Dans l'incendie criminel de l'hôtel Madımak à Sivas, le 2 juillet 1993, périrent 37 personnes dont des intellectuels, journalistes, écrivains, poètes, caricaturistes, musiciens, et des jeunes (dont un enfant de douze ans) venus dans cette ville pour le Festival Pir Sultan Abdal, organisé en l'honneur du grand poète alévi du XVIe siècle. Avec eux disparurent également deux membres du personnel de l'hôtel. Le choc a été violent pour la Turquie, un peu comparable a ce qu'a été l’attentat contre Charlie-Hebdo en janvier 2015 en France, car le drame de Sivas, tout aussi ciblé quoique probablement non prémédité, a touché des personnalités connues, aimées de la part de la Turquie qui se bat pour la liberté d'expression, de l'art, de la littérature, pour la démocratie et la pluralité religieuse. Ils furent victimes, comme en France, de l'obscurantisme, du fanatisme, de l'intolérance. Le célèbre écrivain et humoriste Aziz Nesin (qui avait traduit Les Versets sataniques de Salman Rushdie) n'a échappé que de justesse à la foule qui vociférait autour de l'hôtel en flammes.
Il n'est pas indifférent que parmi les victimes figure un caricaturiste, Asaf Koçak. Né en 1958, il avait participé à une quinzaine d'expositions et publié dans des revues telles que Bilim ve Sanat, 2000'e Dogru, Pir Sultan Abdal Dergisi, et dans les quotidiens Cumhuriyet et Günaydın. http://www.ismailkar.com/asafkocak.htm.
La Turquie a vécu des drames semblables à celui que la France a connu en janvier 2015. Comme en janvier 2015, les collègues d'Asaf Koçak ont tenu à lui rendre hommage, dans le langage de son art.
Tous les dessins que je reproduis ci-dessous sont tirés du site d'Ismail Kar, lui aussi caricaturiste, qui a entrepris sur son site karkomics une véritable encyclopédie de la caricature turque actuelle. Malheureusement, les dates et lieux de publication de ces dessins ne sont pas précisés par le site.
En 1994, un "prix Asaf Koçak" a été créé pour récompenser les meilleurs caricaturistes de Turquie.
Dans l'article suivant, je développe plus particulièrement le stéréotype de l'islamiste dans la caricature des années 1990.
Esquisse n° 67 - Sivas, 2 juillet 1993 - La fabrication de l'ennemi - Susam-Sokak
Pour canaliser une foule, la diriger contre un " ennemi " et aboutir à des actes tels que meurtres, viols, pillage, incendie volontaire, il faut que l' " ennemi " existe dans la conscience des ...
http://www.susam-sokak.fr/2017/06/esquisse-n-67-sivas-2-juillet-1993-la-fabrication-de-l-ennemi.html
"Ils ont bien pu me tuer mais jamais mes dessins". En haut à gauche: "N'oublions pas Sivas!". Dessin de Metin Citil