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Susam-Sokak

Turquie - Les racines du présent - Le blog d'Etienne Copeaux


Esquisses sur la Turquie des années 1990 (3) Le village des circoncis (mars 1997)

Publié par Etienne Copeaux sur 5 Mai 2010, 12:00pm

Catégories : #La Turquie des années 1990

Le village des circoncis

Photo publiée par Sabah, 30 mars 1997

Photo publiée par Sabah, 30 mars 1997

 

« La Turquie est laïque, elle restera laïque ! »

Sur l'état réel de la laïcité en Turquie, j'évoque souvent cette anecdote concernant le village de Asagı Dolas, arrondissement de Suruç, dans le département d’Urfa. Nous sommes en mars 1997. Un article de Sedat Attila (Sabah), nous conte une jolie histoire. Dans ce village, les hommes n’étaient pas circoncis.  Cette situation « anormale » est parvenue jusqu’aux oreilles du sous-préfet, Monsieur Ahmet Altıparmak, qui a pris la décision, en tant que haut fonctionnaire d’une république laïque, de mettre fin à cette anomalie. Il a dépêché un fonctionnaire de la santé de la sous-préfecture, qui a procédé à une circoncision collective sur l’ensemble des habitants mâles, soit 61personnes. Parmi elles, un grand-père de 70 ans, son fils de 40 ans et ses quatre petits-fils, ainsi qu’un ancien combattant de Chypre âgé de 65 ans.

L’auteur de l’article laisse percevoir son étonnement : des hommes de cet âge sont passés par le service militaire, et l’armée turque (« gardienne de la laïcité » - voir à ce propos l'esquisse n°21) procède à la circoncision des hommes qui ne l’auraient pas encore subie. « C’est par peur que nous avons évité la circoncision », ont-ils expliqué. Et les autres ? « C’est par négligence », disent-ils.

Ce fait a été jugé assez extraordinaire pour faire l’objet d’un article dans la presse nationale ; mais l’extraordinaire, pour le journaliste, n’est pas la circoncision collective en elle-même, mais la non-conformité de tout un village : un petit scandale.  L’ordre « laïc » a donc été rétabli ; un universitaire turc, à qui je faisais part de mon étonnement sur l'initiative du sous-préfet, n’a pas compris ma réaction : « L’État turc n’a fait que rendre service à la population », m’a-t-il dit.

Bien. Mais si on y réfléchit un peu, on se rend compte que :

1°) Le système de délation sur lequel est fondée l’apparence de consensus en Turquie va jusqu’à ces choses-là ;

2°) un préfet de la république laïque a jugé qu’il était de sa compétence de régler cette affaire ;

3°) une non conformité religieuse a été assimilée à une non conformité civique.

Mais le plus signifiant dans  cette affaire, c’est qu’elle n’a pas fait débat. Les délateurs, les fonctionnaires, les journalistes et les lecteurs ont jugé tout cela normal et bien, en accord avec la laïcité républicaine. Dans la presse de l’époque, je n’ai trouvé qu’une seule et unique réaction, due à Oral Çalıslar à qui je rend hommage au passage. Mais dans un État laïque, c’est toute la presse, toute la population laïque qui aurait dû réagir !

Une circoncision, en Turquie, normalement, c’est un jour de fête ! Voyez les visages de ces hommes et de ces garçons, le regard assassin du personnage de droite ! Sont-ils à la fête ? Je ne crois pas. Alors, Que s’est-il passé réellement à Asagı Dolas ? Pourquoi cette anomalie ? Serait-ce par hasard un village de crypto-chrétiens ?

Qui peut me renseigner ?

 

 

 

 

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T
Cher Etienne,<br /> C'est toujours un plaisir de vous lire. L'universitaire cité dans votre article incarne une certaine pensée turque dont lers mystères me laissent toujours coi. Mais comme vous le savez, l'état turc<br /> est le père du peuple... Je ne peux rien vous dire à propos du village de Asagi Dolas. Cependant, dans certains villages yörük de la région égéenne, nombreux sont les garçons qu'on oublie de<br /> circoncire... Ali
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