[Dernières modifications le 23 juin 2016 ]
En 1996, un rapport émanant de l’Administration pour le développement de la région du GAP (GAP Bölge Kalkınma Idaresi 1) révélait que 61 % des villages du secteur étaient de facto dépendants d’une ou plusieurs tribus (asiret), et que 47 % des chefs de famille reconnaissaient relever d'une tribu. Le phénomène tribal était-il toujours vivant ou n'était-il qu'un legs de la société turque pré-kémaliste, un phénomène anachronique, balayé par l’administration « moderne » et jacobine de la nouvelle république ? La loi dite Medeni Kanun de 1926 ayant institué dans le droit la famille nucléaire de type européen, le système tribal devenait en effet incompatible avec la nouvelle législation.
Et, certes, vers 1995, aux yeux des citadins de la Turquie de l'ouest, la tribu paraissait effectivement un phénomène social dépassé, vaguement folklorique, peu dérangeant même, à condition qu'il reste confiné dans les régions de l'est, en apparence si éloignées dans l'espace et dans le temps. Le chef de tribu (asiret reisi) était perçu comme un personnage du passé, à la fois tyran local, roitelet, trafiquant, petit seigneur de guerre, condamné à disparaître devant la modernité. Dans la grande presse stambouliote, le phénomène tribal correspond à cette image. La tribu est certes un phénomène négatif, mais qui ne porterait tort qu'à ses propres membres, ou aux tribus rivales. Elle fait partie d'un certain folklore qui, au fond, rassure l'occidental – je veux dire l’occidental turc - d'être si différent, si « évolué » par rapport à ces populations.
C’est une vision qui correspond assez bien à l’analyse qu’en fait Gilles Dorronsoro 2, pour qui l'image de la tribu, dans les médias, résulterait « de la perception de cette région [le Sud-Est] par les autorités, notamment par les militaires » ; et les présupposés qui sous-tendent cette perception seraient entre autres le résultat d’une « forme prononcée d’orientalisme »... une représentation sociale, en somme, à laquelle la presse contribue sans doute. La place des tribus dans la vision du problème par les autorités serait excessive, selon G. Dorronsoro, et ces remarques incitent à déplacer la frontière imaginaire entre Orient et Occident. En effet, l’Européen occidental a tendance à situer la Turquie en Orient, mais il n’imagine pas que les Stambouliotes ou les Turcs de l’Ouest se considèrent eux aussi comme des Occidentaux qui font front contre une altérité « orientale », la partie de l’Anatolie qui s’étend à l’est d’Ankara.
On retrouve effectivement une forme d'orientalisme caricatural dans la perception des quotidiens stambouliotes à l’époque que j'étudie. Qu’est-ce que l’Orient de la Turquie dans cette perception stambouliote « orientaliste » ? C'est, grosso modo, un monde tribal, forcément, où les hommes sont polygames, ont des dizaines d’enfants, se promènent toujours armés jusqu’aux dents et s’entretuent pour des questions d’honneur. C’est exactement l'image que donne Milliyet, en 1997, d’un agha de Bismil (département de Diyarbakır) : l’homme, devant sa maison toutefois modeste, caracole sur un élégant petit cheval blanc. Tourné vers le photographe, fier, il brandit sa kalachnikov. Dans la poche poitrine de son gilet, il porte un talkie-walkie qui, avant l'ère du téléphone portable, est signe de l'exercice d'un contrôle et de pouvoir. Derrière lui, alignés devant la maison, ses femmes, et une bonne vingtaine d’enfants. Polygamie, descendance nombreuse, fascination des armes : l’image de Milliyet nous présente un idéal-type. Le photographe est peut-être lui-même l’auteur de la mise en scène, à laquelle l’agha, les enfants, les femmes et le cheval ont obligeamment collaboré 3.
Ainsi, dans leurs descriptions de l’Orient turc, les journalistes des quotidiens stambouliotes ont tendance à privilégier tout ce qui paraît un peu folklorique. Par exemple, Yeni Yüzyil, en juillet 1996, rapporte que la tribu Çaçan a décrété un deuil d’un an en raison du décès du chef, Resit Çaçan, renversé par un taureau de 450 kg à l’âge de 90 ans. Les membres de la tribu ont assuré que le taureau a pleuré, rapporte ironiquement le journaliste, mais il a été quand même sacrifié, et la viande a été distribuée aux pauvres 4. Les ingrédients de cette petite histoire sont typiques : ces gens vivent dans l’hyperbole dès qu’il s’agit de l’expression des joies et des peines ; ils sont dominés par la figure du chef, fût-il un grand vieillard ; ils sont crédules et le monde naturel et animal a un grand poids dans leur destin ; ils sont durs au mal, mais aussi braves et généreux.
