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Susam-Sokak

Turquie - Les racines du présent - Le blog d'Etienne Copeaux


Expression murale chez les Unités spéciales

Publié par Etienne Copeaux sur 13 Mai 2018, 15:28pm

Catégories : #La Turquie d'aujourd'hui

Dans les deux articles précédents, j'ai proposé une analyse de l'idéologie, des stéréotypes et des représentations qui sous-tendent l'action des « forces spéciales » de la gendarmerie (JÖH) et de la police (PÖH) au Kurdistan de Turquie, en 2015-2016, et en Syrie, lors de la conquête d'Afrin en 2018. Je m'étais attaché à la profération de la parole proclamant l'unicité de Dieu, dite tekbir, par ces troupes, puis au contenu du serment qu'on leur fait prêter avant de partir en opération (cf. « Unités spéciales et unicité de Dieu » et « Le serment des Unités spéciales ». Je propose d'examiner maintenant un troisième élément de discours, graphique cette fois.

 

Après les opérations de l'hiver 2015-2016, qui, s'appuyant sur des mesures de couvre-feu inhumaines, ont abouti à la réduction des « zones libres » tenues par le PKK dans les villes du sud-est du pays, et à la destruction de quartiers entiers, la population kurde a dénoncé le marquage du territoire conquis par le vainqueur. En effet, les murs des immeubles, l'intérieur de nombreuses habitations, commerces, écoles et autres bâtiments publics étaient recouverts d'inscriptions taguées à la bombe de peinture aérosol. De nombreuses vidéos attestent de ce que la bombe aérosol faisait partie de l'équipement de certains membres des commandos. Il n'y a aucun mystère, aucune dissimulation : les membres des commandos de gendarmerie et de police signent leurs inscriptions, ils sont fiers de leurs méfaits, de leurs méthodes, des « valeurs » qui les animent, et tiennent ensuite à les partager sur les réseaux sociaux.

Expression murale chez les Unités spéciales

Symétrique du rituel de départ en opération (profération du tekbir et prestation de serment), ce rituel des inscriptions murales y met un terme en exprimant, sur les ruines du terrain conquis, l'idéologie du vainqueur. Le « tag » sur les murs est à la fois une marque de prise de possession, une affirmation victorieuse de ses propres valeurs, une menace adressée à l'adversaire, et une volonté d'humiliation du vaincu. Il est essentiel que l'inscription murale soit vue par les Kurdes, sur les lieux et dans toute la Turquie, mais aussi par la partie de la population turque qui approuve ces opérations au Kurdistan. Aussi le tag sur les murs n'est-il que la première étape d'un processus de communication. Une fois tagué, le slogan est vu de visu par les habitants ; photographié et diffusé sur les réseaux sociaux, il est vu par le public, et interprété par chacun selon ses opinions. Ensuite, les slogans tagués sont commentés, approuvés ou réprouvés, sur ces mêmes réseaux sociaux et dans les médias, soit sous forme de commentaires postés par les internautes, soit sous forme de « sujets » des bulletins d'information à la télévision.

Une recherche sur Internet à partir de mots-clés comme « PÖH JÖH duvar yazıları (inscriptions murales des forces spéciales) » donne de nombreux résultats. Des amateurs ont regroupé ces photos en vidéos de quelques minutes, assorties de marches militaires et, souvent de hurlements de loup : ainsi leur intention est claire, il ne s'agit pas de dénoncer les actes des commandos, mais de les approuver chaleureusement.

Au préalable, il faut poser la question de l'authenticité des photos diffusées sur Internet. Il se peut que certaines soient retouchées, ou soient carrément des mises en scène : n'importe qui peut mettre une cagoule et se déguiser en membre des commandos, et superposer de fausses inscriptions sur n'importe quelle photo de mur. La pratique des inscriptions est attestée par des médias sérieux, en 2015 et 2016, beaucoup des photos qui circulent semblent authentiques, mais d'autres moins. Dans ce cas, il est possible que nous assistions à la naissance d'un stéréotype graphique, d'abord réellement présent sur les murs des quartiers conquis, puis se diffusant sous forme de photos retouchées. Leur énorme diffusion permet de mettre de côté la question de l'authenticité : c'est le stéréotype qui importe, sa circulation et surtout le message qu'il véhicule.

