En 2014, dans un article sur le premier attentat-suicide commis par le PKK sur le sol turc, je m'en étais tenu au fait lui-même, à sa signification, sa symbolique, et à la jeune femme, Zilan, qui l'avait perpétré. C'est au Centre culturel Mitanni de Nusaybin, dans le hall duquel le portrait de Zilan est exposé parmi d'autres femmes qui ont servi la cause kurde, que j'ai pris conscience de la force du culte qui lui est voué. C'était en 2015, presque vingt ans après l'attentat. Ce nouvel article est une étude, forcément très incomplète, du culte, de ses éléments rhétoriques et iconiques, de l'association du souvenir de Zeynep à l'image du « Chef » Apo, et de processus restauration d'une idée de la femme-déesse dans la culture kurde.
L'image de Zilan portée à la montagne par des combattants des deux sexes. Photo publiée par Yeni Özgür Politika, 30 juin 2017, accompagnée de la légende: "L'acte de Zilan est une renaissance pour la femme kurde. Désormais les Zilan vont se multiplier par milliers, qui se battront de tous les côtés pour une vie nouvelle et libre".
Bref rappel des faits
Le 30 juin 1996, une femme de 24 ans, Zeynep Kınacı, qui a pris pour nom de guerre « Zilan », commet un attentat-suicide à Tunceli (Dersim), en se jetant parmi les soldats participant à une cérémonie militaire en plein centre-ville (voir l'esquisse n°49, juin 2014). Son acte provoque la mort de huit jeunes recrues et en blesse des dizaines d'autres. L'attentat connaît un très fort retentissement, par le nombre des victimes, et par sa nature : il s'agit en effet du premier attentat-suicide commis sur ordre du PKK, et qui plus est commis par une femme, qui simulait une grossesse.
Zeynep Kınacı est une inconnue, mais elle a laissé un testament, publié dès juillet 1996 dans le mensuel du PKK Serxwebûn [Indépendance] ; il est également disponible en anglais sur le site de l'organisation militaire HPG. Elle y présente ses origines (famille kurde alévie de Malatya), sa formation intellectuelle (étudiante en psychologie) et politique (prise de conscience de son identité kurde, participation militante à partir de 1995), et ses motivations. Elle est mariée, et son mari, lui aussi militant du PKK, a été capturé en 1995 ; elle a alors rejoint « la montagne », les maquis du PKK. Si elle a choisi de se donner la mort, explique-t-elle, c'est par amour de la vie, par amour de son peuple, et surtout par amour de la « Direction », du Guide, Abdullah Öcalan dit Apo, président du PKK depuis sa création en 1978. Il est à cette époque réfugié en Syrie et a échappé à un attentat le 6 mai précédent. Une bonne partie du testament de Zilan est consacrée à la louange d'Öcalan, son courage, son dévouement à la cause, sa proximité avec le peuple, son expérience, qui sont « incomparables ».
Elle présente son acte comme le résultat de l'exercice de son libre-arbitre, et comme une réponse au « complot international » qui aurait organisé la tentative d'assassinat d'Öcalan en mai, et la nécessité de créer chez l' « ennemi », fragilisé par l'absence de fondement moral à son action, une situation d'assiégé, « un état permanent de confusion et de crise ». Enfin, l'attentat doit témoigner « tant aux yeux des amis que des ennemis, de notre détermination et de notre degré de préparation pour gagner notre liberté, fût-ce au prix de nos vies ». En principe, la publication d'un tel testament, peu avant l'acte, par la personne qui se destine (ou qu'on pousse) au sacrifice, constitue un point de non-retour : tout recul est impossible.
Le lieu et la cible ne doivent rien au hasard : la région kurde de Dersim s'était révoltée contre l'Etat en 1938, et a subi une répression impitoyable par massacres, bombardements, déportations. Le nom de guerre, Zilan, est celui d'une vallée au nord du lac de Van, dont la population kurde a été impitoyablement réprimée en 1930. La cible est une cérémonie militaire au drapeau, de celles qui réaffirment quotidiennement la maîtrise du pays par l'armée ; de plus, elle se déroule au centre de la ville, sur la place qui porte le nom d'Atatürk, qui avait ordonné la répression de 1938 comme les précédentes (Cheikh Said 1925, Ararat 1930).
Du point de vue de la guérilla, les victimes sont des jeunes portant l'uniforme, membres de l'armée ennemie et donc cibles légitimes. D'un autre point de vue, il s'agissait de jeunes recrues accomplissant le service militaire obligatoire, qui n'avaient pas choisi de servir dans cette armée, encore moins de combattre. Du reste, la plupart des tués étaient des non-combattants membres de la fanfare.