Le folklore nuptial est également prisé : ainsi, en novembre 1996, une noce qui dure trois jours fait les délices de Radikal. L’union, pour laquelle on a sacrifié cinquante moutons, concerne les Sinika et Gülçin, dans la région de Silvan. Mais l'image retenue par le quotidien est celle de sept tireurs juchés sur la terrasse d’une maison, armés de fusils, de mitraillettes et de pistolets ; la photo est intitulée : « Ça, c’est une photo de mariage ! » 5. La fête, la guerre, la violence et la joie mêlées sont censées étonner le lecteur.
Ces gens du sud-est, le plus souvent Kurdes sans qu'il soit nécessaire de le préciser, passent en effet pour des êtres guerriers, querelleurs, fascinés par les armes, sous l’emprise de notions d’honneur dépassées, écrasés par leur propre clan, menacés par les clans rivaux et bridés par les coutumes bizarres et anachroniques. Et en effet, les armes parlent bien souvent, pour des raisons qui ne sont pas toujours explicitées par la presse, et qui pourraient également avoir à faire avec les rivalités politiques et l'embrigadement des tribus dans un camp ou l'autre de la guerre. Selon Milliyet du 20 février 1998, dans la région de Siverek, un combat entre les tribus Sislice et Kesmekaya a duré dix heures, durant lesquelles on aurait tiré plus de 10 000 cartouches. La presse ne fait pas état de victimes, la gendarmerie a pu appréhender 14 personnes, sans pouvoir mettre la main sur les armes automatiques.
Ces « Orientaux » ne savent même pas pourquoi ils se battent entre eux, et la réconciliation entre deux clans, un autre sujet favori des quotidiens, est un objet d’amusement. Car le repas qui met fin à la vendetta (kan davası) est une curiosité pour les citadins de l’ouest. Ce sont des assemblées nombreuses exclusivement masculines. Pas de table, évidemment : les hommes qui scellent la paix par un repas commun sont assis en tailleur à même le sol, de part et d’autre de longues nappes, fournissant sans le savoir aux photographes une autre image stéréotypée de « l’Oriental ». En septembre 1997, Sabah s’amuse sur une paix rétablie après 72 ans d’un conflit « international » entre les Sukran (côté turc) et les Hırba (côté syrien). Les seules femmes dont il est fait mention sont les quinze cuisinières qui ont travaillé pendant quinze jours à un repas réunissant 3 000 hommes (dont le maire de Mardin, le vali et le député), repas auquel « il ne manquait que du lait d’oiseau » 6.
Le banquet tribal de réconciliation, ou de mariage (qui souvent scelle la réconciliation) est ainsi devenu un type d'illustration courant. L'image de ces assemblées d'hommes assis en tailleur revient régulièrement. La taille des assemblées doit être proportionnelle au prestige de la tribu, elle est aussi censée l'augmenter. La photographie inclut presque toujours dans son champ, souvent au premier plan, l'hôte d'honneur, homme politique local ou national, ou au moins le visiteur, c'est-à-dire le journaliste lui-même ; ces hôtes sont facilement repérables à leur gaucherie, car ils n'ont pas l'habitude de rester des heures dans l'inconfort de cette posture et ne savent pas où mettre leurs jambes (voir l'homme au premier plan à droite de la photo ci-dessus!). L'image, plaisante, perdure. Dans la presse et, aujourd'hui, sur Internet, elle est devenue l'icône de la tribu, et de la réconciliation, et donc en même temps l'icône du contraire, celle de la guerre inter-tribale et de la vendetta 7.
Les tribus et l'Etat
Soyons juste, en 1996, la vision folklorique n’est pas exclusive. Certains quotidiens font de la tribu un sujet de reportage plus sérieux. C’est le cas dans Zaman, en septembre 1997. L’avocat Mustafa Sefik Arkan y dresse non pas le tableau d'une situation héritée du passé, mais au contraire l’histoire d’un processus relativement récent de tribalisation de la région : la structure tribale de la société du sud-est anatolien a été fortement renforcée, rappelle-t-il, par la politique des sultans, après la conquête des régions frontalières de l’Iran à la suite des batailles de Çaldıran (1514), Mercidabık (1516) et Ridaniye (1517) : les sultans se sont alors appuyés sur les chefs de tribus pour tenir ces régions. Puis, l’État ottoman a étendu le système du zeamet, larges fiefs pris sur le domaine de l’État (mülkiyet) et concédés aux tribus en échange de services. Il est donc devenu habituel de déléguer aux tribus les fonctions régaliennes de guerre et de défense des frontières. A la fin du XIXe siècle, le système a été renforcé par la création des Hamidiye (1891), troupes auxiliaires levées sur place dans le cadre des tribus, pour le contrôle du sud-est. La hiérarchie militaire n'ayant aucune autorité sur elles, ces troupes jouissaient d'une grande autonomie. Ainsi le système des Hamidiye aurait-t-il renforcé le système tribal et renforcé en outre les guerres inter-tribales, puisque toutes les tribus n'ont pas été admises dans la mise en place du système.