D'ailleurs, certainement encouragés par la pratique antérieure et son succès sur les réseaux sociaux, les commandos qui ont assiégé et pris, en mars 2018, Afrin et sa région, tenue par les Kurdes de Syrie, ont réitéré cette pratique, et, de nouveau, ces inscriptions ont parcouru Internet (cf. https://www.youtube.com/watch?v=tgo7XlLFgZM, mis en ligne le 29 mars 2018).

 

Le triomphe du Turc, la force de l'Etat

 

L'un des admirateurs des commandos, nommé Ö.M., a mis en ligne plusieurs collections de photos. Le 6 août 2017, il commente ainsi sa vidéo :

« Les équipes des forces spéciales de police et gendarmerie ne laissent aucune issue aux terroristes. Ils laissent leur signature sur les murs des quartiers qu'ils ont nettoyés. Voici quelques inscriptions très comiques des PÖH et JÖH. Il n'y a qu'un seul Dieu et son armée est turque ! » (https://www.youtube.com/watch?v=UxJfmvduY38).

Les inscriptions sont d'abord un marquage du territoire, à petite échelle, alors que l'inscription géante ou le drapeau géant à flanc de montagne le sont à l'échelle du paysage et sont une pratique déjà ancienne de l'armée turque. On peut l'observer dans toute l'Anatolie, partout où se trouve une caserne ou un camp, et au nord de Chypre, où l'inscription murale a été pratiquée depuis des décennies par les occupants, qui ont couvert tout spécialement les murs des églises de slogans turquistes... ou de propos grossiers voire pornographiques. Le marquage scriptural du territoire en doublait un autre, plus systématique encore : la destruction de toutes les tombes de tous les cimetières orthodoxes de la partie de l'île conquise en 1974.

 

Marquage du territoire au nord de Chypre. A gauche, l'église de Sysklipos, 1998. A droite, le fameux drapeau paysager de Vouno, 1996. Photos E.C.Marquage du territoire au nord de Chypre. A gauche, l'église de Sysklipos, 1998. A droite, le fameux drapeau paysager de Vouno, 1996. Photos E.C.

Marquage du territoire au nord de Chypre. A gauche, l'église de Sysklipos, 1998. A droite, le fameux drapeau paysager de Vouno, 1996. Photos E.C.

Dans les collections de photos de 2016-2018, l'idée de victoire s'exprime quelquefois par l'insertion d'une vue de quartier ruiné, parcourue par des blindés. Ou, plus récemment, de mises en scènes militaires : des chars disposés de manière à former, en vue aérienne, l'étoile et le croissant ; ou des hommes disposés, sur un terrain de sport, de manière à former l'inscription « Zeytin dalı zaferi » (victorieuse opération rameau d'olivier).

Expression murale chez les Unités spécialesExpression murale chez les Unités spéciales

 

Mais sur les inscriptions murales, il faut insulter le peuple conquis, par exemple en mettant en doute la virilité de l'adversaire. Les combattants du PKK sont qualifiés de « camarades en jupes (Fistanlı Hewal) » ; un combattant kurde, peut-être un « martyr » du PKK, représenté sur une image murale réalisée au pochoir, est travesti d'une jupe et d'un soutien-gorge, tandis qu'une autre inscription proclame : « On ne fonde pas un Etat avec de la dentelle ». Allusions probables à l'incorporation de femmes combattantes dans les rangs du PKK. En France, on qualifierait les adversaires de gonzesses.

Plus souvent encore, l'adversaire est défié ; c'est un couard, car il n'est plus là quand les commandos arrivent : « Nous sommes venus, vous n'étiez pas là ! Mais n'oubliez pas, nous reviendrons ! » ou alors : « Les commandos sont là, où es-tu camarade ? » Ce dernier défi est inscrit sur le tableau d'une salle de classe, avec le symbole du croissant et de l'étoile (ayyıldız) du drapeau national. Une mitrailleuse lourde est posée sur le bureau du professeur, et le vainqueur ou supposé tel pose en faisant le signe du loup.