L'attentat-suicide féminin de juin 1996 a été le début d'une série : deux en 1996, trois en 1998, trois en 1999, un en 2003 et un en 2011. Au total, ces attentats ont provoqué la mort de trente personnes dont onze « kamikazes » féminines. Comme Zilan, les auteures des deux autres attentats de l'année 1996 simulaient une grossesse (Narozhna et Knight, 65-66).
Le PKK et l'Etat, un binôme trentenaire
En 2018, la guerre contre le PKK continue. Elle est, comme je l'ai déjà souligné, l'un des facteurs de permanence de la période républicaine, puisque le cycle insurrection-répression a commencé en 1925, pour ne plus jamais cesser. Etonnamment, le PKK lui-même est un élément de permanence, face à son adversaire l'Etat turc. Les deux forment un binôme dont les deux pôles se renforcent l'un l'autre.
Abdullah Öcalan est resté chef du PKK depuis sa création, malgré sa capture et son emprisonnement en 1999. Depuis sa prison de l'île d'Imralı, et malgré la situation d'isolement qu'on lui impose depuis 2011, il est toujours considéré par le PKK, ses cadres, ses militants et ses sympathisants comme le chef unique et incontesté. Au moins dans les propos publics et les textes diffusés par le PKK et ses satellites, il est l'objet d'un culte qui n'admet aucune dissidence, aucune critique, et qui fait pendant au culte d'Atatürk. D'ailleurs, à part Atatürk, nul en Turquie n'a bénéficié d'un tel culte.
Pourtant le PKK a changé d'objectif, il ne vise plus l'indépendance du Kurdistan, et s'est converti au « confédéralisme démocratique » qui serait un moyen de contourner le système des Etats-nations par la mise en place de structures horizontales, autonomes et décentralisées, au sein desquelles l'initiative reviendrait au peuple, où l'égalité des genres serait un principe absolu (mis en pratique d'ailleurs par les municipalités et les instances partisanes du HDP et BDP), et où serait menée une politique écologique. Ces principes sont concentrés en quelques slogans qui affirment que la société, le Kurdistan, le monde, ne peuvent être libérés si la femme ne l'est pas, et que la libération des femmes est la garantie d'un monde écologique respectueux de la nature.
Curieusement, ces nouvelles perspectives, qui sont un bouleversement effectif dans l'idéologie d'un PKK autrefois marxiste-léniniste, sont présentées comme émanant exclusivement du Chef, dont on dit que, en prison, il a beaucoup lu, tiré les leçons de ses échecs et de l'échec du socialisme étatique, et incité son parti à ces nouvelles perspectives. Le PKK et la société kurde (souvent, les textes ne font pas la distinction) deviendraient donc démocratiques et décentralisées, paradoxalement, par décision de « la Direction », terme collectif mais qui désigne Öcalan. Paradoxe résolu par des pirouettes discursives réaffirmant, par exemple, que la Direction fait corps avec le peuple, malgré la prison et l'isolement, rejoignant ainsi la théorie léniniste du parti d'avant-garde qui incarnerait le peuple et rendrait inutiles les partis d'opposition.
Malgré la réorientation du parti et de l'organisation, à tous ses échelons, la guerre continue, et la répression inouïe de 2015-2016 a sans aucun doute renforcé la détermination des partisans du PKK.
La continuité au moins apparente dans la « Direction » n'est pas le seul lien qui traverse les époques. Au culte du Chef s'ajoute celui des « martyrs ». C'est un phénomène banal qui exalte la mémoire de ceux et, de plus en plus, celles qui sont tombées pour la cause. A en juger par l'iconographie des sites Internet du PKK et de ses affiliés, Mahsum Korkmaz, mort en mars 1986 en combattant, qui figure souvent sur les pages d'accueil, est un proto-martyr, en cela qu'il fut le premier commandant de l'ERNK, la branche militaire du PKK (aujourd'hui HPG). Le virage idéologique, le « nouveau paradigme », n'implique pas de renversement ou de remplacement des icônes.