La vision proposée par Zaman n'est ni orientaliste ni folklorisante ; elle s’appuie sur l’histoire, et met à mal la téléologie habituelle : la tribu n’est pas présentée comme un anachronisme, un reliquat d’un autre âge, mais au contraire comme un phénomène qui, sur des bases anciennes, a connu un renforcement récent.
Après le premier quart de siècle de l'époque kémaliste (1923-1950), les tribus ont connu un regain de faveur auprès du gouvernement de Menderes (Parti démocrate, 1950-1960). Dans Zaman, M.S. Arkan cite en exemple la tribu Çaçan (centrée à Eleskirt près d’Agri), déjà mentionnée, dont le chef Resit fut d’ailleurs l’un des fondateurs du Parti démocrate 8.
Le rôle des tribus dans la politique actuelle, notamment comme rouage de transmission du pouvoir central, a été décrit par Martin van Bruinessen 9. C’est dans ce cadre qu’il faut analyser le système des « gardiens de village » (korucu) par lequel l’État turc (c’est-à-dire l’armée et l’administration de la « région sous régime spécial » – Olaganüstü hal bölgesi, en abrégé OHAL) a délégué son rôle militaire, à partir de 1984, à des troupes d’auxiliaires, armés et souvent rétribués, organisés dans le cadre tribal 10 ; c'est en quelque sorte une réédition des Hamidiye du XIXe siècle, bien qu'il existe d'importantes différences soulignées par Gilles Dorronsoro dans l'article cité. Dans le système du koruculuk, c’est le chef de tribu qui entre en négociation avec les autorités, ou est contacté par elles ; c’est donc lui qui organise militairement ses hommes, et c’est lui qui distribue armes, salaires, prébendes et avantages : son pouvoir en est considérablement renforcé, le système tribal également. Car la collaboration avec l'Etat procure des revenus importants, d'une part, et d'autre part rend possible une amnistie pour les crimes de sang commis par ceux qui s'enrôlent. Enfin, éventuellement, la collaboration procure une certaine impunité dans les trafics (armes, drogue) favorisés par la guerre 11.
Selon Martin van Bruinessen, tribus et tribalisme imprègnent davantage la société turque au début des années 2000 qu'au moment où la rébellion du PKK a commencé (1984). L'histoire de la tribu des Bucak (prononcer "boudjak") , dont on va reparler, est typique. Selon Hamit Bozarslan, c’est en 1979 – donc bien avant le début « officiel » de la guerre contre le PKK – qu'un attentat contre Mehmet Celal Bucak, député d'Urfa et, puisque kurde, considéré comme un « collaborateur », a provoqué la mort de son fils de huit ans. C'est le point de départ d'une véritable guerre entre les Bucak et le PKK. Sedat Bucak, neveu de Celal, a créé une importante milice de « protecteurs » qui lui a permis d'asseoir son autorité sur les tribus voisines.
Les quelques reportages parus dans la presse avant 1996 reflètent cette longue histoire du tribalisme au XXe siècle, dont les périodes-clés, après l'épisode des Hamidiye, sont la révolte de Seyh Said (1925) et l'époque du gouvernement du Parti démocrate (1950-1960). La mémoire des vagues de répression est transmise au sein des tribus ; le jeune chef des Sabah, Ali Murat Sabah, 26 ans, en fait état dans la presse en novembre 1996 12.
La collusion entre le monde tribal et la politique remonterait donc au XIXe siècle, et aurait connu une grande époque dans les années cinquante. La responsabilité du Parti démocrate dans le renforcement du système tribal est évoquée dans toutes les analyses publiées par la presse de l'époque. Après le coup d'Etat de 1960 et la chute du Parti démocrate, 55 chefs de tribus qui s'étaient alliés avec Menderes l'ont payé par des peines de relégation. Selon Cumhuriyet, la « culture tribale » serait même née avec le Parti démocrate, et aurait infusé la culture politique des partis qui ont pris sa succession : Erdal Atabek, dans le quotidien kémaliste, affirme que Turgut Özal et Tansu Çiller en leurs temps se seraient comportés comme des chefs de tribus 13. Du côté du nationalisme kurde, le PKK, en tant que parti d’inspiration marxiste voulait la destruction du système tribal ; en cela il se comportait en acteur de la « modernité ». Mais l’organisation rebelle a été obligée de s'adapter à l’instrumentalisation des tribus par l’État ; et, comme souvent, les méthodes de l’adversaire ont été copiées. Les rebelles ont tôt fait pression sur les chefs de tribus pour qu'ils fassent basculer leurs inféodés dans le camp du PKK.
Ainsi ce ne sont pas les individus qui choisissent leur camp (l'Etat turc ou la rébellion) mais les tribus, et lorsqu’un chef choisit son camp, c’est toute une population qui bascule avec lui. Les tribus qui acceptent de s’inféoder à l’un des deux camps prennent des risques mais gagnent en puissance, en armement, en argent. Celles qui refusent de choisir leur camp prennent un risque encore plus grand et sont soumises aux pires difficultés : il faut choisir entre la peste et le choléra. Zaman évoque par exemple la tribu Gurs, qui a dû quitter son territoire en 1993 et vivait en troglodyte, en 1996, car ses chefs n’acceptaient pas le système des « protecteurs » et refusaient de prendre parti.