De gauche à droite: image de combattant kurde "féminisée"; "Nous sommes venus tu n'étais pas là! Nous reviendrons!"; "Les commandos sont là où es-tu camarade?" (en haut et à droite du tableau, à demi cachés par la main du milicien, l'étoile et le croissant schématisés)De gauche à droite: image de combattant kurde "féminisée"; "Nous sommes venus tu n'étais pas là! Nous reviendrons!"; "Les commandos sont là où es-tu camarade?" (en haut et à droite du tableau, à demi cachés par la main du milicien, l'étoile et le croissant schématisés)De gauche à droite: image de combattant kurde "féminisée"; "Nous sommes venus tu n'étais pas là! Nous reviendrons!"; "Les commandos sont là où es-tu camarade?" (en haut et à droite du tableau, à demi cachés par la main du milicien, l'étoile et le croissant schématisés)

De gauche à droite: image de combattant kurde "féminisée"; "Nous sommes venus tu n'étais pas là! Nous reviendrons!"; "Les commandos sont là où es-tu camarade?" (en haut et à droite du tableau, à demi cachés par la main du milicien, l'étoile et le croissant schématisés)

Notons au passage que la salle de classe – et son tableau - est un des lieux préférés des commandos pour leurs inscriptions ; d'ailleurs, l'un d'eux écrit : « C'est à notre tour d'enseigner maintenant ! » (Egitim sırası bizde). Les écoles étant souvent leur lieu de garnison provisoire (comme dans toute guerre), ils laissent les murs des classes « ornés » de leurs symboles de prédilection, comme les trois croissants (un souvenir ottoman devenu symbole du parti fascisant MHP), le loup gris ou simplement le croissant et l'étoile du drapeau.

Ce dernier symbole est clair : à la fois reconnaissance du fait que le quartier était sorti du territoire de la république, une « zone libérée » et contrôlée par le PKK. Sa reconquête militaire signifie son retour dans la république, et il convient d'en apposer les signes, principalement le drapeau, reproduit intégralement avec sa couleur rouge, ou, schématiquement, le croissant et l'étoile. Ce rituel de reconquête était très pratiqué au cours des décennies précédentes, lorsque la police (l'Etat) reprenait un quartier tenu par la gauche, ou un monument provisoirement occupé (voir cet article sur ce blog). De même des membres des commandos posent fièrement devant des maisons sur lesquelles ils ont peint un drapeau, en brandissant leur fusil d'assaut.

A gauche: "C'est à notre tour d'enseigner!"; au centre: "Les PÖH et JÖH font la chasse aux perdrix du PKK à Yüksekova" (remarquer les trois croissants schématisés); à droite: L'appel à la prière ne cessera pas, le drapeau ne sera jamais abaissé"A gauche: "C'est à notre tour d'enseigner!"; au centre: "Les PÖH et JÖH font la chasse aux perdrix du PKK à Yüksekova" (remarquer les trois croissants schématisés); à droite: L'appel à la prière ne cessera pas, le drapeau ne sera jamais abaissé"A gauche: "C'est à notre tour d'enseigner!"; au centre: "Les PÖH et JÖH font la chasse aux perdrix du PKK à Yüksekova" (remarquer les trois croissants schématisés); à droite: L'appel à la prière ne cessera pas, le drapeau ne sera jamais abaissé"

A gauche: "C'est à notre tour d'enseigner!"; au centre: "Les PÖH et JÖH font la chasse aux perdrix du PKK à Yüksekova" (remarquer les trois croissants schématisés); à droite: L'appel à la prière ne cessera pas, le drapeau ne sera jamais abaissé"

Outre le drapeau avec sa puissance d'évocation, des inscriptions affirment explicitement le retour de l'Etat provisoirement incarné par les commandos : « La république de Turquie est ici et partout » (TC her yerde) ; « L'Etat est de retour ! » (Devlet geldi) accompagné de trois croissants ; « C'est ton Etat, ne le trahis pas ! » (Devletin var ihanet etme).

Ce Kurdistan de Turquie est un pays étranger pour beaucoup de Turcs qui n'y ont jamais mis les pieds. Le sentiment de conquête est d'autant plus fort que les membres des commandos viennent de l'ouest ; ils le font savoir, souvent, en mentionnant leur lieu d'origine, dans des adresses à leurs « pays » de Manisa, Balıkesir, Darende, Edirne ou Bodrum. De ce fait, ils proclament leur externalité et la distance voire le gouffre qui les sépare de leurs adversaires.

Le drapeau, l'Etat, la nation turque et leurs symboles, c'est avant tout la force qui vient de s'exercer. Elle est le principal attribut de l'Etat, qui doit inspirer de l'effroi, comme tout Turc est censé le faire : « Vous allez voir la force du Turc ! », cette menace est encadrée par un drapeau schématique et les trois croissants ; de même, « Vous serez bien obligés de vous incliner devant le Turc ! » est assorti de cinq fois trois croissants.

