Le 17 février 2015, Libération publiait un texte de Cengiz Aktar intitulé « La malédiction turque », un texte très important et juste, qui incite les Turcs, après la reconnaissance nécessaire du génocide, à passer à une autre nécessité, celle de reconnaître et d'analyser le trouble qui s'est emparé de l'ensemble de la société turque après 1915, un trouble qui dure, et à propos duquel Aktar propose de « commencer la thérapie collective ».
On le dit depuis longtemps, la société turque est malade, à cause de ce crime qui constitue l'acte fondateur de la Turquie moderne. Elle est malade justement à cause de l'Etat, qui propose à ses citoyens un discours en porte-à-faux avec le vécu et la mémoire de la population : comme l'écrit Clotilde Leguil dans son introduction à Totem et tabou (Seuil/points 2010), « les symptômes des névrosés sont à la fois leur propre ouvrage et celui de leur époque ». Si j'ai quelquefois parlé de « névrose collective » à propos de la société turque, c'est parce que le discours de l'Etat, en particulier son discours scolaire, est propre à favoriser chez des millions de personnes un malaise qui peut prendre une dimension pathologique.
Un psychanalyste travaille en se basant seulement sur un récit, celui que lui livre peu à peu son patient. A partir de là, sans autre artifice, ils travaillent ensemble à la guérison. On m'a parfois dit en plaisantant que j'avais fait une psychanalyse de la Turquie. Je crois en effet qu'à partir du récit que livre « le patient », la Turquie, on peut faire une analyse au sens freudien, mettre la vérité au jour à partir des mensonges, lapsus, non-dits et obsessions présents dans le récit. Pour établir la vérité sur le sort des Arméniens, l'examen du récit sur « la question arménienne » ne suffisait pas, il fallait examiner l'ensemble des propos du « patient », en remontant jusqu'au récit sur les origines, et à la genèse du récit. Mais la guérison requiert le travail du psychanalyste et celui du patient tout à la fois. La thérapie réclamée par Cengiz Aktar est commencée ; la société turque est sans doute en voie de lente guérison, grâce à des intellectuels qui étaient d'abord une poignée, et qui sont heureusement nombreux désormais.
On parle beaucoup, on va parler de plus en plus du génocide dans les mois qui viennent. Plus personne maintenant n'ose le nier frontalement.
Or les études sur la Turquie ont été bridées, pendant longtemps, par la complaisance d'historiens trop perméables à un discours historique turc qu'ils n'avaient peut-être pas identifié comme étant pétri de nationalisme. Il y a eu bien sûr des exceptions, mais elles venaient surtout de chercheurs connaisseurs de la Turquie mais qui se situaient en marge ou hors de la turcologie, comme Olivier Abel ou Jean-François Bayart.
Mais c'est à cette même époque que se manifestait le « réveil de la mémoire » des Arméniens, et d'abord sous une forme violente qui le discréditait. De 1975 à 1984, l'ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie) avait commis des attentats qui ont provoqué la mort de dizaines de personnes. En 1977, l'un d'eux, perpétré en leur propre domicile, avait failli coûter la vie au couple d'historiens américains Stanford et Ezel Shaw, très critiqués pour leur History of the Ottoman Empire and Modern Turkey. De telles méthodes, d'où qu'elles viennent et quelles qu'en soient les cibles, étaient et restent odieuses et en tout cas, à l'époque, n'étaient pas propres au développement d'études sereines sur l'histoire du génocide. Celles-ci auraient certainement avancé plus vite si cette atmosphère d'intimidation, imposée par les deux côtés, n'avait pas existé.
Heureusement, la lutte pour la reconnaissance du génocide a adopté d'autres formes. En 1983 Yves Ternon publiait La Cause arménienne, et, en 1984 paraissait Le Crime de silence, dirigé par Gérard Chaliand, réunissant les actes d'un « tribunal des peuples » qui s'était tenu à Paris la même année. L'idée de reconnaissance du génocide avançait rapidement dans le milieu politique français, sans doute en partie pour des raisons électoralistes, et surtout à gauche, où le sentiment d'opposition à la Turquie était vif à cause du coup d'Etat militaire de 1980 et du régime d'oppression qui s'était ensuivi. Claude Cheysson (ministre des Affaires étrangères) en 1981, Gaston Defferre (ministre de l'Intérieur) en 1982, le président Mitterrand en 1984, enfin le Parlement européen en 1987 reconnaissaient qu'il y avait bien eu génocide.
Mais la Turquie et la turcologie française résistaient. Quelques rappels sur des affaires vieilles de quinze à vingt ans permettront de mesurer le chemin parcouru.