Mahsum Korkmaz dans l'imagerie du PKK. Derrière lui, la chaîne des "martyrs" parmi lesquels, à l'extrême-droite, Zeynep Kınacı (Zilan), et, à gauche, Sema Yüce (Serhildan)
Le plus bel exemple est la « martyre » Zilan. Dès l'attentat de juin 1996, elle est devenue une figure héroïque, sanctifiée, du mouvement kurde, comme l'attestent les envois, les dédicaces, les hommages que j'ai relevés dans Özgür Gündem en juillet 1996. J'ai signalé la chaîne de « martyrs » au sein de laquelle Zilan a été placée, le prestige qui lui a été conféré, en tant que devancière, exemple à suivre, libératrice de la femme kurde. Une grande partie du numéro de juillet 1996 de Serxwebûn lui est consacrée. Un an plus tard, dans le même mensuel, Öcalan en personne lui dédie un article de trois pages. Le culte commence, ordonné par la Direction. Une « grammaire mémorielle » s'institue autour de la personnalité de la jeune femme, se développant sans cesse jusqu'à faire d'elle une déesse.
Une recherche sur Internet à partir des noms « Zilan », « Zeynep Kınacı », « Tanrıça Zilan » (la déesse Zilan), conduit principalement à des sites proches du PKK et des textes apologétiques, moins fréquemment à des articles de la presse critiquant Zilan en tant que « terroriste ». Ma recension fait apparaître un culte à peu près constant, avec quelques pics de fréquence, comme en 2011, ce que j'expliquerai dans un autre article. A partir de 2014 (siège de Kobanê où s'illustrent des femmes combattantes du YPG) et 2015 (reprise de la guerre par l'Etat turc), la mémoire de Zilan est fortement réactivée pour motiver les combattants, et surtout les combattantes. Il semble qu'après le désastre de la « guerre des villes » de l'hiver 2015-2016, le culte de Zilan soit en cours de renforcement, dans les régions kurdes de Turquie, mais aussi dans les pays d'émigration kurde (en particulier en Allemagne, France, Suisse, Arménie et même Russie), et bien sûr dans le territoire du Rojava. Sans surprise, la plupart des occurrences surviennent au moment de la commémoration, fin juin ou début juillet. C'est également fin juin que se tient en Allemagne le « Zilan Frauenfestival » depuis 2004.
Un culte régulier et croissant
Depuis 1996, le culte de Zilan connaît peu d'éclipses, si l'on prend comme référence les hommages dans Serxwebûn : jusqu'en 2004 chaque numéro comporte au moins un article consacré à Zilan, parfois quatre ou cinq. En 2004 et 2005, les mentions en sont absentes : c'est chose étonnante, puisque le discours sur Zilan célèbre un acte de guerre, et c'est en juin 2004 que le PKK reprend la lutte armée. Mais le lancement du premier Zilan Frauenfestival en Allemagne à cette date compense en quelque sorte cette absence. A partir de 2006 les mentions sont à nouveau régulières dans Serxwebûn, puis de plus en plus fréquentes sur les sites Internet dépendant du PKK, pour ne plus cesser.
La période de 22 ans qui suit l'acte de Zilan est pourtant pleine de péripéties et de volte-faces dans la politique du PKK : emprisonnement d'Öcalan qui proclame très vite un cessez-le-feu depuis sa prison ; dissensions internes très fortes au sein du PKK ; reprise de la lutte armée en juin 2004 ; nouvel appel d'Öcalan en mars 2013 à déposer les armes (voir le discours lu à Diyarbakır le 21 mars 2013) ; cycle de négociations dit de Dolmabahçe de 2013 à 2015 ; reprise des hostilités de la part de l'Etat en été 2015 ; proclamations d'autonomie des villes kurdes suivies d'une répression sans précédent. Les communiqués et articles sur Zilan, dans la littérature stéréotypée du PKK, ne reflètent guère cette histoire complexe. Mais on y ressent de plus en plus les événements de Syrie, par des célébrations au Rojava, ou des mentions faisant de Zilan une libératrice des femmes « du Moyen-Orient ». Depuis 2017, le culte est tellement dense qu'il peut laisser supposer une préparation des combattantes du PKK à l'attentat-suicide.
Il est relayé par Serxwebûn et les organisations satellites du PKK : l'organisation militaire du PKK, Hêzên Parastina Gêl (HPG, Forces de défense du peuple, nouveau nom de l'ERNK), son organisation militaire féminine Yekitiya Jina Azad (YJA-Star, Unités des femmes libres), le Parti de la vie libre au Kurdistan (Partiya Jiyana Azada Kurdistan, PJAK), le Mouvement des Femmes du Kurdistan (KJK, Komalên Jinên Kurdistan). En outre, les articles ou communiqués, qu'ils émanent de militants ou des instances dirigeantes de ces organismes, sont diffusés par les médias proches du PKK comme l'agence Fırat (ANF, Ajansa Nûçeyan a Firatê), l'agence Hawar (ANHA et son site hawarnews.com), ou encore le quotidien Yeni Özgür Politika, publié en Allemagne.