A propos de ce processus, Hamit Bozarslan parle de « retribalisation » 14, et Dorronsoro précise : « Dans le cas des korucu, les salaires étant généralement payés au chef de clan qui les redistribue ensuite librement à ses hommes, on assiste à un renforcement la hiérarchie tribale. De plus, celui-ci enrôle ses hommes sans beaucoup de contrôle de l’administration et les entreprises illégales comme la contrebande ou le banditisme s’appuient sur l’institution tribale et donc indirectement sur le système milicien 15. » En résumé, à l'heure actuelle, selon Van Bruinessen, Bozarslan ou Dorronsoro, les tribus, telles qu’elles existent à la fin du XXe siècle, peuvent être considérées au moins en partie comme des créations de l'Etat. En cela, paradoxalement, elles participent de la modernité, et le cas du plus célèbre chef de tribu de l'époque, Sedat Bucak, le montre bien.
Susurluk et la tribu Bucak
La tribu Bucak de Siverek (sous-préfecture à mi-chemin entre Diyarbakır et Urfa) connaissait déjà une certaine célébrité au milieu de l’année 1996, en raison de sa puissance, de l’autorité de son chef Sedat qui était depuis 1991 député (DYP) d'Urfa, et peut-être surtout en raison de ses positions dans la guerre contre le PKK. En août 1996, Esin Dalay, pour Yeni Yüzyıl, avait publié une enquête sur les Bucak 16. Le chef Sedat y présentait lui-même son petit royaume : la tribu, kurde de langue zaza, serait présente à Siverek « depuis au moins neuf générations », contrôlant en 1996 120 villages dont 90 étaient défendus par des milices paramilitaires sous couvert de l’organisation des korucu. Au total, cent mille personnes seraient dans la dépendance des Bucak, une dépendance qui n’est jamais amoindrie par l’éloignement géographique : tout émigré Bucak, qu'il se soit établi à l’ouest du pays ou à l’étranger, doit rester fidèle à la tribu. « On ne se démarque pas de sa tribu » affirme Sedat. On imagine sans peine le contrôle et les pressions qui pèsent sur ceux qui l’oublieraient, et les sanctions qui peuvent s’abattre. Les « meurtres d’honneur » pour cause d’adultère allégué, ou pour « trahison », peuvent faire des victimes loin du memleket.
La tribu, selon Sedat Bucak, aurait toujours été « du côté de l’État ». Affirmation à nuancer, certainement : plus qu’au côté « de l’État », il vaudrait mieux préciser que la tribu est dans la mouvance de la droite conservatrice, celle du Parti démocrate entre 1950 et 1960, et du DYP depuis 1991 (Sedat étant député DYP d’Urfa). Mais sur le conflit kurde, comme on l’a vu, la tribu Bucak est entrée en guerre en 1979 « aux côtés de l’État », et sa position, en 1996, n’avait pas varié. Les titres choisis par la rédaction de Yeni Yüzyıl, pour annoncer le reportage d’Esin Dalay en août 1996, sont éloquents : selon l'accroche figurant en une, « Selon le chef de la tribu Bucak, député d’Urfa, la solution [du conflit] est dans les armes » ; et le titre de l'article en page cinq rappelle la position des Bucak : « L’État n'a pas à discuter avec les Kurdes ».
L'affaire dite de Susurluk intervient dans ce contexte. Le premier novembre 1996, près de Susurluk (département de Balıkesir), une Mercedes s’écrase contre un camion. A l'intérieur du véhicule, on trouve le corps d’un haut fonctionnaire de la police, Hüseyin Kocadag, celui d’Abdullah Çatlı, un des principaux chefs de bande d’extrême-droite, recherché par Interpol et impliqué dans des assassinats politiques, et celui d’une call-girl. Le seul passager survivant, grièvement blessé, est Sedat Bucak. La simple énumération de ces personnages met en pleine lumière la collusion de l’État avec l’extrême-droite, les mafias, les tribus.
Le scandale éclate. Sedat Bucak, gravement blessé, devient témoin essentiel de l'affaire et point de mire de toute la Turquie. Le 3 novembre, un tout nouveau quotidien de gauche, Radikal, s’empare de l’affaire, revient sur la puissance de la tribu, qualifiée d’État dans l’État, dont l’existence, à elle seule scandaleuse, ne devrait être tolérée.