Les injonctions des commandos ne restent pas dans le domaine poli : « On ne négocie pas avec les terroristes, on leur chie sur la tête ! ». Et, comme d'habitude et comme dans toutes les guerres, on ne respecte même pas le cadavre de l'adversaire ; de telles images sont rares dans les collections mais on imagine que d'autres photos, moins diffusées, ont été prises, de cadavres sur lesquels on fait le signe du loup gris ou autres (voir sur la chaîne Youtube Mahallenin kedisi à 0'30).

De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"
De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"

De gauche à droite et de haut en bas: le drapeau déployé par les commandos; "L'Etat est de retour" (sous le slogan, les trois croissants schématisés); "Vous allez voir la force du Turc" et sur le mur de droite: "Loups gris" - les trois croissants - La Touranie c'est notre idéal; "Vous allez devoir vous incliner devant le Turc" (avec nombreux signes des trois croissants); "On ne négocie pas avec des terroristes, on leur chie sur la tête!"

L'expression des milieux islamo-fascistes

 

Depuis les années 1980, l'armée turque étant peu apte à l'époque à combattre dans le cadre d'une guérilla, l'Etat a formé ou encouragé la formation de troupes paramilitaires dont les membres ont été recrutés dans les milieux ultra-nationalistes et racistes : le parti MHP, les Loups gris, les Foyers idéalistes. Au cours de la décennie 1990, regroupés dans ce qu'on appelait les Özel tim (équipes spéciales), ces miliciens étaient encadrés à la fois par l'Etat et les organisations nationalistes, et tissaient des liens troubles avec le monde du trafic et les mafias ; le système tribal, alors revivifié par l'Etat, constituait également un cadre très favorable, avec son système impitoyable d'allégeances. Les miliciens de l'époque étaient en fait des tueurs, peu encadrés, utilisés pour la guérilla mais aussi des coups de mains et des assassinats.

Aujourd'hui, au sein des PÖH et JÖH, ils font partie intégrante des forces de l'Etat. Ils en sont le fer de lance et sont utilisés dans toutes les « opérations » difficiles, comme récemment en Syrie. Mais la filiation avec les tueurs des années 1990 est revendiquée, et même la filiation avec les chefs mafieux comme Abdullah Çatlı ou Sedat Peker (qui a souhaité voir baigner dans leur sang les universitaires ayant pétitionné pour la paix), qui sont honorés sur les inscriptions murales.

Il n'est donc pas étonnant que les membres des commandos se comportent comme s'ils faisaient partie de la milice du parti fascisant MHP, avec son idéologie raciste et sa pratique constante de la violence politique.

Le Loup fasciste est partout. Sur presque toutes les photos, les miliciens en font le signe, auriculaire et index levés, annulaire et majeur joints au pouce. C'était un signe de défi, ultra-nationaliste, brandi au cours des manifestations du MHP, et qui est ainsi devenu le signe du pouvoir, Erdogan lui-même ne dédaignant pas de le faire en public. Parfois, le loup apparaît graphiquement, dessiné sur les murs, accompagné d'autres symboles. Ou bien, il est évoqué dans les inscriptions : « Les dents du loup sont sanglantes ; craignez-le ! ». Plus explicitement encore, c'est l'ancien chef du MHP, l'ex-colonel Türkes, qui est honoré sur les murs, par exemple le 4 avril, jour anniversaire de son décès : « C'est le 4 avril ! Chef, nous ne t'oublions pas, nous ne t'oublierons pas ! ». Mais ce sont également des slogans comme « Vivent les Foyers idéalistes ! » inscrit sur le mur d'une salle de classe. Pour que le propos soit plus explicite encore, des internautes publient ces photographies avec des hurlements de loups en fond sonore.

Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"
Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre;  3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"

Successivement: 1) Redondance des signes: le drapeau, le Loup, les quatre runes, le signe du Loup avec les mains; une inscription runique, le slogan "Vive la race turque" et encore le drapeau; 2) Le signe du Loup par-dessus un cadavre; 3) "Les dents du Loup sont sanglantes, craignez-le!" 4) La tête du Loup accompagne l'inscription "Les héros donnent leur vie pour que vive la patrie!"; 5) "4 avril: Chef, nous ne t"oublierons pas!"; 6) "Les soldats d'Alparslan Türkes"

Comme je l'ai souvent souligné, cet ultra-nationalisme turc est pénétré de valeurs islamistes : le MHP proclame que « la nation turque est musulmane », et que l'on ne peut être turc sans être musulman. Un dicton prisé dans ces cercles dit : « Mon prénom est ‘Turc’, mon nom est ‘musulman’ ».