C'est à cette époque que j'ai commencé mes études sur la Turquie. Dans les premières pages de mon premier mémoire (1991) sur la vision turque de l'histoire, j'avais déjà souligné les insuffisances et les évitements de certains spécialistes. Dans ma thèse, j'ai analysé (en fournissant, avec l'analyse, les outils, la boîte à outils et le mode d'emploi), les ressorts, la rhétorique parfois subtile de la version turque de l'histoire, l'embrigadement de nombreux historiens turcs, confortés dans les années trente par des savants occidentaux complaisants, dans une vaste entreprise de falsification, non seulement des événements de 1915, mais de toute l'histoire, destinée à effacer entièrement du récit historique la mémoire arménienne et celles de toutes les « minorités ». Mais, à son tour, cette vaste entreprise de falsification a été également tue, masquée ou minimisée par la plupart des turcologues. J'étais ahuri de la découvrir, troublé et stupéfait d'être seul à en parler, en tout cas en France.
Cet « oubli clément » (l'expression est de Bernard Lewis) était tout aussi fautif que la négation du génocide. Car le récit historique turc élaboré dans les années trente ressemble à un alibi échafaudé par des malfaiteurs pour masquer leur forfait. La preuve du génocide est là même, par la minutie des entreprises de négation qui vont bien au-delà de la négation elle-même. L'objet de ma thèse était, par-delà une analyse du discours des manuels scolaires turcs d'histoire, une étude de l'instrumentalisation de l'histoire par le nationalisme turc. Elle fondait les arguments des Arméniens et provoquait l'irritation de l'establishment kémaliste et nationaliste.
Les « affaires » Lewis et Veinstein, le malaise des historiens
La polémique de l'époque, entre turcologues et groupes de pression arméniens, est encadrée par l'affaire Bernard Lewis et l'affaire Veinstein, et correspond exactement à la période d'élaboration de ma thèse.
Le 16 novembre 1993, dans un entretien accordé au Monde, Bernard Lewis, islamologue anglo-américain, refusait de qualifier de « génocide » les événements dont les Arméniens furent victimes en 1915. Notamment, à la question des journalistes « Pourquoi les Turcs refusent-ils toujours de reconnaître le génocide arménien ? », il avait répondu : « Vous voulez dire reconnaître la version arménienne de cette histoire ? » Il expliquait alors qu'il existait « un problème arménien pour les Turcs » à cause de l'avance de l'armée russe dans l'est de l'Anatolie. Il évoquait des « problèmes de maintien de l'ordre en état de guerre », de « mesures punitives et préventives contre une population peu sûre », confortant la vision réductrice des « traîtres Arméniens » du discours turc. Tout en admettant que « des choses terribles ont eu lieu, que de nombreux Arméniens – et aussi des Turcs – ont péri », il doutait de l'existence d' « une politique délibérée d'anéantissement systématique de la nation arménienne. Des documents turcs prouvent une volonté de déportation, pas d’extermination. »
Cet entretien avait soulevé des protestations d'intellectuels français, dans Le Monde, le 27 novembre 1993, ce qui avait amené Bernard Lewis à s'expliquer à nouveau dans le même quotidien le 1er janvier 1994. Il concluait ainsi : « Les déportés [arméniens] durent subir des souffrances effrayantes, aggravées par les conditions difficiles de la guerre en Anatolie, par la médiocre qualité - en l’absence pratiquement de la totalité des hommes valides mobilisés dans l’armée - de leurs escortes et par les méfaits des bandits et de bien d’autres qui profitèrent de l’occasion. Mais, il n’existe aucune preuve sérieuse d’une décision et d’un plan du gouvernement ottoman visant à exterminer la nation arménienne. »
En France, la loi Gayssot (1990) avait institué le délit de contestation de l'existence de crimes contre l'humanité commis pendant la seconde guerre mondiale par les puissances de l'Axe, et modifié la loi de 1881 sur la liberté de la presse, de manière à ouvrir la possibilité de sanctions pénales à l'encontre des négationnistes. En se fondant sur elle, le Comité de défense de la cause arménienne (CDCA) avait engagé des poursuites contre Bernard Lewis, mais cette initiative avait échoué en raison du caractère restrictif de la loi.
