraîner des réactions. Lors de la crise de Sincan en février 1997, on a jugé scandaleuse la proximité entre un buste d’Atatürk et un meeting organisé par la municipalité islamiste. Ce fait amplifié par la presse laïciste des 4 et 5 février 1997 a provoqué une réaction en chaîne qui a fini par faire tomber la coalition islamiste 22.
La répression de tels actes, le plus souvent perpétrés par des islamistes, est assez sévère (quelques mois à un an de prison ferme) ; mais la punition du coupable ne suffit pas pour réparer l’offense. Un exorcisme sous forme d’action réparatrice est nécessaire ; la cérémonie comporte un dépôt de gerbe, l’invocation de la mémoire d’Atatürk, parfois une marche à travers les rues avec distribution de rosettes ou de portraits d’Atatürk, et dans les cas extrêmes, comme à Sincan en 1997, de prise d’armes et dans tous les cas réparation matérielle du dommage pouvant aller jusqu’à la mise en place d’une statue plus grande.
Dégradation d'un buste d'Atatûrk. Une des très rares mentions dans la presse (Radikal, 6 septembre 1998)
Critiques
Y a-t-il beaucoup d’athées, d’incroyants, d’indifférents à ce culte ? Malgré les apparences, les critiques ne manquent pas, en particulier dans la presse islamiste, même modérée. Il est arrivé que le quotidien Zaman (islamiste modéré) dénonce l’aspect “ quasi pathologique ” (cinnet sınırında) et “ quasi maoïste ” de l’atatürkisme 23. Les messages de soutien à l’ancien maire islamiste d’Istanbul, Recep Tayip Erdogan, lorsqu’il a été destitué, publiés par la presse de droite en 1998, expriment un courant d’opinion anti-atatürkiste, un courant qui désire soulever la chape idéologique pesant sur la Turquie. La presse islamiste radicale (Akit, Yeni Safak) a sévèrement critiqué les cérémonies du 75e anniversaire de la république, dénonçant l’“ exploitation hypocrite ” de l’image d’Atatürk, utilisée comme un bouclier contre la coalition islamiste.
Dans les actes, on peut observer une résistance passive de la part des municipalités islamistes lors des cérémonies officielles : il n’y avait pas de portraits d’Atatürk dans les stades de Konya ou d’Urfa lors de la fête de la jeunesse, le 19 mai 1997 ; au contraire, à Çorum, des portraits de Mehmet le Conquérant présidaient aux cérémonies ; chaque année, le 10 novembre, des citoyens refusent de rester figés au moment de la mort d’Atatürk. Une critique est faite en sourdine également par les deux journaux de la gauche non conformiste, Yeni Yüzyıl (un titre qui a cessé de paraître en 2001) et Radikal. Car à gauche aussi, des courants signifient leur opposition au culte par une résistance passive, en n’utilisant pas les icônes du kémalisme, au cours de leurs réunions ou de leurs manifestations. C’est le cas du HADEP, de l’ÖDP, des mères de disparus.
À quoi sert Atatürk dans la Turquie d’aujourd’hui ?
Un tel culte de la personnalité, une telle langue de bois sont étonnants dans un pays qui n’est pas une dictature. Mais la république de Turquie est un État autoritaire contrôlé par l’armée, où s’exerce une coercition avec la complicité d’une grande partie des citoyens, grâce à l’efficacité du discours idéologique, véhiculé notamment par l’école. Le culte d’Atatürk est justement la clé du système coercitif. Il est effectivement un bouclier que l’on oppose comme seul remède, seule protection face aux menaces que sont - au moins jusqu’en 1999 - l’islam politique et la sécession kurde. Le génie de ce système est qu’il utilise le ressort de l’affect : entre le citoyen et Atatürk existe un lien d’amour, de dévotion créé dès la petite enfance. L’émotion qui saisit beaucoup de Turcs le 10 novembre à 9 heures 05 n’est pas feinte ; celle qui unissait les participants aux immenses marches kémalistes des 25 et 29 octobre 1998 était réelle aussi. Les Turcs voient sincèrement dans Atatürk un principe paternel protecteur, et la simple perspective d’un affaiblissement de cette structure mentale peut provoquer une sourde inquiétude : c’est ce qui s’est passé en 1996-1997.