Le jeune quotidien rappelle l’enracinement du phénomène : Celal Bucak, oncle de Sedat, aurait été durant les années 1970 un acteur important de la quasi guerre civile qui a ravagé la Turquie. Les références à cette période sont très parlantes aux Turcs, qui ont en mémoire des assassinats innombrables. Dès 1993, écrit Radikal, Bucak a fait la guerre au PKK avec ses « volontaires ». Sa villa, à Siverek, serait une forteresse entourée d’une double enceinte de béton capable de résister aux roquettes. La tribu, son chef, ses miliciens, joueraient un rôle clé dans le trafic de cannabis en Turquie. Voilà le profil de ce député d’Urfa qui se trouvait dans la Mercedes accidentée.
« Scènes intéressantes » à l'hôpital
Bucak est soigné à Istanbul, au centre hospitalier universitaire de Cerrahpasa, où affluent les journalistes et les membres de la tribu. A la télévision et à travers les comptes rendus des journaux, les Stambouliotes étonnés découvrent un autre monde qui a fait irruption dans les quartiers centraux de leur ville : le monde tribal, mais aussi la mafia à visage découvert. Et les scènes décrites démontrent l’existence de liens entre les deux mondes. Ce sont, aux yeux de ces Stambouliotes, des scènes à proprement parler déplacées.
Car deux cents membres de la tribu Bucak sont en faction permanente devant l’hôpital où leur chef est soigné, « pour protéger Sedat du PKK et des journalistes ». Cumhuriyet adopte un ton plutôt méprisant envers ces « Orientaux » qui transportent au cœur d’Istanbul les manières d’être de Siverek ou d’Urfa. Ils ne sont pourtant pas les premiers : les banlieues d’Istanbul sont peuplées de migrants du sud-est, et même certains quartiers du cœur de la ville : Tarlabası, à une encablure de la place de Taksim, est peuplé de Kurdes et de Syriaques, tandis que le quartier situé entre le Palais de France et Tophane abrite alors des gens originaires de la région de Kilis. Mais, à l'époque, ce sont des quartiers peu fréquentés par l’intelligentsia.
Devant l’hôpital, les Bucak occupent la place, et font régner leur ordre. « La tribu Bucak se plait bien à Istanbul », titre Cumhuriyet le 12 novembre, qui ajoute, condescendant : « La plupart d’entre eux n’auraient jamais vu Istanbul de leur vie sans cet accident ». Le journal décrit des « scènes intéressantes » : certains des Bucak s’ennuient tellement qu’ils prêtent la main aux travaux publics du quartier. Ils s’installent dans la durée, campent, font cuire des döner et des çigköfte, gênent les allées et venues du personnel, des médecins et des visiteurs. Dans Radikal du même jour, Celal Baslangıç décrit les scènes : va-et-vient de Mercedes, gardiens devant l’entrée, factionnaires autour de l’hôpital, policiers en civil ; un peu à l’écart stationne une unité des forces d’intervention rapide, les çevik kuvvet. Ces gens « portent des vestes fripées et remontent constamment leur pantalon vers la ceinture... » Les députés, les ministres se succèdent.
Aux yeux de Nuriye Akman, de Sabah, les alentours de l’hôpital sont devenus une « république de protecteurs (korucu cumhuriyeti) », un territoire contrôlé. En la lisant, on pense une nouvelle fois aux « territoires libérés » des années 1970, si importants dans la mémoire collective de ces années 1990 (cf. l'article précédent « La révolte est un pays étranger »). « Siverek a déménagé au beau milieu d’Istanbul », titre Sabah 17. Les Bucak, écrit Nuriye Akman, réalisent, tournent et interprètent un film dont le titre serait « Bir asiret öyküsü (Une histoire de tribu) ». « Le nom de la salle de cinéma ? C’est la Faculté de chirurgie d’Istanbul. Les spectateurs sont éparpillés dans le jardin, les yeux fixés sur la porte. Il n’y a pas de metteur en scène, on regarde un film dont les acteurs changent à chaque instant ». Les dialogues sont en un mélange de zaza et de turc. Presque tous ont en main le petit chapelet tespih et un téléphone 18. Ils s’intéressent à ceux qui entrent dans l’hôpital, ils portent des tchalvars fripés, ils ont en permanence la cigarette au bec. Tous sont moustachus. Les spectateurs participent au scénario, ils sont aussi acteurs entre le jardin et la porte de l’hôpital. »
C’est tout un folklore dont les journalistes s’amusent, mais ils rient jaune. Car le jardin et l’entrée de l’hôpital sont investis par des membres de la tribu, des protecteurs et les gardes du corps de Sedat Bucak. « Les armes sont dissimulées… mais tout de même visibles », remarque Nuriye Akman. « Ces gens qui sont des korucu payés et armés par l’État réclament en outre que la police leur fournisse des détecteurs d’armes et mette des artificiers à leur disposition. » La police, elle, ne s’approche pas.
Les réactions des journaux vont de l’étonnement à l’inquiétude. L’étonnement est peut-être feint ; il s’agit plus exactement de provoquer un étonnement feint chez les lecteurs. Pourquoi seraient-ils étonnés en effet, puisque les « Orientaux » d’Anatolie sont là, à Istanbul, depuis longtemps ? Il s’agit surtout, pour le journaliste comme pour lecteur, de se poser comme différent de ces gens étonnants, en « Occidentaux » urbains.