Néanmoins, le 21 juin 1995, un Forum d'associations arméniennes, appuyées par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), parvenaient à faire condamner Bernard Lewis pour avoir tenu des propos « fautifs » car « susceptibles de raviver injustement la douleur de la communauté arménienne » en s'appuyant sur l'article 1382 du code civil. Dans la revue L'Histoire n° 192, d'octobre 1995, Madeleine Rebeyrioux, présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, s'insurgeait, en tant qu'historienne, contre ce jugement « bien roué, ou tortueux ». « Il est temps, concluait-elle, que les historiens disent ce qu’ils pensent des conditions dans lesquelles ils entendent exercer leur métier. Fragile, discutable, toujours remis sur le chantier - nouvelles sources, nouvelles questions -, tel est le travail de l’historien. N’y mêlons pas dame Justice : elle non plus n’a rien à y gagner. »
Entre-temps, en avril 1995, dans son n° 187, cette même revue L'Histoire publiait un bref article de Gilles Veinstein intitulé « Trois questions sur un massacre. Les réflexions critiques d'un spécialiste de l'Empire ottoman sur la façon dont on a écrit l'histoire du massacre des Arméniens ». Gilles Veinstein, à l'époque, dirigeait l'équipe « Etudes turques et ottomanes » de l'EHESS ; il avait une position dominante dans son domaine de recherche en France et bénéficiait d'une autorité à la fois intellectuelle et institutionnelle. Il expliquait dans L'Histoire que les Arméniens avaient subi un « transfert » depuis l’Anatolie vers la Syrie et qu' « au cours de ces opérations de transfert (...) périrent un nombre immense d’Arméniens ». Il reprenait une partie du discours turc en ce sens qu'il plaçait en première cause de mortalité « la malnutrition, les conditions d’hygiène, les épidémies », comme l'avait fait avant lui Bernard Lewis. Il ajoutait : « Il faut faire également leur part aux massacres qui constituent des crimes contre l’humanité caractérisés », tout en les relativisant : « Ceux-ci étaient dus à des règlements de compte intercommunautaires dans lesquels il faut signaler une part active des Kurdes et pas seulement des Turcs ; à des opérations de pillage lancées contre les convois, mais aussi aux agissements des militaires chargés de l’encadrement ; en outre, il est incontestable, dans certains cas au moins, que les crimes étaient perpétrés avec la coopération ouverte ou tacite des autorités locales. (…) La réalité des massacres, et même leur ampleur ne sont mis en question par personne, y compris en Turquie ».
Le point crucial du débat, poursuivait Gilles Veinstein, « est de savoir si les massacres perpétrés contre les Arméniens le furent sur ordre du gouvernement jeune-turc, si les transferts n’ont été qu’un leurre pour une entreprise systématique d’extermination, mise en oeuvre selon des modalités diverses, mais décidée, planifiée, téléguidée au niveau gouvernemental, ou si les Jeunes-Turcs furent seulement coupables d’avoir imprudemment déclenché des déplacements qui finirent en hécatombes ».
Sans utiliser le mot « génocide », Gilles Veinstein exigeait la preuve, comme si elle n'avait pas été apportée, en affirmant : « Il faut pourtant admettre qu’on ne dispose pas jusqu’à présent de preuve de cette implication gouvernementale ». Il terminait son article en contre-attaquant, accusant « les avocats de la cause arménienne » de favoriser « un authentique racisme antiturc, aussi inadmissible (faut-il le préciser ?) que tout autre racisme ».
S'il existe une forte parenté entre ces propos et ceux de Bernard Lewis, c'est que les deux auteurs furent influencés par l'historiographie officielle turque, qui avait lancé une grande offensive à partir des années 1970 pour nier l'existence du génocide. J'ai exposé les détails de cette offensive dans ma thèse et l'ouvrage qui en est tiré, Espaces et temps de la nation turque, auquel je renvoie. Elle avait été jugée nécessaire par la Turquie en raison du « réveil de la mémoire » des Arméniens et surtout de la longue série d'attentats terroristes commis par l'ASALA entre 1975 et 1984. Des diplomates (Kamuran Gürün), politiciens (Esat Uras), intellectuels ultra-nationalistes (Mim Kemal Öke) et historiens proches du pouvoir (Yusuf Halaçoglu) avaient été convoqués pour faire admettre les thèses turques. Un pamphlet d'Esat Uras intitulé Neuf questions, neuf réponses, publié en 1953, avait été réédité en 1975 et traduit en français (1982) et en anglais (1988), tandis que les thèses officielles turques étaient introduites dans tous les manuels scolaires sous forme d'un chapitre intitulé « La question arménienne ». Le contenu de ces ouvrages et manuels était – et reste – sur le fond, semblable aux propos de Lewis et Veinstein.
Une proposition de loi en France... et son contexte
En partie sans doute à cause de la répression terrible exercée par le régime militaire de 1980 à 1983, la plupart des intellectuels turcs, à l’époque, fermaient les yeux sur la question, même lorsqu'ils vivaient à l'étranger – d'autant qu'il existe un courant négationniste de gauche, exprimé notamment par le Parti des travailleurs (Isçi Partisi). Mais il semblait alors qu'une ouverture puisse se produire en Turquie, dans l'intelligentsia. Certaines universités abritaient un travail pionnier : outre Büsra Ersanlı qui en 1989 soutenait une thèse sur la fabrication du nouveau récit historique turc, on peut citer aussi Tanıl Bora, Baskın Oran, et surtout Taner Akçam qui avait publié dès 1992 L'Identité nationale turque et la question arménienne, un ouvrage de précurseur dans lequel toute la problématique était clairement exposée. Il existait déjà des maisons d'édition courageuses : l'héroïque couple Zarakolu et sa maison Belge (« Documents »), les éditions Iletisim, et Metis qui publiait déjà sa belle collection d'ouvrages d'histoire orale Siyahbeyaz. Une nouvelle Turquie se levait. Il y avait des militants, des journalistes militants parmi lesquels venait, en premier lieu, l'irremplaçable Hrant Dink, mais aussi Yelda (Yeldag Özcan), infatigable chroniqueuse sur les minorités. Et bien sûr la Ligue turque des droits de l'homme (IHD) et son président d'alors, Akın Birdal, qui fut également la cible de tueurs nationalistes turcs en mai 1998 – mais survécut.