Comment Zilan devient « déesse »
Dès les premières années suivant l'attentat, la terminologie est constituée, et surtout le processus d'idéalisation, de sanctification, de sacralisation, en partie par Öcalan lui-même. L'idée même d'« attentat » est rejetée : il s'agit d'une « attaque » ou d'un « assaut » contre l'ennemi. Zilan est une fedai, une combattante qui s'est sacrifiée. Dès le numéro de juillet 1996, la rédaction de Serxwebûn évoque l' « amour infini » que portait Zilan à son peuple et à la vie, qui aurait poussé Zilan à son acte. Il semble que dans ce mensuel la qualification de « déesse » (tanrıça) apparaisse en juin 1998 (n° 198), dans un article évoquant une autre militante, Sema Yüce (Serhildan), qui s'était immolée par le feu en mars 1998 au cours de sa détention, et qui était récemment décédée. Sema, dont la photo, par la suite, fut souvent associée à celle de Zilan, est comparée à celle-ci, « atteignant [par son acte] le rang de déesse ». Dans un autre article du même numéro, la même idée est exprimée : « Il est sans aucun doute légitime que les Zilan, Zekiye, Ronahî, Bêrîvan, Sema et tant d'autres camarades soient qualifiées de déesses de la liberté ».
Zeynep Kınacı (Zilan) et Sema Yüce (Serhildan) en effigie dans le hall du Centre Culturel Mitanni de Nusaybin (photo E.C., novembre 2015). A droite, les deux femmes associées à Apo dans l'imagerie du PKK.
Dans le numéro 210 (juin 1999) de Serxwebûn, un long article développe ce thème du caractère sacré de Zilan et de son acte. Il commence par une réflexion sur la nomination : « Donner un nom à une personne, à un peuple, à sa culture, à sa langue, est un acte sacramentel. C'est la femme qui donne la vie, elle a un lien créateur envers tout ce qui est vivant. Il lui revient de nommer le nouveau-né. Elle est le lien unificateur du triangle formé par l'humain, la nature et la vie. En nommant, elle est liée au développement la personnalité. Elle crée une histoire non écrite mais liée à la langue. Ainsi la femme, dans une histoire qui remonte à des dizaines de milliers d'années, en portant l'existence, le nom, la volonté, est devenue la déesse-femme ». Ce caractère divin, poursuit l'article, a été nié pendant des siècles. « Il faut à nouveau célébrer la femme. La bonne approche consiste à conforter cette notion de déité ».
Il y a là l'expression d'un renouveau – l'auteur de l'article emploie le mot très fort de milad, « renaissance », qui, en histoire, désigne le début de l'ère chrétienne. Jusqu'alors, dans le discours du PKK, le terme était réservé au commencement de l'insurrection armée, le 15 août 1984. Le nouveau milad – il est parfois précisé que c'est le « milad des femmes » - date du jour de l'attentat, 30 juin 1996, et c'est Zilan qui a donné son nom à cette histoire : il y a donc un avant et un après Zilan. Cela change la perspective selon laquelle il faut considérer l'attentat du 30 juin : ce n'est pas seulement un coup porté à l'ennemi, c'est une nouvelle étape dans la révolution. Zilan lui a donné un nom, elle a écrit l'Histoire.
Trilogies idéologiques turques et kurdes
Ainsi, Zilan aurait démontré la force des femmes à incarner l'Histoire. Elle est sacrée (kutsal), elle incarnerait une philosophie de la vie remontant à des millénaires - et « son lien avec le président Apo lui aussi remonte à des millénaires, car elle a anéanti (çözdü) la peine millénaire qui pesait sur les femmes. Elle redonné vie (oluşturmuştu) au principe de la déité des femmes ».
Ce texte, non signé, est important car on y perçoit des thèmes qui préexistaient, mais qui se sont considérablement développés au cours des deux décennies suivantes ; ils annoncent la fameuse « nouvelle orientation » du PKK décidée, depuis sa prison, par Öcalan, après son arrestation en février 1999. Avec le culte de Zilan se dessine un autre « triangle » reliant 1) l'histoire ancienne associée à la notion de déité kurdo-mésopotamienne, 2) le nouveau féminisme du PKK, et 3) la « philosophie » d'Apo, et le culte qui lui est voué.