Ainsi, de même que les combattants prêtent serment sur des valeurs musulmanes avant de partir en opération et profèrent des tekbir, ils écrivent des sentences religieuses sur les murs, comme s'ils avaient conquis un territoire de mécréants au profit de l'islam : c'est que les Kurdes partisans ou sympathisants du PKK sont, selon la propagande, réputés « athées ». On peut lire sur les murs « Dieu est là qui efface les souffrances » ; « Dieu suffit à tout » ; « C'est nous qui combattons, mais la victoire appartient à Dieu ». Et surtout : « Il n'y a qu'un seul Dieu et son armée est turque ». Ces slogans rejoignent la conception religieuse de la nation exprimée si souvent dans les propos politiques – et sur les murs des ruines, les tableaux des salles de classes investies par les commandos - « L'appel à la prière [ezan] ne se taira jamais – le drapeau flottera toujours ». Enfin, on voit apparaître sur les murs un slogan fameux du national-islamisme turc, souvent proféré dans les manifestations ou les émeutes, comme celle de Sivas en juillet 1993 qui fit 37 victimes : « Même si pour cela mon sang doit couler, c'est l'islam qui vaincra ! » (Kanım aksa da zafer islamındır).

De gauche à droite: 1) "Dieu est unique, son armée est turque"; 2) "Nous combattons, la victoire est pour Dieu" (cette photo est probablement plus ancienne car l'expression Özel Tim - Unités spéciales - est délaissée au profit de JÖH-PÖH); 3) "La victoire est pour Dieu! Nous nous sommes bien amusés, vous êtes morts tout de suite"; 4) "Dieu suffit à tout - Vous allez voir la force du Turc!" trois croissants et étoile et croissant schématisés, signé Les Lions de DieuDe gauche à droite: 1) "Dieu est unique, son armée est turque"; 2) "Nous combattons, la victoire est pour Dieu" (cette photo est probablement plus ancienne car l'expression Özel Tim - Unités spéciales - est délaissée au profit de JÖH-PÖH); 3) "La victoire est pour Dieu! Nous nous sommes bien amusés, vous êtes morts tout de suite"; 4) "Dieu suffit à tout - Vous allez voir la force du Turc!" trois croissants et étoile et croissant schématisés, signé Les Lions de DieuDe gauche à droite: 1) "Dieu est unique, son armée est turque"; 2) "Nous combattons, la victoire est pour Dieu" (cette photo est probablement plus ancienne car l'expression Özel Tim - Unités spéciales - est délaissée au profit de JÖH-PÖH); 3) "La victoire est pour Dieu! Nous nous sommes bien amusés, vous êtes morts tout de suite"; 4) "Dieu suffit à tout - Vous allez voir la force du Turc!" trois croissants et étoile et croissant schématisés, signé Les Lions de Dieu
De gauche à droite: 1) "Dieu est unique, son armée est turque"; 2) "Nous combattons, la victoire est pour Dieu" (cette photo est probablement plus ancienne car l'expression Özel Tim - Unités spéciales - est délaissée au profit de JÖH-PÖH); 3) "La victoire est pour Dieu! Nous nous sommes bien amusés, vous êtes morts tout de suite"; 4) "Dieu suffit à tout - Vous allez voir la force du Turc!" trois croissants et étoile et croissant schématisés, signé Les Lions de Dieu

De gauche à droite: 1) "Dieu est unique, son armée est turque"; 2) "Nous combattons, la victoire est pour Dieu" (cette photo est probablement plus ancienne car l'expression Özel Tim - Unités spéciales - est délaissée au profit de JÖH-PÖH); 3) "La victoire est pour Dieu! Nous nous sommes bien amusés, vous êtes morts tout de suite"; 4) "Dieu suffit à tout - Vous allez voir la force du Turc!" trois croissants et étoile et croissant schématisés, signé Les Lions de Dieu

Les devises d'Atatürk détournées

 

Si la filiation entre les miliciens et le parti MHP est désormais évidente, il en existe une autre, moins explicite, avec le kémalisme et Atatürk. Cet aspect des inscriptions murales surprendra peut-être les personnes qui croient encore, en Occident, qu'Atatürk est une référence nécessaire à l'idée démocratique et laïque en Turquie.