A l'IFEA, de 1996 à 1999, j'avais organisé un séminaire sur la Turquie contemporaine qui avait rapidement trouvé son public, et parmi d'autres briseurs de tabous, j'avais invité Taner Akçam, en février 1998. Son intervention avait été annoncée publiquement et s'est déroulée, ainsi que le long débat qui a suivi, sans incident.
Mais, en ce mois de mai de 1998, une proposition de loi portant sur la reconnaissance du génocide était à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale française. Le projet avait été porté par des députés socialistes dont plusieurs étaient les élus de régions ou villes à forte population arménienne, comme Didier Migaud (député de l'Isère), René Rouquet (député-maire d'Alfortville) et Jean-Paul Bret, maire-adjoint de Villeurbanne, député du PS, président du groupe parlementaire d'amitié France-Arménie, architecte du projet de loi. Celui-ci était loin de faire l'unanimité. Les opposants à la proposition dénonçaient son côté communautariste, et surtout contestaient ce rôle attribué au parlement, de commenter ou d'encadrer l'histoire (Jacques Myard, RPR). Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, et Jack Lang, président de la commission des Affaires étrangères, se démarquaient de l'initiative. Lionel Jospin, chef du gouvernement, en présentant ses condoléances aux Français d'origine arménienne le 24 avril 1998, s'était abstenu de prononcer le mot « génocide ».
Le projet de loi ne comportait qu'un article : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 », sans désigner les coupables. Le 29 mai, il était présenté à l'Assemblée et adopté, mais en présence de 29 députés seulement.
La réaction de la presse turque
Depuis la mi-mai, les dirigeants turcs (à l'époque Mesut Yılmaz, Bülent Ecevit, le ministre des Affaires étrangères Ismail Cem) et les médias s'étaient mobilisés sur ce sujet. On peut supposer que les autorités exerçaient une pression, car les dépêches et articles de l'agence officielle Anatolie ont été fidèlement reproduits dans les journaux de gauche comme Radikal et Yeni Yüzyıl. Mais la plupart des médias n'avaient pas besoin de se forcer, tant la version officielle de la « question arménienne » faisait partie à l'époque du « consensus obligatoire » et des questions intangibles. Le projet de loi, selon leurs vues, jetait la honte sur la France, et remettait en question l'amitié franco-turque et d'importants contrats commerciaux.
Est-ce un hasard ? En mars, Robert Kotcharian avait été élu président de la république d'Arménie ; c'était un « faucon », un ultra-nationaliste très anti-turc qui avait auparavant présidé la république fantoche du Haut-Karabagh. Pour la presse turque, il ne faisait pas de doute que les députés français cédaient au « lobby arménien », lui-même manipulé par Kotcharian. L'affaire ranimait le vieux complexe d'encerclement de la Turquie, prise entre la Russie, l'Arménie, la Grèce et le « gouvernement des Rum » de Chypre.
Dès avant le vote de la loi, et surtout dans les jours qui ont suivi, la presse turque s'est déchaînée contre la France, en une de ces campagnes bien orchestrées qui visent à mobiliser les foules devant les portes des consulats. La presse a ressorti les vieux arguments de l'histoire officielle, ceux que j'ai analysés dans ma thèse, pratiquement inchangés.
Toutes les réactions, toutes les chroniques, articles et dépêches ont un point commun entre elles et avec les ouvrages d'histoire et manuels scolaires traitant de la « question arménienne » : le mot « génocide » ne doit apparaître qu'accompagné d'une marque de prise de distance telle que sözde (« prétendu »), iddia (« allégation »), ou au moins de simples guillemets. Aucun quotidien n'y échappe, de droite ou de gauche. Le discours d'ensemble est remarquablement homogène. La défense de la Turquie, la contre-attaque des médias contre le projet de loi français, obéissent partout à la même rhétorique, celle qui a été fixée par les institutions culturelles officielles et les historiens turcs précités. Et comme chaque fois que la politique française déplaît en Turquie, cette affaire a été l'occasion d'attaques sur les « génocides » commis par la France, notamment en Algérie, un épisode qui pourtant n'intéresse pas beaucoup les Turcs en temps normal (si j'en juge par la rareté des publications).