C'est chose troublante car dans l'idéologie de la Turquie républicaine ces trois éléments du triangle sont présents, à savoir le lien très fort avec l'histoire ancienne, un féminisme officiel (incarné notamment par l' « héroisme » de la fille adoptive de Mustafa Kemal Atatürk, l'aviatrice Sabiha Gökçen, qui a participé au bombardement du Dersim en 1938), et le culte du Guide Atatürk. A l'époque de Mustafa Kemal, les idéologues du régime ont cherché à « prouver » que les Turcs avaient été féministes depuis les premiers temps de leur histoire. Exactement de la même manière, les idéologues du PKK cherchent à « prouver » que le féminisme prôné par Öcalan est enraciné dans l'âme kurde depuis des millénaires. Ce lien apparaît dès 2000 dans une revue mensuelle publiée clandestinement dans les montagnes kurdes, Tanrıca Zilan, « La déesse Zilan » ; le mensuel s'inspire, selon l'une de ses fondatrices Peylin Tolhidan, « de la martyre kurde Zilan, et diffuse la politique, la philosophie, la psychologie d'Abdullah Öcalan » (interview de Peylin Tohildan, ANF, 29 juin 2015).
A gauche, Apo posant parmi des combattantes, avec le portrait de Zilan (Serxwebûn, juin 2011). La scène de droite a été publiée sur le site yjs-ybs.com le 27 février 2017
Le discours d'Öcalan et du PKK opèrent, allègrement et sans débat, un amalgame dont les historiens turcs des années trente étaient spécialistes : l'origine du peuple et de la culture kurdes se confondrait avec la civilisation de Sumer (IIIe millénaire avant J.-C.) et les deux cultures seraient identiques. La culture des Sumériens, puis la culture kurde, auraient été matriarcales, et le « patriarcat » n'aurait été introduit chez les Kurdes que très tard, avec la « colonisation », entendons les dominations turque, persane, arabe sur le Kurdistan, puis la colonisation occidentale des XIXe et XXe siècles. Redonner sa place à la femme serait simplement retrouver une certaine authenticité kurde. De même, les réformes d'Atatürk ont été présentées aux écoliers turcs comme un retour aux origines.
Dès les années 1980, comme le souligne Handan Çağlayan, le mouvement kurde a utilisé des slogans pour attirer les femmes et appelé celles-ci à participer au combat, jusqu'à la mort, pour atteindre la déification. L'amour de la patrie doit remplacer tout autre forme d'amour : « Combattre c'est se libérer, se libérer c'est s'embellir, s'embellir c'est être aimé(e) » (Çağlayan, 113). Apo aimait être photographié entouré de femmes en treillis militaire, ce qui a alimenté d'ailleurs une certaine ironie dans les médias turcs. Ce féminisme qui intègre les femmes dans le combat fascine les mouvements de gauche et féministes occidentaux. Il est au contraire très critiqué par le mouvement des objectrices de conscience en Turquie, qui dissuadent les femmes (comme les hommes d'ailleurs) de s'engager tant « à la montagne » que dans l'armée (Acara, 77).
Les ressemblances relevées avec le discours kémaliste des années trente, à la réflexion, ne sont pas si étonnantes. Les acteurs du PKK et de la guerre, de tous âges et à tous niveaux, ont été éduqués dans les écoles de la république de Turquie. Ils ont intégré, volens nolens, les schémas, les paradigmes, la rhétorique du nationalisme qui imprègne l'éducation (en particulier l'histoire), et la vie quotidienne dans les écoles, avec l'imagerie omniprésente dans les salles de classe, les manuels et les cours d'école, ainsi que les cérémonies patriotiques et d'hommage à Atatürk. Comme il dure depuis des décennies, ce culte a créé en tout Turc un « idéal du moi » qu'il est censé imiter jusqu'à la confusion avec son propre moi. C'est un processus dont il est difficile de se départir sans subir une sensation angoissante de manque, qu'on peut être amené à compenser en se tournant vers une autre figure paternelle. De même que, jusqu'à l’époque d'Erdoğan au moins, on demandait à chaque enfant turc de développer un lien personnel avec son « Père » (Ata), de même le culte d'Apo crée au moins dans les esprits un lien très fort avec le Président (Serok), « la Direction » (Önderlik). Dans cet esprit, le lien entre Zilan et Apo va de soi, puisqu'Apo est le créateur du culte. Tout acte important de la vie militante doit procéder de la volonté du Guide (Rehber), et lui être dédié. C'est ce que Zilan elle-même affirmait dans son testament (à supposer que ce texte soit authentique).
