Kalkınma Atölyesi (L'Atelier du Développement) est une ONG turque fondée en 2003 par un groupe de jeunes gens, professionnels en anthropologie sociale, relations internationales, biologie, économie forestière. Le 3 novembre 2004, l'Atelier est devenu une coopérative prônant la solidarité, la mise en commun de productions, la contribution à la production d'idées nouvelles, et la participation active à la démocratisation. A toutes les échelles, le but est le développement durable, notamment dans les domaines du mouvement coopératif, de l'apiculture, du travail saisonnier dans l'agriculture, et le travail des enfants (ka.org.tr).
L'ONG organise des ateliers spécifiques sur l'éducation et le travail des enfants. Elle publie périodiquement de riches rapports d'enquêtes sur le travail saisonnier (travail des enfants, monographie sur la plaine d'Adana, sur Eskisehir, la culture des abricots à Malatya), sur la récolte du coton, des noisettes, de la betterave sucrière...), la population saisonnière syrienne, les gitans syriens en Turquie. C'est un travail extrêmement sérieux et précis, avec enquêtes géographiques, cartographie originale et détaillée (voir l'infographie de synthèse sur la culture et l'industrie du coton).
Kalkınma Atölyesi publie également une revue, KA Dergi, qui sont de véritables livres de 60 à 120 pages. Dix numéros sont parus jusqu'à présent, riches en articles, dossiers, photographies originales. La revue ne se limite pas à des études sur la Turquie: le dernier numéro est consacré au thème "Bicyclette et développement".
Tout est disponible en ligne en pdf, majoritairement en turc, mais beaucoup de documents sont également en anglais ou bilingues.
Kalkınma Atölyesi dispose d'une page Facebook, grâce à laquelle j'ai découvert un très beau documentaire produit par l'ONG, sur le travail saisonnier dans la plaine d'Adana.
Mevsimlik Yasamlar ("La vie des saisonniers") est un film de 17 minutes, dû à Tufan Simsekcan et Ozan Sihay, tourné en un lieu unique, le village de tentes de Tuzla, dans la plaine de la Çukurova, durant la saison d'hiver.
Les images se passeraient presque de commentaires; on y voit se dérouler la vie quotidienne, depuis le montage de l'abri précaire dans des terrains boueux, l'amas de "tentes", coincé entre des champs immenses; la vie quotidienne, qui incombe entièrement aux filles et aux femmes, le départ aux champs dans le froid et l'humidité... Les cinéastes ont interviewé les membres de deux familles originaires d'Urfa, région kurdo-arabe du sud-est.
Ce que disent ces hommes, cette femme et ces enfants n'est pas différent du contenu des deux articles que j'ai traduits précédemment. En voici quelques extraits:
1'15: Ferhat Kayar, 15 ans, originaire d'Urfa, énumère d'abord les tâches qui se succèdent dans la journée, pose des tunnels de plastique, mise en place de systèmes d'irrigation, récolte. "Il y a beaucoup de travail, c'est pour ça que je ne peux pas aller à l'école".
2'18: "Comme on n'avait pas d'argent, on est venus ici pour travailler, on ne trouve pas de boulot là bas. Moi j'allais à l'école mais mon père a dit 'On y va' J'ai dit 'OK'. On est venus ici. mes copains sont restés là-bas. A cause du travail, je ne peux pas aller à l'école. S'il y avait du travail [là-bas] je ne serais pas ici! Si seulement je pouvais aller à l'école, je ne peux pas y aller, du coup ne ne sais rien, je suis un ignorant. Je ne peux aller nulle part. Je ne vois jamais personne".
3'36: Zeliha Karagöz, 13 ans: "Je suis d'Urfa. Avant j'allais à l'école, j'aimerais bien faire du sport mais comme on est venus ici, j'ai laissé tous les livres, ici je ne peux pas aller à l'école. Ça marchait bien à l'école, ici rien de va. Je fais tout, je nettoie, je balaie, je fais la lessive..."
4'35: Ahmet Karagöz, père de Zeliha. "On est venus pour travailler. C'est dur. On est restés une semaine entière sous la pluie. On a vécu dans une [araba: voiture, charrette, remorque?]. On a planté les pastèques. On ne resterait pas s'il n'y avait pas la paie! On ne vit pas seulement ici, on se déplace: Afyon, Aksaray, Nevsehir, jusqu'à Düzce... C'est notre vie, c'est comme ça." On ne serait jamais venu s'il y avait du travail là-bas. Les enfants travaillent, ils n'auront jamais de diplôme..."
7'06: Büsra Karagöz, 11 ans. "On commence par monter la tente, on arrange le sol, on arrange les affaires... Toutes mes affaires d'école ont été trempées par la pluie, les cahiers, le cartable... On mange de la soupe (çorba), du riz, du pain..."
8'10: Ferhat: "C'est dur la récolte, le piment, les poivrons, je ne peux pas aller à l'école. Maintenant c'est l'hiver. Il fait froid dans les tentes même si on allume le poêle. Il pleut sans arrêt. En été au contraire on cuit."
9'05: Abbas Kayar, père de Ferhat: "On vit sous tente, on n'a pas d'argent, on va d'un endroit à l'autre. J'ai six enfants. Ils ont souvent faim, soif. On essaie de tenir, on travaille. On ne peut pas dire que nos enfants vivent: leur vie, c'est zéro. On est dans la saleté, ils n'ont pas de chaussures; après chaque pluie on patauge dans la boue... Il y a beaucoup de maladies, beaucoup, surtout les enfants..."
10'20: Abbas Kayar, père de Büsra et Ferhat: "On se lève à 7 heures, on prend le petit-déjeuner tous ensemble en une demi-heure, et on part au travail dans les remorques, pour toutes sortes de travaux. A 17 heures on remonte dans les remorques, retour aux tentes. On rentre, rien n'est prêt, personne n'est resté pour faire à manger. Certains restent sans manger et vont se coucher directement; d'autres mangent du pain et des olives, ou simplement du pain avec du thé, c'est comme ça."
11'50 Hülya Kayar, mère de Büsra et Ferhat: "Quand on rentre à 17 heures, à moi toute seule, je fais tout, je range, j'arrange les couchages, et le soir je dois faire à manger, la lessive etc. Je ne suis pas couchée avant minuit, et le matin il faut retourner travailler. On est bien obligés, il faut de l'argent; On n'a pas de maison, on n'a rien... On a beaucoup de soucis, on n'a pas de maison, on n'éduque pas les enfants, les grands sont tous célibataires."
13'40: Ferhat: "J'ai quitté l'école et j'ai regretté. [Il évoque les fatigues, les troubles, les vertiges,à force de travailler courbé]. J'aurais bien aimé être médecin, ou policier..."
14'39: Büsra: "J'aimerais vivre, avoir une maison, avoir une belle bagnole, je voudrais tout avoir!"
Saisonnier en Turquie, damné de la terre - Susam-Sokak
Photo Meltem Akyol / Evrensel 23 juillet 2019. Les autres photos proviennent de habersol et guvenlicalisma. Elles ne sont pas créditées. [J'ai découvert le site guvencalisma.org voici quelques ...
http://www.susam-sokak.fr/2019/08/saisonnier-en-turquie.html
Saisonniers en Turquie, 2. Rembourser la dette, à tout prix - Susam-Sokak
De ces damnés de la terre, nous en avons vu bien souvent. J'ai des images en tête. A la gare routière de Van, en 1985 ou 86, des troupes de faucheurs qui partaient pour la moisson - bien souvent on
http://www.susam-sokak.fr/2019/08/saisonniers-en-turquie-2.html