Si aucun quotidien de l'époque ne discute les dogmes inclus dans le consensus obligatoire, il existe cependant un discours qu'on peut qualifier de conciliant, une sorte de moyen terme entre résistance molle et consentement du bout des lèvres au dogme de la « question arménienne ». Un exemple typique est fourni par Mensur Akgün, spécialiste des relations internationales, docteur de la prestigieuse université du Bosphore, dans Yeni Yüzyıl :« Je ne veux pas discuter de ce qui s'est passé en 1915. (…) Nous savons que les Arméniens de Turquie ont vécu des choses très dures et que des centaines de milliers ont perdu la vie au cours de leur transfert d'un lieu à un autre. Certes, les Arméniens ont tué beaucoup de monde, mais beaucoup plus encore sont morts. Quelles qu'en soient les causes, les auteurs, etc., ce qui s'est passé en 1915 est une erreur. Mais c'est arrivé, et cela restera une tache noire dans l'histoire de l'humanité. (...) Toutefois je ne vois pas pourquoi moi, en tant que citoyen de la Turquie, quatre-vingt trois ans plus tard, je devrais porter ce poids sur les épaules. La responsabilité historique, de toute manière, incombe au parti Union et Progrès. N'avons-nous pas fondé un Etat nouveau [la république, en 1923] qui a entièrement coupé avec ce pouvoir-là ? Pourquoi sommes-nous complexés ? Pourquoi ces pressions continuelles ? C'est incompréhensible. Ni l’État turc actuel, ni moi, en tant que citoyen turc, ne sommes responsables de ce qui est arrivé en 1915. » (Yeni Yüzyıl, 24 mai 1998).
Cette réponse contient tout l'argumentaire officiel : on veut bien admettre les (1) « choses très dures » au cours d'un (2) « transfert », en contrebalançant aussitôt (3) « les Turcs aussi » car (4) « les Arméniens ont tué également ». L'argument (5) de la coupure décisive entre empire ottoman et république est bien commode car il permet d'admettre, mollement, l'existence du génocide, tout en rejetant la responsabilité sur des acteurs faisant partie d'un passé révolu. Il permet la conclusion (6) « Nous n'y sommes pour rien » et surtout (7) « Je n'y suis pour rien ». Jamais le point 5 n'est poussé jusqu'à sa conclusion logique, à savoir : puisque la Turquie actuelle n'y est pour rien, pourquoi refuse-t-elle d'admettre le caractère génocidaire des événements ? Chacun sent que répondre à cette question serait admettre la responsabilité de la Turquie, même républicaine.
Il était « licite », dès cette époque, d'admettre publiquement les points 1 et 2, les souffrances des Arméniens au cours du « transfert », car elles sont admises également par le dogme exposé dans les manuels scolaires. Le point 3 est toujours rappelé ; il est important pour relativiser les souffrances arméniennes : c'était la guerre, et tout le monde a souffert. Lewis et Veinstein ont repris cette argumentation. En revanche le point 4 a été fortement développé au cours des ces journées de mai-juin 1998, au point que le mot « génocide » a été retourné : chaque fois que ce mot apparaît sans guillemets, c'est pour désigner un génocide des Turcs qui aurait été commis par les Arméniens.
« Laissons le travail aux historiens » est l'un des saillants de la rhétorique turque : les Occidentaux ont été trompés par les Arméniens, et sont invités à consulter honnêtement les archives. Dans Milliyet du 30 mai, le chroniqueur Taha Akyol le fait pour eux : sept volumes de documents, trois mille pages concernent les relations des Arméniens de l'Empire ottoman avec les Russes durant la guerre. Selon le sous-directeur des archives Necati Aktas, il y aurait eu jusqu'à 120 000 Arméniens dans les rangs de l'armée russe. Les Arméniens auraient tué environ un million de musulmans... « On nous a attaqués par derrière, et nous avons répliqué », conclut Taha Akyol, pour qui il y a eu des « massacres » (mukatele) mais pas un « carnage » (kıtal), ni un génocide organisé « comme le prétend la France ».
Le thème de la visite aux archives est repris par plusieurs quotidiens, dont Cumhuriyet, avec les mêmes conclusions, par exemple à la fin du billet d'Ergun Balcı le 31 mai : « La déportation (tehcir) n'était pas une mesure de répression [contre les Arméniens], mais une mesure de sécurité que le gouvernement a été obligé de prendre ». L'unanimité englobe même Radikal, le plus à gauche des grands quotidiens d'alors, qui se permettait d'ordinaire une certaine impertinence... mais celle-ci a des limites. Le quotidien, probablement contraint et forcé, reprend un article de l'agence Anatolie sous le titre « Les atrocités arméniennes en Anatolie et au Caucase, d'après les documents d'archives ». Il s'agit, comme dans Milliyet, d'un retournement de l'accusation. L'archiviste présente un volume consacré aux massacres commis par des Arméniens entre 1906 et 1918 dans les vilayet de l'est, avec photos et traduction en anglais. On y détaille comment les Arméniens « éventraient les femmes enceintes », comment on « contraignait les parents [turcs] à manger leurs enfants, que [les Arméniens] faisaient cuire au four ». Les premières pages des journaux sont souvent illustrées par des photos de cadavres, de squelettes exhumés de fosses communes, toujours présentés comme étant Turcs.