La référence à l'Antiquité est presque similaire dans le discours turc et le discours du PKK. En 1931, Atatürk a mis en place une « réforme de l'histoire » concrétisée dans des manuels scolaires affirmant l'ancienneté et la supériorité des Turcs, qui auraient donné naissance à toutes les civilisations humaines, et fondé en Mésopotamie la civilisation sumérienne, et en Anatolie la civilisation hittite. Le nationalisme kurde s'est emparé de ce besoin impérieux de s'enraciner dans un passé lointain : la référence à la Mésopotamie ancienne, aux Sumériens ou aux Mitanniens est fréquente dans le discours, au minimum sous la forme « depuis 5000 ans », pour évoquer l'ancienneté de la « culture kurde » assimilée à celle de Sumer.
Exactement comme le kémalisme, le nationalisme kurde est allé chercher à Sumer un capital culturel propre à enraciner l'idée de femme-déesse. Cette idée qui avait été lancée en 1998-1999 dans l'élan du verbe et de l'émotion, accompagnée de précaution oratoires, a été ensuite prise au mot et légitimée à l'aide d'arguments historiques. Car, par chance, il s'est trouvé, dans le panthéon sumérien, une déesse de premier plan, Ishtar, déesse-mère de la sexualité et de la guerre, dont le nom existerait encore en kurde sous la forme Star ou Stêrk qui signifie « l'étoile » (Çağlayan, 113-123).
Certaines images de Zilan fabriquées par la suite traduisent visuellement la déification de la jeune femme. L'une d'elles fait apparaître son portrait dans un ciel baigné de la lumière de l'aube, dans un beau paysage ; du front presque blanc de Zilan part une lumière rayonnant sur une foule enthousiaste qui semble l'acclamer en faisant le signe de la victoire. Ce montage, apparenté à l'imagerie religieuse, est devenu iconique sur les sites de la mouvance PKK.
Photomontages publiés sur plusieurs sites proches du PKK. Remarquer à gauche que le premier plan est composé de l'image d'un même bras.
Deux « bio-pouvoirs » ?
D'autres similitudes avec l'éducation kémaliste concernent le rapport particulier au corps. Le kémalisme est un « bio-pouvoir » qui s'exerce physiquement sur l'individu : par des postures apprises à l'école (le garde-à-vous, le défilé, le chant de l'hymne national), et par une éducation au sacrifice, une préparation au consentement à donner sa vie, à verser son sang pour la patrie (Altınay 2009). Des récits historiques comme celui de la bataille de Çanakkale (les Dardanelles, 1915) martèlent l'image de « la terre pétrie du sang des martyrs, qui a donné sa couleur au drapeau ». Le sacrifice doit être le choix obligé du citoyen, suivant l'ordre donné par Mustafa Kemal (Atatürk) à ses soldats à Çanakkale dans le terrible ordre du jour que tout Turc a appris à l'école : « Soldats ! Je ne vous ordonne pas de monter à l'assaut ! Je vous ordonne de mourir 1 ! ».
Il est facile pour le bio-pouvoir adverse de récupérer ce capital culturel légué par l'éducation et le nationalisme, et de le détourner vers des objectifs symétriques mais semblables. Dans le cas du PKK, la coercition exercée sur les corps passe par le militarisme, chose normale dans ce contexte, mais elle va jusqu'à « la violence exercée contre soi » par immolation ou attentat-suicide, et s'exerce quotidiennement, dans les unités de combat, par l'interdiction absolue de toute relation sexuelle et le contrôle strict des attitudes corporelles (Grojean, 2006 et 2013). Quant au recours à l'histoire, il traduit une rivalité dans la préemption d'une haute antiquité qui permet d'affirmer l'antécédence, l'enracinement, et de proclamer la révolution comme un retour aux sources, comme le suggère l'étymologie du mot, tant en français que dans le mot turc devrim, d'origine arabe.
Il est obligatoire de mentionner, en toute circonstance, le lien avec le Chef, « la Direction », dans les textes écrits, les proclamations orales, et par l'image. Celle de Zilan apparaît souvent à côté de celle d'Öcalan (de même qu'Öcalan est parfois photographié à côté du portrait de Zilan), comme c'est le cas lors de chaque édition du Zilan Frauenfestival et lors de toute commémoration du 30 juin. Dans les textes et les propos, le lien de Zilan à Apo touche à la métaphysique et la rhétorique et ne se soucie ni de la chronologie, ni de la vraisemblance : ce qui compte est la force de l'émotion, seule capable d'emporter l'adhésion. Dans un texte peut-être dû à Öcalan publié dans Serxwebûn, Zilan a reçu le titre posthume de commandante (komutan Zilan). Ainsi, comme l'explique un article du même numéro, « dans une région intolérante comme le Moyen-Orient où la femme compte pour rien, des milliers de femmes font la guerre, s'organisent, deviennent commandantes, et tout cela grâce aux efforts particuliers du président Apo ».