En son temps, Atatürk a fondé un régime totalitaire fortement inspiré du fascisme italien. Jusqu'à la fin du XXe siècle, la république de Turquie était le seul régime totalitaire des années trente qui ait survécu, avec ses icônes et ses slogans. C'est un régime qui a instillé profondément dans la population, durant des décennies, un nationalisme intransigeant, des valeurs xénophobes voire racistes, s'exprimant notamment dans la négation obstinée du génocide des Arméniens et la répression des mouvements kurdes.

Les slogans du kémalisme sont partout en Turquie : au fronton des écoles et bâtiments publics, sur le socle des innombrables monuments à Atatürk, et jusque sur le flanc des montagnes, et les enfants des écoles doivent les réciter comme des mantras. Plusieurs de ces slogans peuvent être détournés facilement au profit de l'ultra-nationalisme. Mais est-ce vraiment un détournement ? Ces formules ont été pensées dans le cadre d'un nationalisme ; elles étaient destinées à conforter le narcissisme de la population, mis à mal par l'écroulement de l'Empire, à lui donner bonne conscience après le génocide des Arméniens, et à légitimer les violences infligées dans le passé ainsi que les violences ultérieures exigées par la nation.

A gauche, le slogan "Turc, sois fier..." sur des bustes d'Atatürk dans un atelier spécialisé; "Quel bonheur..." inscrit sur le flanc d'une montagneA gauche, le slogan "Turc, sois fier..." sur des bustes d'Atatürk dans un atelier spécialisé; "Quel bonheur..." inscrit sur le flanc d'une montagne

A gauche, le slogan "Turc, sois fier..." sur des bustes d'Atatürk dans un atelier spécialisé; "Quel bonheur..." inscrit sur le flanc d'une montagne

Un autre slogan d'Atatürk est fréquemment détourné. A l'origine, il dit : « Turc, sois fier, travaille, aie confiance » (Türk övün çalıs güven). Le slogan original est souvent objet d'ironie ; ainsi dans le dictionnaire participatif eksisözlük, un internaute l'a ainsi commenté : « Turc, sois fier (mais de quoi ?), travaille (comment ?), aie confiance (en qui ?) ». Mais pour les ultra-nationalistes, il n'est pas question d'ironie. Ils en ont fait un syllogisme dont le premier prémisse : « Turc, sois fier ! » est implicite. Le second prémisse énonce : « Si tu n'es pas fier d'être turc », et la conclusion : « Alors tu dois obéir » (Türksen övün degilsen, itaat et).

Ce slogan kémaliste détourné est très présent sur les murs des quartiers conquis. Il exprime une menace et complète la formule « Quel bonheur » ; il en explicite même le corollaire. Le résultat du refus de l'être-turc n'est pas seulement l'exclusion, c'est la soumission au Turc : les ultra-nationalistes veulent un système ottoman aggravé, car il n'est pas question dans leur logique de laisser exister des communautés vivant côte à côte, chacune dans leur culture : le Turc doit être dominant.

Le slogan connaît un grand succès ; une recherche sur Internet donne de nombreux résultats, tous édifiants. L'un des clips proposés fait défiler des images à la fois patriotiques et menaçantes (une tête de mort aux couleurs du drapeau par exemple), d'autres slogans de défi comme « Vous êtes nombreux mais nous sommes turcs » (Siz çoksunuz biz Türk) ; mais aussi un troisième slogan narcissique dû à Atatürk : « Un seul Turc vaut le monde entier » (Bir Türk dünyaya bedeldir) ; ici, le mot « Türk » est remplacé par quatre lettres runiques que nous retrouvons sans cesse dans les inscriptions murales et sur lesquels je reviendrai ci-après.

Deux inscriptions "Heureux celui qui se dit turc" ; "Si tu es turc, sois fier; sinon, obéis"Deux inscriptions "Heureux celui qui se dit turc" ; "Si tu es turc, sois fier; sinon, obéis"Deux inscriptions "Heureux celui qui se dit turc" ; "Si tu es turc, sois fier; sinon, obéis"

Deux inscriptions "Heureux celui qui se dit turc" ; "Si tu es turc, sois fier; sinon, obéis"

« Bâtards ! »

 