La contre-attaque
Voilà, très brièvement, le traitement de l'histoire par les journaux turcs. Mais la rhétorique ne s'arrête pas à cet examen. Il est nécessaire de contre-attaquer également sur le présent. Les attentats commis par l'ASALA, quelque quinze ans plus tôt, sont très utiles à la rhétorique des officiels ou des journalistes, pour décrédibiliser « la version arménienne de l'histoire », comme si la violence extrême commise par certains Arméniens annulait à leurs yeux la véracité des événements que ceux-ci voulaient faire reconnaître.
En affirmant que le génocide avait bien eu lieu, la France avait-elle légitimé a posteriori l'ASALA, avait-elle légitimé l'action terroriste en général, et par extension le combat du PKK ? C'est ce qu'affirmait Nurdan Bernard en un titre-choc : « Ensuite viendra le tour du PKK ! » (Sabah, 31 mai) : « Pour la première fois dans l'histoire, une institution législative donne raison à une organisation terroriste. » Le même jour, le quotidien de gauche Yeni Yüzyıl proclame en manchette : « Ils encouragent le terrorisme ! » L'historien Mete Tunçay estimait lui aussi que la décision française pouvait avoir pour effet de légitimer les attentats de l'ASALA (Gazete Pazar, 14 juin).
Un thème obligé de la propagande turque à l’époque est le recours à des témoignages d'Arméniens de Turquie. Le thème du « bon minoritaire » est prisé des médias, c'est un peu comme le « bon Noir » de la France coloniale. Le correspondant du nationaliste Türkiye est bien content de trouver, dans Le Figaro, un article sur les Arméniens d'Istanbul qui se disent « très satisfaits » avec leurs 38 églises et 19 écoles. Eric Biegala, dans Le Figaro, précise que le livre de Vahakn Dadrian, Jenosid, figure dans les librairies d'Istanbul, et Türkiye reprend l'information, comme pour prouver que la Turquie n'est pas si répressive qu'on ne le dit (Le Figaro, 30 mai ; Türkiye, 31 mai). Simplement, l'existence de ce livre prouvait l'existence et le travail inlassable de gens de courage, et témoignait de la complexité et de la diversité de discours et de situations qui peuvent exister dans le pays à un moment donné.
Une importance particulière a été accordée au communiqué du Patriarcat arménien de Constantinople du 31 mai, qualifiant l'initiative française de « mal venue ». Le nouveau et jeune patriarche Mesrob Mutafian rappelle alors à Milliyet et Yeni Yüzyıl (31 mai) que l'église arménienne commémore chaque année la prise de Constantinople, qui a été suivie assez vite par la création du patriarcat (1461), sous la protection du Sultan. Cette célébration, confie Mesrob Mutafian, est « assombrie », cette année, par l'initiative française. Les Arméniens, poursuit-il, sont « troublés, comme tous les Turcs » : « Bien que ma charge de patriarche soit spirituelle et me force à me tenir à l'écart de la politique, confie le patriarche à Yeni Yüzyıl, notre devoir national [des Arméniens] nous impose de rester conscients aujourd'hui de notre condition d'authentiques citoyens de la république de Turquie ; et comme tous les citoyens de la Turquie, la décision française nous préoccupe. Au lieu de laisser aux historiens l'examen d'une histoire douloureuse, la France l'utilise comme un tremplin pour sa politique. La décision française va affecter l’équilibre entre au moins trois pays. Quelles que soient les circonstances, nous, Arméniens de Turquie, sommes solidaires de notre pays et de sa population ».
Evidemment, Arméniens, juifs et orthodoxes, dans la Turquie de la fin du XXe siècle, ne pouvaient se permettre une franche opposition ni des propos qui seraient jugés provocateurs. La conduite généralement adoptée était depuis toujours le profil bas ; dans les églises et les synagogues, on a toujours prôné la fidélité à la patrie turque. Les propos des Arméniens rencontrés à cette époque commençaient souvent par un « Nous n'avons pas de problème », énoncé avec un regard soutenu qui disait le contraire ; une attitude semblable à celle des rares Rum demeurés au nord de Chypre après 1974. Rien d'étonnant : le génocide, les déplacements de population, les pogroms anti-grecs de septembre 1955 et anti-alévis de 1978 sont inscrits dans les mémoires et dans la chair des Arméniens comme des autres « minoritaires ». En cette période de tension de 1998, la crainte qui incite à la discrétion et à une allégeance de façade a été interprétée par les médias comme une adhésion pleine et entière.