1 Certes, cela fait partie de la culture militaire. Dans une lettre envoyée à son frère Serge du front de Crimée le 20 novembre 1854, Tolstoï rapporte que, “en faisant le tour des troupes, au lieu de crier 'Salut les gars!' [l'amiral] Kornilov dit: 'Il faut mourir, mes gars! Mourrez-vous?' et on lui répondit: 'Nous mourrons! Votre excellence, Hourra!'” (Tolstoï par Tolstoï, Autobiographie épistolaire (1848-1879). Composée, traduite et annotée par E. Halpérine-Kaminsky, Paris, L'Edition moderne – Librairie Ambert, 1912, p. 136). Mais ce qui caractérise la culture militariste turque, c'est qu'elle est enseignée à tous les enfants depuis presque un siècle .
Le façonnement a posteriori d'une femme idéale
Au sein du PKK, les idées féministes, militaristes-révolutionnaires et mythologiques sont associées en de mêmes propos. Le discours sur Zilan devient un mille-feuilles où les couches s'ajoutent les unes aux autres ; selon les circonstances et les besoins, la parole militante retient l'un ou l'autre aspect du culte de Zilan. L'idole est en quelque sorte plastique, on en retient le modèle de guerrière par son efficacité meurtrière, modèle de courage, première fedai qui doit être imitée, mais aussi femme amoureuse de la vie et de la paix, fidèle d'Apo mais inspiratrice d'Apo, modèle pour la femme du Moyen-Orient, et même, en tant qu'originaire de la région de Malatya et de culture alévie, incarnation d'un supposé « esprit de Malatya » (malatyalık) qui l'aurait inspirée (Öcalan lui-même a inventé ce terme en juin 1997 dans Serxwebûn).
Zilan est l'auteure d'un acte guerrier terriblement meurtrier (en termes militaires, on dira : efficace). Mais au cours des festivals Zilan en Allemagne – organisés par le Bureau de Femmes pour la Paix (CENÎ), on retient plutôt l'image d'une femme pacifiste, amoureuse de la vie, apte à séduire les étrangers, Allemands ou autres, qui sympathisent pour la cause kurde mais aussi pour l'écologie et le féminisme, sans s'appesantir sur la nature de l'acte guerrier et meurtrier de Zilan. Sur l'affiche de la journée internationale de lutte pour le droit des femmes à Bordeaux, 8 mars 2017, organisée par diverses associations kurdes et le collectif libertaire Le Pavé Brûlant, Zilan est aux côtés d'Arin Mirkan, héroïne de la défense de Kobanê qui elle aussi a commis un attentat-suicide (octobre 2014), mais aussi de Clara Zetkin, d'Angela Davis, de Simone de Beauvoir, de Frida Kahlo... Zilan ne saurait être une meurtrière, elle n'est pas non plus victime comme Leyla Söylemez et Sakine Cansız, également présentes sur l'affiche. Elle est icône, comme Simone, Clara, Frida.
Mais pour qu'elle devienne un modèle, il a fallu idéaliser sa vie, réinventer sa biographie a posteriori. En 1996 elle est une inconnue, sauf pour quelques camarades de lycée, de fac, ou du PKK. On dispose apparemment de très peu de témoignages ; la plupart, publiés dans les médias satellites du PKK, émanant de « camarades de combat », participent du processus d'idéalisation et sont probablement des inventions. Il existe un récit provenant d'un dissident anonyme, malheureusement invérifiable, adressé par courrier électronique à Eyüp Can, rédacteur en chef de Radikal, le 5 juillet 2011 (je reviendrai dans un autre article sur les circonstances de cette publication). Ce témoin décrit une Zeynep plutôt faible de caractère, peu apte au combat, très critiquée par son commandant en raison de son attirance pour la vie familiale et « normée ». Certes, elle était sensibilisée depuis les années d'université à la cause kurde, elle avait sans doute choisi librement de rejoindre « la montagne », mais le témoignage suggère que le commandant de son unité l'aurait poussée à commettre son acte pour contrer son côté « petit-bourgeois ».