Ceux qui croient appartenir à une race pure ont besoin de se mesurer à des « impurs ». Ils inventent des bâtards, produits de croisements honteux entre les leurs et les autres, ou entre deux altérités également réprouvées. La xénophobie étant un fondement de l'idéologie nationaliste, on passe vite de « différent » à « étranger » puis à « ennemi ». L'idée d'encerclement par l'ennemi est cultivée pour maintenir la vigilance nationale, et les ennemis sont perçus comme étant ligués contre le Turc. Ainsi les Kurdes seraient appuyés par les Arméniens, eux-mêmes par les Grecs, et tous manipulés par l' « Occident chrétien ». On passe facilement de cette logique à celle d'abâtardissement : ainsi les Kurdes seraient des « bâtards d'Arméniens » (Ermeni piçi). L'insulte n'est pas nouvelle ; sous une autre forme (Ermeni dölü - Graine d'Arménien), elle a été proférée à l'encontre d'Abdullah Öcalan, chef du PKK, par Meral Aksener, alors qu'elle était ministre de l'intérieur du gouvernement islamiste Refah (1996-1997) (elle est en 2018 candidate à la présidence de la république). Après l'assassinat de Hrant Dink (2007), le politologue Baskın Oran, figure emblématique de la réconciliation avec les Arméniens et de la paix avec les Kurdes, a été lui aussi traité de « bâtard d'Arménien » et menacé de mort par la Türk Intikam Tugayı, une organisation para-militaire fascisante.

L'insulte est odieuse mais elle en révèle beaucoup. Après un siècle de refoulement, le génocide n'est pas effacé des consciences, dans lesquelles le fantôme de l'Arménien rôde toujours, témoin du crime fondateur et ferment d'un sentiment de culpabilité dont on ne peut guérir que par la reconnaissance des faits ou, inversement, par une violence multiforme censée masquer le crime.

« Bâtards d'Arméniens ! », « Vengeance sur les Arméniens ! », ce sont quelques-unes des inscriptions murales des commandos. Certaines sont accompagnées de ces quatre caractères runiques censés signifier « turc » dans la langue proto-turque du VIIIe siècle, ou encore du nom de Kürsad, héros proto-turc de la même époque qui aurait vaincu l'armée chinoise avec quarante soldats. À ce héros légendaire est en outre associé, parfois, le nom du personnage bien réel Abdullah Çatlı, vénéré par l'extrême-droite.

De telles associations avec la figure de l'Arménien créent un assemblage complexe qui renvoie l'hostilité en un temps reculé où Turcs et Arméniens n'étaient même pas voisins. Mais peu importe, car ainsi l'Arménien est fait ennemi intemporel, éternel ; et surtout, le Turc des commandos se voit en l'un des quarante soldats de Kürsad l'invincible, et il agit au nom du Kürsad contemporain, le mafieux Abdullah Çatlı.

Mais l'ennemi éternel a été exterminé voici un siècle. Il n'est plus présent dans les contrées où opèrent les commandos, et la haine de l'Arménien est ainsi transférée sur les Kurdes par le biais de supposées relations sexuelles ayant engendré des « bâtards ». Ce transfert permet avantageusement de fonder la haine des Kurdes sur une prétendue impureté raciale et sur une incertitude d'ordre religieux dès lors que les leurs auraient été inséminés par des gavur, des mécréants. L'opération, même si ce processus n'est pas explicité, permet de combattre les Kurdes comme s'ils étaient des mécréants, des non-musulmans, des ennemis de Dieu. Et nous retrouvons l'un des autres registres : les Turcs sont l'armée d'Allah.

Tout cela ne révèle-t-il pas une peur provoquée par le sentiment de culpabilité, toujours actif après trois ou quatre générations ? Ou une tentative d'exorciser cette peur, aux dépens des Kurdes ?

A gauche, "Batards d'Arméniens" ; à droite, "Malheur aux Arméniens" accompagné de runes proto-turques et du slogan "Président Çatlı, tu as transmis la rancune de Kürsat!"A gauche, "Batards d'Arméniens" ; à droite, "Malheur aux Arméniens" accompagné de runes proto-turques et du slogan "Président Çatlı, tu as transmis la rancune de Kürsat!"

A gauche, "Batards d'Arméniens" ; à droite, "Malheur aux Arméniens" accompagné de runes proto-turques et du slogan "Président Çatlı, tu as transmis la rancune de Kürsat!"

L'identification à l'âge de l'Orkhon

 

Pour finir cet examen, il faut revenir à ce que les membres des commandos, leur hiérarchie et leurs inspirateurs considèrent comme l'âge d'or des Turcs, fortement évoqué non seulement dans leurs inscriptions murales, mais dans l'ensemble de l'énorme broussaille des sites internet, pages Facebook, chaînes Youtube, etc., relevant de l'ultra-nationalisme turc.