Ce n'est certes pas pour faire profil bas que Hrant Dink, qu'on ne peut accuser de couardise, rejoignait cette attitude. Il avait fondé l'hebdomadaire turco-arménien Agos deux ans plus tôt et ses rapports avec la diaspora étaient tendus. Il se définissait en effet, clairement et avec insistance, comme citoyen de la république de Turquie et membre de la communauté arménienne de Turquie : « Je suis de Turquie. Arménien. Anatolien jusqu’à la moelle », écrivait-il le 5 juin 1998, après l'adoption du projet de loi en France, tout en affirmant avec force : « J'en ai assez des flatteries et de 'nos Arméniens', assez de la provocation aux sujet des 'espions de l'intérieur', assez de tous ces maîtres scribouillards de la presse ». Peu lui importait, en tout cas vers 1998, le mot à employer pour désigner 1915. Il voulait l'établissement de bonnes relations entre la Turquie et l'Arménie car, écrivait-il plus tard, en 2002, les Arméniens de la diaspora et de Turquie « ne sont que des gouttes d'eau condamnées à l'évaporation si nous sommes isolés de la source » (Chroniques d'un journaliste assassiné, p. 122). Or l'initiative française – dont le processus législatif a duré des années – ne facilitait pas les relations entre la Turquie et l'Arménie, elles pouvaient même ruiner beaucoup d'efforts. Le 5 juin 1998, alors qu'il n'avait jamais été complaisant avec le Patriarcat, il concluait ainsi sa chronique dans Agos : « Je suis dans le même état d'esprit que le fondé de pouvoir de notre patriarche Mesrob Mutafian qui, ce 30 mai 1998, dans le lieu sacré de l'église Sainte-Marie de Kumkapı et devant les chaînes de télévision et les journalistes, a déclaré sur un ton désespéré que sa communauté n'approuvait pas le zèle des Français » (Chroniques..., pp. 129-131).
Les parlementaires français ont été à l'écoute de leur électorat. Mais ont-ils cherché à connaître l'avis de ceux qui étaient, pour ainsi dire, « au front », qui voulaient continuer à vivre dans leur pays et maintenir de bonnes relations avec leurs concitoyens turcs et kurdes ? Ceux qui rêvaient, comme Hrant Dink, d'une république démocratique et multiculturelle, à condition qu'il existât une nouvelle notion, l'être-de-Turquie qui engloberait tous ceux qui vivent dans ce pays (Chroniques..., p. 149-150) ?
Adopter une loi, ou soutenir ceux qui se battent en Turquie ?
Durant cette période, l'ambassade de France avait bien spécifié aux médias turcs qu'à ce stade il ne s'agissait encore que d'un projet de loi, et qu'il fallait bien distinguer entre la politique du gouvernement et une initiative parlementaire... Les personnels et les chercheurs en poste en Turquie avaient reçu des consignes de mesure et de prudence... Autant dire qu'on nous demandait d'éluder la question.
Il devenait d'autant plus difficile de s'exprimer qu'une seconde affaire Veinstein avait éclaté, à la fin de 1998. Gilles Veinstein avait été élu professeur au Collège de France sur un poste créé pour lui, mais les associations d'Arméniens avaient alors crié au scandale : un négationniste au Collège de France ! Les combats ont fait rage. Catherine Coquio voyait dans « les écrits de Veinstein [...] un exemple clair d’une nouvelle forme extrêmement dangereuse de négationnisme sophistiqué » (Libération, 28 décembre 1998). Au contraire pour l'historien Pierre Chuvin, Gilles Veinstein « est intervenu pour appeler à un examen dans son contexte historique de la tragédie qui a frappé les Arméniens de l’Empire ottoman au printemps 1915. Il est intervenu à ce sujet une fois et une seule, mais ce fut apparemment beaucoup trop, et assez pour que ses détracteurs parlent au pluriel 'des écrits' de M. Veinstein, comme s’il n’avait fait que cela » (Libération, 6 janvier 1999). Et Pierre Vidal-Naquet, un des plus farouches combattants du négationnisme, opposait au « négationnisme sophistiqué » dont Veinstein aurait été, selon Catherine Coquio, le porte-parole, un « négationnisme imaginaire […] effet pervers de la loi Gayssot ».
Mon opinion à l'époque était qu'au lieu de faire inscrire le terme de « génocide », définitivement, dans le marbre de la loi, et de faire passer pour « négationniste », à l'égal de Faurisson, tout historien qui n'emploierait pas le mot, il aurait mieux valu soutenir les courageux chercheurs et intellectuels turcs qui essayaient – certains depuis des décennies - de secouer le poids de l'histoire officielle et du négationnisme turc, bien réel celui-là. Ceux-là ne risquaient pas seulement les injures de l'autre camp ; ils payaient cher leur manière de travailler et leurs publications, parfois par la prison (Ismail Besikçi), des agressions physiques jusqu'à l'assassinat (Hrant Dink), des menaces, sans parler de sanctions professionnelles pour les chercheurs, universitaires et, il ne faut pas l'oublier, les modestes enseignants turcs du primaire ou secondaire dont le sort n'a jamais intéressé nos grands débatteurs. Or, nos instituts, nos universités, nos fondations pouvaient les soutenir, comme le faisaient des fondations d'autres pays comme la Friedrich-Ebert Stiftung.
