Ce court texte pour exprimer mon soutien à Mutlu Öztürk, professeur d'histoire pacifiste, emprisonné depuis deux mois.
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« Mutlu représente l'engagement tel que nous l'aimons. Il est engagé dans son métier, en tant que professeur d'histoire et en tant qu'historien. Lors des rencontres universitaires sur l'enseignement de l'histoire, on y invite rarement des personnes de terrain, des enseignants qui doivent, quotidiennement, réfléchir à la manière d'insuffler un nouvel esprit parmi leurs élèves. Mutlu, homme de terrain, parvient à occuper cet espace entre la pratique et la réflexion théorique. Durant ses années d'enseignement, d'une part il travaillait avec ses élèves, leur transmettant sa propre réflexion, et parvenait aussi à la transmettre autour de lui, à ses collègues et aux chercheurs.
« Je suis également un ancien enseignant. Je connais toutes les difficultés auxquelles on doit faire face dans la pratique, difficultés qui viennent des élèves eux-mêmes, de leurs parents parfois, de l'administration surtout.
« Pour avoir étudié de près l'enseignement de l'histoire en Turquie, je peux me rendre compte précisément du décuplement de ces mêmes difficultés pour un enseignant turc.
« Mutlu y a fait face... avec le sourire qu'on lui connaît. Patiemment et avec enthousiasme. Il apprécie certainement sa récompense, qui est dans le regard et l'affection des élèves et anciens élèves.
« Mais Mutlu est aussi un homme engagé, engagé pour la paix, avec le HDP.
« Erdogan, au moment du début des négociations sur la paix en 2013, avait prévenu : « Il est plus difficile de faire la paix que de faire la guerre ». Certes ! et il a choisi finalement la facilité, poursuivre la guerre en Turquie et hors des frontières. Car la guerre est un moyen de gouvernement ; elle légalise la violence contre ses propres citoyens, le contrôle permanent, la répression par tous les moyens que connaissent malheureusement nos amis de Turquie.
« On s'est étonné en France, en octobre, parce que la guerre contre le Kurdistan syrien n'avait pas provoqué une large opposition dans la population. On attendait peut-être d'immenses protestations comme aux Etats-Unis au moment de la guerre du Vietnam ! Eh bien l'arrestation de Mutlu et de ses compagnons, la dure répression contre les « universitaires pour la paix », depuis des années et par de multiples moyens, devrait faire réfléchir à l'étranger.
« En France nous traversons une période dure, des dizaines de milliers de personnes font connaissance avec une violence policière qui est nouvelle dans notre pays. Les Français sont étonnés que cela leur arrive, à eux ! Mais si nous ne soutenons pas ceux qui luttent, en Turquie et dans les pays qui, dans ce domaine de la violence d'Etat, sont « en avance » sur nous, quel espoir pourrions-nous avoir pour la pérennité de nos sociétés démocratiques ? »
Etienne Copeaux, historien de la Turquie, ancien professeur d'histoire