A la découverte de Siverek
L'affaire de Susurluk et le show Bucak au cœur d’Istanbul ont aiguisé la curiosité. Sedat Bucak est sorti de l'hôpital après douze jours de soins et a regagné son fief de Siverek. Pour la presse, Siverek est désormais une destination obligée. Les journalistes sont frappés par le patriotisme tribal, le particularisme de ces lieux d'Anatolie orientale qui souvent leur sont inconnus. Chose frappante, on est toujours plus rustre et plus oriental qu'un autre : les gens d'Urfa, note Senay Kalkan de Radikal, se moquent volontiers de ceux de Siverek ; si quelque chose ne va pas, on dit : « C'est du travail de Siverekli ». Quant aux gens de Siverek, ils sont trop fiers pour se dire « d'Urfa », comme c'est la coutume en Turquie où on se désigne par le chef-lieu du département où l'on réside 19.
On découvre alors la richesse du monde tribal, les autres tribus de la région d'Urfa, énumérées en une litanie pittoresque : les Izol, Karakeçi, Paydas, Denas et Ceddadi de Halfeti ; les Seyhanlioglu et les Milli de Viransehir ; les Binizzet, les Cırcıs et les Cümeyli d'Akçakale et de Harran... L’appartenance à une tribu est si naturelle que les gens se définissent par elle, et ceux qui n'appartiennent pas à ce système, comme les fonctionnaires en poste dans l'Est, sont qualifiés de « simples citoyens » (düz vatandaslar). Les tribus sont spontanément classées en deux catégories : celles qui sont « du côté de l'Etat », et les autres 20. Ceux qui vont rendre visite à Bucak reviennent avec des clichés très stéréotypés.
Sedat Bucak aime, semble-t-il, se faire photographier entouré de ses gardes du corps. Les clichés en sont amusants. Sedat Bucak n'est pas, comme le voudraient les stéréotypes, un homme grossier, moustachu, vêtu d'un tchalvar et la tête couverte d'un turban. Il a un visage ouvert, d'aspect plutôt sympathique, juvénile, un air de Grand Duduche avec ses lunettes rondes. Mais le contraste est vif avec les trois ou quatre sbires qui l'entourent sur toutes les photographies : l'un d'eux, accoutré d'un tchalvar couleur locale et coiffé d'une casquette de base-ball, semble ravi de figurer sur ces images. Inséparables de Bucak, leurs physionomie m'est devenue aussi familière que celle de l'asiret reisi.
Après l'éclatement du scandale de Susurluk, les journalistes de Sabah, comme les autres, enquêtent à Siverek. C'est une ville moyenne dont l'évolution reflète les vicissitudes du sud-est : 40 000 habitants en 1975 mais 29 000 en 1980, 63 000 en 1990, 126 000 en 2000 et 167 000 en 2008 ! L'explication de la baisse de 1970-1980 est donnée par le site officiel de la municipalité de Siverek : la situation de quasi guerre civile a rendu la ville à peu près invivable à certains moments, une bonne partie de la population a émigré : en particulier, selon cette source, « les riches » et « les éduqués ». La ville a ainsi connu une fuite des cerveaux et des capitaux qui a entrainé un recul des activités, de l'emploi et de la population. La même source reconnaît que les conflits inter-tribaux ont été une véritable gangrène qui ont fait de la ville un enfer 21. C'est que les Bucak ne sont pas seuls : les autres tribus ont pour nom les Fettah, les Segan, les Seyhan, les Izol, les Karakeçili, les Tırkan Badilli et les Karavelyan. Cela fait beaucoup de clans pour partager le territoire, la population, l'économie d'un gros bourg. Mais l'explosion démographique qui a suivi, à partir des années 1980, s'explique par la guerre entre l'Etat et le PKK, qui a provoqué un afflux de population dans toutes les villes de la région ainsi que dans les grands centres. Siverek est typiquement une ville de l'état de guerre.
Malgré la diversité des tribus présentes dans le secteur, les « étrangers » arrivant à Siverek à cette époque sont très impressionnés par la toute-puissance locale des Bucak : « A Siverek, tout est Bucak », titre Sabah en janvier 1997 22. « L'empire Bucak », comme les journalistes l'appellent, est illustré par une photographie, à nouveau, de Sedat Bucak entouré de ses gardes du corps. La première phrase de cette enquête trahit l'étonnement des auteurs : « Le phénomène tribal dure encore » ; le « encore » infère l'idée d'une durée outrepassée, anormale, l'adverbe s'applique à un phénomène jugé anachronique, médiéval, qui ne devrait plus être. Or le phénomène, au moins dans son ampleur et dans son rôle politique et social, est récent.