Face aux dangers réels ou supposés, la réaction se fait par la répression militaire et policière, et par la censure ; mais dans la mesure où cette répression s’exerce au nom du système émotionnel qui imprègne la vie quotidienne des Turcs, elle est acceptée par le plus grand nombre : pour vivre tranquillement, il suffit de “ jouer le jeu ”, sincèrement ou non. Le citoyen doit être, se sentir ou au moins paraître en phase avec l’État (mais non forcément avec le gouvernement). La phase, que les linguistes définissent comme une communication qui ne transmet aucune information et n’est entretenue que pour maintenir un contact, est obtenue par la multiplication de signes et de paroles répétitives (le drapeau, le portrait, la langue de bois) et par l’unicité absolue du message : le système politique, le système social, la morale, tout est dans Atatürk. Inversement, se placer hors de la phase, c’est refuser la protection, se proclamer asocial, c’est, à la limite, refuser d’être Turc. La phase est obtenue lors des grandes célébrations, notamment lors de chaque commémoration officielle ; elle a atteint un sommet lors du 75e anniversaire de la république en octobre 1998, et a été décrite ainsi par le ministre d’État Seçkiner, au soir de la grande marche populaire kémaliste du 25 octobre 1998 :
“ Aujourd’hui, d’Edirne à Ardahan [deux villes situées aux extrémités du territoire turc], dans 80 départements et 700 arrondissements, les militaires, civils, étudiants, policiers, représentants d’organisations publiques ou de la société civile, tous, de 7 à 70 ans, ont vécu avec le même esprit et la même émotion dans le souvenir d’Atatürk. Par cette marche magnifique, nous, les défenseurs intrépides de la république que nous a confiée Atatürk, les défenseurs de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme, nous avons montré le plus bel exemple de totalité indivisible et d’unité de l’État turc et de la nation. En ce jour particulier, je présente mes plus profonds respects et mes salutations à tout notre peuple uni dans le souvenir d’Atatürk, et à tous ceux qui ont contribué au succès de cette marche 24. ”
Le culte est obsédant et stérilise une partie de la production intellectuelle et artistique turque, car il freine la réflexion dans certains domaines, comme l’histoire contemporaine ou la sociologie politique. Il canalise aussi une partie des revendications et des inquiétudes politiques et sociales, leur donnant un sens religieux et leur enlevant toute efficacité réelle : au cours de la crise que la Turquie a connue en 1997, par exemple, une partie de la population, femmes, jeunes, étudiants, n’a trouvé d’autre forme de réaction que le dépôt de gerbes au pied des statues d’Atatürk.
Certes, les kémalistes défendent sincèrement et passionnément la laïcité, ce combat permanent qui mobilise des intellectuels et des militants courageux, car il est mené contre des adversaires qui usent de la violence ; certains ont payé leur engagement kémaliste de leur vie, comme la juriste féministe Bahriye Üçok, le journaliste Ugur Mumcu, l’universitaire Ahmet Tanır Kıslalı, assassinés probablement par des islamistes au cours des dernières années. Dans ce contexte, celui qui critique le culte kémaliste risque d’être accusé de faire le jeu des islamistes, qui sont actuellement les plus ouvertement opposés au culte. C’est pourquoi, pour ne pas tomber dans le manichéisme, la critique doit passer par un travail d’analyse très précis, une déconstruction minutieuse, qui nécessite également du courage, et peut entraîner des problèmes avec la censure, des sanctions professionnelles, des peines d’emprisonnement. Mais le système kémaliste est, en Turquie même, le sujet de recherches sérieuses et stimulantes en politologie, sociologie, historiographie. Des éditeurs, assez nombreux et courageux, sont prêts à accueillir les auteurs, pour lesquels il existe une demande ; des revues de réflexion politique, indépendantes de tous les pouvoirs, se maintiennent dans le champ de l’édition depuis longtemps déjà, comme Birikim (La Masse) ou Toplum ve Bilim (Société et Savoir). Ces courants intellectuels représentent la Turquie moderne ; ils sont quelquefois soutenus par certaines institutions étrangères, des ONG, des fondations (allemandes en particulier), l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Souvent, leurs travaux mériteraient d’être traduits vers une langue occidentale. Leur pensée ne se limite pas à la critique du kémalisme ; elle outrepasse allègrement les tabous institués par le pouvoir (l’armée, les questions kurde, chypriote, arménienne, vision officielle du passé) ; elle construit un nouveau langage politique, et recherche de nouvelles valeurs, universalistes, ne remettant en cause ni l’islam comme religion, ni l’héritage progressiste et laïque du kémalisme.