Cet « âge d'or » a fleuri sur les rives de la rivière Orkhon, en Mongolie, où furent découvertes au XVIIIe siècle des stèles gravées de textes runiques. Elles ont été déchiffrées et traduites en 1896, précisément à l'époque de la naissance du nationalisme turc. Les textes, datés du début du VIIIe siècle, évoquent sous une forme épique et très littéraire les rapports conflictuels entre les tribus proto-turques dites « Turcs célestes » et l'empire de Chine. Loin de la Turquie actuelle, loin dans le temps, ces textes ont été popularisés par l'enseignement de l'histoire, à tous les niveaux, à partir de 1931 : tout enfant turc en a lu des extraits, les a appris par cœur et commentés. Les extraits retenus par la littérature scolaire desservent le narcissisme turc du XXe siècle ; ils enjoignent le Turc à « rester lui-même », à « revenir à lui », à repousser les sirènes de la sinisation et le confort du sédentarisme pour conserver sa culture des steppes et son mode de vie nomade. Ces textes lapidaires, leur discours, les symboles, héros et toponymes évoqués ont été utilisés d'abord dans la propagande et la symbolique du régime kémaliste à ses débuts, notamment le Loup gris, fondateur légendaire de la race turque. Puis, à partir des années 1940, l'extrême-droite raciste s'est emparée de ces référents : Orkhon, Ergenekon, Ötüken, sont devenus des noms de groupes fascisants, de revues racistes, de maisons d'édition. Les phrases les plus marquantes des stèles, adaptées et détournées de leur contexte, sont devenues des slogans des ultra-nationalistes. Cette thématique traverse, sans discontinuité, l'ensemble de l'histoire de la république de Turquie (voir mon étude exhaustive dans mon livre Espaces et temps de la nation turque, 1997, p. 154-180, et des extraits de ma thèse mis en ligne : liens en fin d'article).

Il n'est donc pas étonnant de la retrouver ici, dans les ruines des quartiers et villes kurdes détruits par les commandos. Oubliées, les vaines tentatives des historiens aux ordres de l'armée, à la fin du XXe siècle, pour désamorcer le nationalisme kurde en cherchant à prouver que les Kurdes ne sont qu'une tribu issue de ces mêmes proto-Turcs : les Kurdes sont une altérité abâtardie et dangereuse, il faut leur opposer la race supérieure, celle qui n'a jamais perdu la pureté des origines.

Aussi les inscriptions des commandos sont-elles parsemées des quatre caractères runiques censés signifier « turc ». Ils sont partout, ils ont acquis autant de valeur évocatrice que l'image du Loup et le signe du loup, que font presque tous les miliciens photographiés. Ces runes, ces signes, sont accompagnés de slogans évocateurs, presque tous ceux que j'ai déjà signalés, mais aussi « Vive la race turque », « Vive la Touranie, idéal de la race turque ». Le plus souvent, les signes sont redondants sur les murs photographiés : les runes, le loup, un slogan raciste, le drapeau turc, souvent les trois croissants, quelquefois la référence à Kürsad, et toujours le signe du loup quand des miliciens figurent sur la photo.

Le thème de la Touranie, des anciens proto-Turcs, leur écriture runique, l'appel des inscriptions de l'Orkhon à « rester fier », à « rester soi-même » tourne sur lui-même et se mêle à l'ultra-nationalisme et maintenant à l'image d'Atatürk... comme lors des premiers temps du kémalisme, mais avec la puissance d'Internet.

Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)
Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)

Quelques inscriptions comportant les quatre runes censées signifier "Türk" en proto-turc. En bas, le slogan "Turc sois fier..." écrit en runes, et le nom d'Atatürk (imagerie kémaliste sur internet)

 

Issu du discours nationaliste, du discours historique de l'Etat, et du discours politique via l'école, le flux de slogans et d'injures racistes a donc abouti à l'expression murale des membres des commandos, avec l'approbation au moins tacite de leurs supérieurs, même au plus haut niveau. Sur de multiples registres, les inscriptions murales tissent une idéologie raciste et fasciste. Elles font l'apologie de la violence passée, présente et future exercée par les Turcs sur toutes les Altérités.

L'idéologie s'est bien diffusée, bénéficiant d'un temps long et, constamment, de l'appui de l'Etat républicain. Elle est présente dans les derniers filaments du pouvoir que sont les membres de ces commandos. Nous verrons dans le prochain article ce que ces inscriptions inspirent aux internautes nationalistes.

(à suivre : cliquer ici)

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