D'ailleurs, les journalistes ne sont pas les bienvenus à Siverek ; ils auraient pu confirmer les propos qu'on trouve actuellement sur le site officiel de la municipalité : à cette époque, la ville est victime d'une guerre qui ressemble à une immense vendetta. Le contrôle des Bucak sur la localité y est si efficace qu'on dit que c'est là que se serait caché Alaaddin Çakıcı, chef d'une bande mafieuse d'extrême-droite, responsable de la mort de 41 personnes et mêlé au scandale de Susurluk 23.
En 1997, la région est en guerre, et cela se voit ; les journalistes étonnés comptent dix villages ruinés entre Diyarbakır et Siverek (85 km). En réalité, dans ces parages, il y en a beaucoup plus. La route, écrivent-ils, est parsemée de gens armés, à l'aspect mi-militaire, mi-chasseur ». La ville étonne par ses bâtiments neufs, à étages ; elle a un aspect très différent des autres villes du sud-est à taille comparable, un aspect riche, mais personne ne répond aux reporters de Sabah sur l'origine de cette opulence. Ils ont du mal à travailler : il est impossible de discuter avec les gens, car ils sont en permanence accompagnés par des militaires ou des policiers qui les « protègent ». On ne parle jamais de Bucak sans lui accoler le titre d'agha. Quels trafics enrichissent cette ville ? Lors d'un reportage publié le 23 aout 1996, les envoyés spéciaux de Yeni Yüzyıl avaient noté que presque tout le monde est armé, « et les jeunes se revendent des munitions aussi tranquillement que s'il s'agissait de cigarettes ».
Ainsi les Bucak sont rapidement devenus la tribu la plus célèbre de Turquie. Le scandale de Susurluk a renforcé la curiosité sur ce phénomène sociologique. Les journalistes de Sabah ont poursuivi leur enquête. Lorsqu'ils visitent les Metinan, à Derik (préfecture de Mardin), ils sont fascinés, là aussi, par l'omniprésence des armes. « Les korucu, écrivent-ils, sont derrière chaque pierre, comme des champignons ». Chez le chef de la tribu, Adil Subatan, une partie de la pièce de réception est pleine d'armes.
Ceux qui refusent de choisir...
Ce même reportage de Sabah s'achève de façon pathétique. Le 6 janvier 1997, le quotidien relate la visite des reporters auprès de la tribu Medina et de son chef Mehmet Kaya. A l'origine, cette tribu était basée à Arısu, dans la sous-préfecture de Mazıdagı, département de Mardin. Selon les vues proposées aujourd'hui (2011) par Google Earth, c'est un village misérable, quoiqu'apparemment situé au milieu d'un riche terroir. La plupart des maisons y sont abandonnées.
Un certain « Romantik Bey » a placé à l'emplacement du village, sur Google Earth, la photographie des ruines d'une église : il s'agissait donc d'un village abritant également des Arméniens ou des Syriaques. Une vingtaine de petits bâtiments semblent encore en état, toutes les autres maisons ont perdu leur toit sur cette image satellitaire datée de 2004. Le village voisin, Karatas, est sévèrement menacé par une exploitation minière et ses déchets. Pourtant la tribu Medina, selon son chef, a connu son heure de gloire, si l'on peut en juger par ses propres propos. Pour mesurer la splendeur, le monde tribal use de statistiques spécifiques : la durée des noces et le nombre d'animaux sacrifiés lors des fêtes. Le mariage de ce chef aurait duré quarante jours et quarante nuits, une fête pour laquelle on aurait sacrifié cinquante moutons.
La décadence est venue sous forme d'une vendetta avec un autre village voisin, Balpınar, qui n'est qu'à deux kilomètres. Vendetta aggravée par le basculement de Balpınar dans le camp des korucu. Les Medina ont refusé l'enrôlement, ils n'avaient pas besoin d'argent, ni de protection, selon leur chef : « Avec nos champs, nos moutons, les fruits de nos arbres, nous n'avions pas besoin d’argent, notre travail suffisait ». Ils ont refusé l'enrôlement dans les corps de 'protecteurs', mais ils ne sont pas passés pour autant du côté du PKK. Pourtant, leurs rivaux et voisins de Balpınar les ont sans cesse attaqués. Puis « l'Etat » les a forcés à quitter le village, les troupeaux ont été vendus, et la tribu s'est dispersée. Une partie est allée à Diyarbakır ; au moment du reportage, l'agha vivait dans un bidonville installé dans une ancienne église arménienne en ruines. Quelquefois, assure-t-il, il arrive que ce qui reste de la tribu doive se nourrir de déchets.
Ce chef déchu, entouré d'enfants de sa tribu, pose pour les journalistes. L'Etat les a autorisés à retourner au village, mais c'est impossible en fait, car la vendetta imposée par les rivaux de Balpınar se poursuit.