Pour citer cet article :
« La transcendance d’Atatürk »,
in Mayeur-JaouenCatherine (dir.), Saints et héros du Moyen-Orient contemporain,
Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, pp. 121-138.
Notes :
1 “ Kıbrıs’tan Atatürk’e [De Chypre, pour Atatürk] ”, Mehmetçik Kıbrısta, Nicosie, Çevre Yayınları, 1960, p. 21.
2 Milliyet, 10 novembre 1999.
3 Certains commencent par “ Mon Père, j’ai appris à lire avec toi (Atam Okumaya seninle basladım) ” (Anonyme, Alfabem, Istanbul, Itimat Kitabevi, 1975). Mais la référence peut être imagée comme la scène “ Aujourd’hui l’école a commencé (Bugün okul açıldı) ”, où l’on hisse le drapeau dans une cour d’école, face au buste (N. Ünlü, Türk ABC’si, Istanbul, Ülke Yay., s.d.) ; ou “ Maman, regarde, Atatürk ! (Anne bak Atatürk) ”, un enfant montrant un buste d’Atatürk dans une rue (I. Bulur, Atatürk Alfabesi, Istanbul, Serhat, 1976). Atatürk est également souvent présent dans le titre (Atatürk Alfabesi) ou sur la couverture (N. Karagöz, Yeni Alfabe, Istanbul, Kurtulus, 1975).
4 Par exemple M. Türkkan et al., Türkçe Ilkokuma, Istanbul, Gendas, 1995.
5 Milliyet, respectivement 12 et 1er octobre 1998
6 “ Atatürkçü düsünceyi, Atatürk ilke ve inkılapları, Türk kültürünü, Türk tarihini ve Türk dilini bilimsel yoldan arastırmak, tanıtmak ve yayınlar yapmak amacıyla ; Atatürk’ün manevi himayelerinde, Cumhurbaskanının gözetim ve destefiinde, Basbakanlıfia bafilı ; Atatürk Arastırma Merkezi, Türk Dil Kurumu, Türk Tarih Kurumu ve Atatürk Merkezi’nden olusan, kam tüzelkisilifiine sahip “ Atatürk Kültür, Dil ve Tarih Yüksek Kurumu ” kurulur. ”Sur la politique culturelle après 1980, voir mon livre Espaces et temps de la nation turque, Paris, CNRS-Editions, 1997, pp. 75-102. En turc cf. par exemple Emre Kongar, 12 Eylül Kültürü, Istanbul, Remzi Kitabevi, 1995.
7 Cunbur Müjgân, Atatürk ve millî kültür, Ankara, Millî Kültür Bakanlıgı Yayınları, n° 452, 1981, 136 p.
8 Milliyet, 8 octobre 1999. Le délit est ainsi formulé : “ Outrepasser les limites fixées par le point (h) concernant les objectifs généraux et les principes de base de l’éducation nationale et le traitement de la culture nationale ”. Le RTÜK (Organisme supérieur pour la radio et la télévision) est une émanation du Secrétariat général (Genel Kurulu) de l’Assemblée nationale ; ses membres sont élus par les députés.
9 Sur ces points voir mes articles “ Une mémoire turque du djadidisme ? ”, Cahiers du Monde russe, XXXVII (1-2), 1996, pp. 223-232, et “ De la mer Noire à la mer Baltique : la circulation des idées dans le ‘triangle’ Istanbul - Crimée - Pologne ”, Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, n° 15, 1993, pp. 107-119. Sur Akçura, voir F. Georgeon, Aux origines du nationalisme turc. Yusuf Akçura (1876-1935), Paris, Editions ADPF, 1980.
10 Il s’agit du détachement de 650 hommes prévu par le traité d’alliance de 1959 entre la Grande-Bretagne, la Turquie, la Grèce, et la nouvelle république de Chypre.
11 Parmi les motifs qui ont conduit à la destitution du maire islamiste d’Istanbul, R.T. Erdogan (avril 1998), figurait une proclamation dans laquelle il affirmait que ses références étaient dans l’islam.