Il devenait clair que pour un turcologue, le simple fait de ne pas utiliser le mot « génocide » exposait à des pressions, des ennuis, des attaques. Mais l'utiliser, en Turquie, pouvait également être la source de problèmes. Je n'ai jamais accepté d'utiliser le mot « génocide » sous une pression quelconque. En Turquie, je le faisais, c'était ma manière d'encourager les Turcs qui le faisaient, comme les Zarakolu qui avaient publié l'ouvrage de Dadrian sous un titre sans ambiguïté, Jenosid. Mais les conditions de travail sont devenues brusquement plus difficiles. Je rappelle que j'avais pu inviter Taner Akçam pour un débat à l'IFEA en 1998 sans faire scandale. Or, en avril 1999, exposant à des étudiants français la version turque de l'histoire – et prononçant le mot « génocide » et d'autres vérités inadmissibles par les Turcs - j'ai été dénoncé, non par des fanatiques d'extrême-droite, mais par des universitaires kémalistes, qui ont alerté les autorités turques et françaises.
Mais que de chemin parcouru depuis ! En Turquie, les études sur le génocide sont de plus en plus nombreuses et fouillées, avec des approches renouvelées. Les historiens travaillent ! Certes, on publie encore des ouvrages sur « la déportation » des Arméniens. Mais Taner Akçam continue son œuvre de pionnier, entraînant avec lui d'excellents jeunes chercheurs (comme Ümit Kurt) ; le volumineux ouvrage de Kévorkian et Paboudjian est traduit en turc, et beaucoup d'autres ; des éditeurs poursuivent leur entreprise de vérité, certains depuis longtemps comme Iletisim, Belge, Metis, les éditions arméniennes Aras; et d'autres apparus plus récemment (Istanbul Bilgi University Press, la Fondation Ismail Besikçi)...
Je commençais cet article en me référant à la déclaration de Cengiz Aktar, parue le 17 février dernier. Mais la plus belle illustration du chemin parcouru n'est-elle pas le revirement de Hasan Cemal ? Journaliste très en vue, il était intervenu dans le débat sur le projet de loi français dans Sabah du 31 mai 1998. Prudent, il détournait le débat sur la chasse aux voix arméniennes par les politiciens français, pointait le caractère néfaste du projet de loi sur les relations turco-françaises, accusait la France d'ouvrir une porte dangereuse et de « jouer avec le terrorisme du PKK et, désormais, celui de l'ASALA » et rappelait à ses lecteurs la mémoire des diplomates turcs tués par l'ASALA.
Il restait discret, il cherchait à tempérer : « La Turquie aurait tort de réagir comme si c'était la fin du monde. Il faut raison garder et laisser les réactions dans une juste mesure ». C'est qu'il était intimement touché, et pour deux raisons : un de ses plus proches amis, Bahadır Demir, consul de Turquie à Los Angeles, avait été assassiné par l'ASALA en janvier 1973. Et il est aussi le petit-fils de Djemal Pacha, l'un des responsables du génocide... En écrivant cet article en 1998, il sait très bien de quoi il retourne et, à travers les lignes, on le sent déchiré. Bouleversé, en 2007, par l'assassinat de Hrant Dink, il opère un retour sur lui-même, son histoire et sa famille. En 2012, il publie un livre témoignage qu'il a intitulé sans ambages : 1915. Ermeni Soykırımı (« 1915. Le génocide arménien »). Il y rapporte que Bahadır Demir lui aurait confié, avant de rejoindre son poste à Los Angeles : « Qu'est-ce qu'on va prendre dans la gueule, à cause de ton grand-père le Pacha ! »
Cengiz Candar pouvait écrire alors dans Radikal : « Avec ce livre, Hasan Cemal, sans se préoccuper de la violence qu'il se faisait à lui-même, est un vrai intellectuel ; il nous fait du bien à nous tous, il fait du bien à la Turquie ».
Grâce à Hrant Dink, grâce aux centaines de milliers qui par leur présence à ses obsèques disaient « Nous sommes tous Arméniens ! », grâce à l' « appel au pardon » initié par Cengiz Aktar, grâce à des personnalités comme Ahmet Insel et Hasan Cemal, grâce aussi au magnifique mouvement de Gezi...
la thérapie a commencé !
PS du 23 mars 2015 - Serez-vous étonnés d'apprendre que rien ne change dans la cervelle des dirigeants turcs? Lisez l'adresse du président Erdogan aux archivistes et historiens, introduite et traduite en français par Defne Gürsoy. Cliquer sur le lien ci-dessous:
"Turcs, Kurdes, Arméniens, nous sommes frères!" Affichette à Taksim lors du mouvemement de Gezi, juin 2013. Photo E.C.