De nos jours, grâce à Internet, en cherchant, on croise virtuellement d'autres chercheurs. Arısu, et certains villages voisins comme Üçkuyu et Gümüsyuva ont été visités par ce « Romantik Bey ». Il parcourt la région, photographie les anciennes églises, les puits, tous les restes qu'il peut trouver, et les publie par Panoramio sur Google Earth.
… et c'est ainsi que la lecture des journaux de 1996 me mène petit à petit à autre chose, et que ce thème des tribus mène fatalement à celui des 'protecteurs', des migrations, de la misère, de la guerre, et maintenant au travail mémoriel accompli par les Turcs originaires de la région. J'ai glissé d'un sujet à un autre, mais aucun sujet n'est limité, de même qu'aucune catégorie n'est tranchée. En voulez-vous un exemple ? Voyez l'article sur le retour des Juifs de Baskale (Van) dans Yollar.blog !
J'ai à peine effleuré un sujet capital, le scandale de Susurluk et les révélations sur les liens entre l'Etat et la mafia. Il y a la guerre aussi, qui ne se laisse jamais oublier, quel que soit le sujet. Ma rubrique « Esquisse sur les années 1990 », vous l'aurez compris, est un kaléidoscope. A force de tourner en rond à la périphérie des grands problèmes, nous finirons peut-être par apercevoir le centre.
Notes
1 GAP est l’acronyme de Güneydogu Anadolu Projesi, « Projet pour le sud est de l’Anatolie », énorme programme économique de développement, centré sur le barrage Atatürk, sur l’Euphrate, au nord d’Urfa.
2 Gilles Dorronsoro, « Les politiques ottomane et républicaine au Kurdistan à partir de la comparaison des milices Hamidiye et korucu : modèles institutionnels, retribalisation et dynamique des conflits », European Journal of Turkish Studies, mai 2006, mis en ligne le 05 novembre 2009, URL : http://ejts.revues.org/index778.html.
3 « Güneydogu’da sonbahar », reportage de Rezzak Oral, Milliyet, 16 septembre 1997.
4 Yeni Yüzyıl, 25 juillet 1996.
5 Radikal, 2 novembre 1996.
6 Banu Tuna, Gazete Pazar, 23 août 1998.
7 Voyez cette image de 2010, d'un repas à la fois politisé et folklorisé : http://www.haberler.com/ahmet-turk-metinan-asireti-ile-baristi-2258928-haberi/, concernant la réconciliation entre les Metinan et les Kanco, qui met fin à une guerre de trente ans ; ainsi que celle qui apparaît pour illustrer une thèse sur les tribus, http://tekniksosyoloji.wordpress.com/2010/07/08/page/3/, diffusée en 2008, qui concerne la tribu Izollu (région de Malatya). D'ailleurs, c'est cette image des Izollu qui apparaît en premier (en juillet 2011) lorsque qu'on fait une recherche sur le mot asiret dans Google... Les deux immenses tablées visibles sur ce lien sont le lieu commun de l'idée de tribu.
8 Mustafa Sefik Arkan, « Dogu’da asiret yapısı ve koruculuk sistemi », Zaman, 12 septembre 1996.
9 De cet auteur, lire Agha, Saikh and State. The social and Political Structures of Kurdistan, Londres, New-Jersey, 1992 (malheureusement introuvable) ; « The Ethnic Identity of the Kurds », in Andrews Peter Alford (éd.), Ethnic Groups in the Republic of Turkey, Wiesbaden, Dr Ludwig Reichert Verlag, 1989, pp. 613-621 ; « Les Kurdes, Etats et tribus », in Dawod Hosham, Tribus et pouvoirs en terre d’Islam, Paris, Arman Colin, 2004, pp. 145-168.
10 Gilles Dorronsoro, o.c., fournit les chiffres suivants : 35 000 hommes en 1993, 56 000 en 1995, 89 000 en 2005.
11 Hamit Bozarslan, La Question kurde, Presses de Sciences-Po, 1997, p. 246.
12 Yeni Yüzyıl, 13 novembre 1996.
13 Erdal Atabek, « Asiret devlet olmus, Devlet asiret olmus », Cumhuriyet, 18 novembre 1996.
14 Hamit Bozarslan, o.c., p. 246.
15 Gilles Dorronsoro, o.c., paragraphe 27.
16 Esin Dalay, « Bucak asireti reisi ve DYP Urfa milletvekili Sedat Bucak’a göre çözüm silahta » ; « Devlet Kürtlerle masaya asla oturamaz », Yeni Yüzyıl, 23 août 1996.
17 Nuriye Akman, « Istanbul’un orta yeri Siverek », Sabah, 16 novembre 1996.
18 Nous sommes au début de l'ère du portable, et en 1996, il dénote encore une certaine « importance » de son heureux possesseur.
19 Senay Kalkan, Radikal, 22 novembre 1996.
20 Senay Kalkan, id.
21 www.siverek.bel.tr
22 Bengüç Özerdem et Hakan Denker. Série « Asiretler », « Siverek'te hersey Bucak », Sabah, 3 janvier 1997.