12 Oskay Figen, Alfabem, Istanbul, Itimat Kitabevi, 1975.Sınıfımızda resmin var Atam. / Hep gülüyorsun. / Çalısın çocuklarım, / Diyorsun çalısın. / Çalısıyoruz Atam. / Senin istedifii gibi. / Bizimle övün, bize güven Atam.
13 Selon la présidente de l’Association pour la pensée atatürkiste (ADD) de Dortmund (Allemagne), Milliyet, 18 novembre 1999.
14 Yeni Yüzyıl, 9 mars 1998.
15 Avant 1963, on prélevait de la terre du tombeau du Porte-drapeau (Bayraktar), qui est, selon la tradition, le premier soldat ottoman tombé sur les murs de Nicosie lors de la conquête de 1571. Il est inhumé près de la mosquée du Bayraktar, lieu de mémoire inaccessible aujourd’hui aux Turcs, dans la partie sud (grecque) de Nicosie.
16 La qibla (kıble en turc) est la direction de la Kaba à La Mecque, vers laquelle les musulmans se tournent lorsqu’ils accomplissent la prière rituelle. L’expression est employée par F. Bildirici dans Hürriyet, 28 octobre 1998.
17 Ziyaret est le seul mot, en turc, qui désigne une visite quelconque ; mais il renvoie aussi à l’idée de “ petit pélerinage ” (ziyarah en arabe), visite au tombeau du Prophète et par extension aux tombeaux des saints de l’islam.
18 Un professeur de l’école de l’Armée de l’air en 1961, cité par Hürriyet, 28 octobre 1998.
19 Sabah, 13 mars 1998.
20 Hulusi Turgut, “ Suriye dosyası ”, Sabah, 14 mai 1998.
21 Chose très rare, Radikal a publié le 6 septembre 1998 une photo d’un buste très endommagé.
22 Cf. mon article “ Le consensus obligatoire ”, in Rigoni Isabelle (éd.), Turquie : Les mille visages. Politique, religion, femmes, immigration, Paris, Syllepse, 2000, pp. 89-104.
23 Ali Ünal, “ Tansyonu yükseltmek ihanettir ”, Zaman, 5 février 1997.
24 Yeni Yüzyıl, 26 octobre 1998.
Études complémentaires
En premier lieu, voir l'immense travail photographique et analytique accompli par Chantal Zakari et Mike Mandel, The State of Ata. The Contested Imagery of Power in Turkey, par publié par Eighteen Publications, Boston, 2010, 256-xvi p. (voir la recension en cliquant sur ce lien).
Bümin Kürsat, Okulumuz, Resmi Ideolojimiz ve Politikaya Övgü [Notre école, notre idéologie officielle et l’éloge en politique], Istanbul, Patika, 1998, 169 p.
Daldal Aslı, “ Mustafa Kemal kültü [Le culte de Mustafa Kemal] ”, Birikim, 105-106, 1998, pp. 36-49.
Erdogan Necmi, “ Popüler anlatılar ve Kemalist Pedagoji [Les récits populaires et la pédagogie kémaliste] ”, Birikim 105-106, 1998, pp. 117-125.
Erdogan Necmi, “ Kemalist Non-Governmental Organizations : Troubled Elites in Defence of a Sacred Heritage ”, in Seufert Günter, Vorhoff Karin, Yerasimos Stefanos (dir.), Civil Society in the Grip of Nationalism, Istanbul, Orient-Institut, IFEA, 2000, pp. 251-282.
Kongar Emre , 12 Eylül Kültürü [La culture du 12 septembre], Istanbul, Remzi Kitabevi, 1995, 300 p.
Meeker Michael M., “ Once There Was, Once There Wasn’t : National Monuments and Interpersonal Exchange ”, in Bozdogan Sibel, Kasaba Resat (ed.), Rethinking Modernity and National Identity in Turkey, Seattle, Londres, University of Washington Press, 1997, pp. 157-191.
Tapper Richard, “ Religion, Education and Continuity in a Turkish Town ”, in Tapper Richard (éd.), Islam in Modern Turkey. Religion, Politics and Litterature in a Secular State, Londres, I.B. Tauris, 1991.
Tezcan Levent, “ Kemalizmi Düsünmenin Sorunları [Les problèmes de la pensée kémaliste] ”, Toplum ve Bilim, n° 74, 1997, pp. 194-208.