Une fois qu'on a tout quitté pour rejoindre un mouvement de guérilla et choisir une vie illégale et clandestine, il est difficile de regretter et de vouloir en sortir car, pris entre deux feux, on aurait des comptes à rendre tant à l' « organisation » qu'au système répressif adverse ; la mort peut être alors l'unique issue. Ironie de la situation, Zilan a dû feindre une grossesse alors que le PKK punissait lourdement ses combattantes enceintes. Cette situation d'impasse est certainement aggravée par la pression psychologique du groupe, toujours énorme dans un contexte de guerre. Zeynep a peut-être été manipulée pour accepter de commettre son attentat ; il est en tout cas très difficile d'évaluer la véritable part du libre-arbitre dans le « choix » d'une immolation.
Elle restera donc « la déesse kurde Zilan ». Sur le site du Parti pour la Libération des femmes du Kurdistan (PAJK), lors de l'anniversaire de 2012, la rédactrice Silan Dilara se propose de dresser son portrait, mais elle ne fait qu'aligner des images pieuses : « Son nom est celui de tant de chansons, celui de milliers de jeunes filles et même d'écoles. Son nom parcourt les montagnes, il voyage dans les cœurs et les esprits. Elle était une militante nourrie des déesses de ses montagnes, aimant au plus haut point la liberté, attachée à son pays, passionnée par les valeurs humaines universelles. Elle a accompli sa rencontre avec les dieux et les déesses. Ce qu'elle a fait est un grand événement pour parvenir à la vie libre ». Cette « biographie » hisse Zilan à un niveau de sacralité tel qu'il nécessite l'emploi de néologismes comme zilanlaşmak (« se zilaniser ») ou zilanca ou Zilan tarzı (« à la manière de Zilan ») : « Nous sommes liées à elle, nous vivons enveloppées dans son esprit. Nous devons nous zilaniser (zilanlaşmak) pour rencontrer la liberté ». En 2017, une combattante, ancienne « camarade de combat », affirme : « C'est dans la personnalité de Zilan autant que dans ce qu'elle a fait que réside l'espoir des peuples »... puis sans transition : « Le peuple kurde veut atteindre les objectifs de la philosophie de notre Direction » (ANF, 30 juin 2017).
Zilan déesse de la nature. Image illustrant un texte d'Öcalan sur Zilan dans Komünar, revue de l'"Académie des Sciences Sociales Abdullah Öcalan", 28 juin 2011
La diffusion du culte
Pour autant que la recension sur Internet soit fiable, le culte de Zilan semble s'intensifier jusqu'à 2018, y compris durant les deux années de tractations (2013-2015) au cours desquelles les hostilités avaient été suspendues.
Le 30 juin 2013, l'agence de presse Fırat/ANF publie un long article sous le titre « Zilan est un monument de la liberté » dans lequel la journaliste Roza Amed donne la parole à des combattantes du HPG et de l'organisation militaire féminine YJA-Star. Dans ces témoignages, la mémoire de Zilan est totalement associée à celle du Guide emprisonné, « la Direction » (Önderlik) : « Elle est au sommet. Faire vivre son souvenir, c'est faire vivre la liberté de notre Direction » (Reyhan Afrin). « Elle nous a montré la voie, non seulement sur le plan théorique et celui de la pensée, mais dans la pratique. Si elle n'avait pas aimé la vie à ce point, elle n'aurait pas pu réaliser cet acte qui a propulsé (patlamak) les esprits vers les sommets. Elle avait ressenti au plus profond d’elle-même la philosophie et l'idéologie de notre leader Apo » (Serhat Botan). Tandis que deux autres combattantes appuient le lien avec le Chef, rappelant un mot d'ordre (« Etre une avec le Leader ») ou une citation d'Öcalan (« Il faut rappeler les mots d'Apo : 'Zilan est ma commandante, c'est elle qui donne les directives' »), un combattant masculin, Abbas Afrin, apporte un avis supposé impartial sur la nouvelle ère qui s'ouvre aux femmes grâce à Zilan : « Cet événement a abattu une domination masculine qui durait depuis 5000 ans. Zilan a ressuscité la culture de la déité féminine ».
La citation d'Öcalan, qu'elle soit authentique ou apocryphe, nous renvoie à nouveau vers la culture kémaliste du chef. Atatürk en effet, mort en 1938, est demeuré officiellement le commandant en chef des forces armées turques. L'idée d'un commandement confié à un absent emprisonné (Öcalan) ou à une morte (Zilan) participe pleinement de cette culture. Avec le témoignage d'Özgür Roni, qui évoque cinq fois Öcalan en quelques lignes, apparaît le thème de la clairvoyance de Zilan, qui aurait prévu l'existence d'un complot contre le Chef, et aurait agi pour le déjouer : « Elle avait tellement intégré l'esprit de la Direction que c'est elle, la première, qui a remarqué le projet de complot ; elle a suivi sa voie en opposant son corps pour faire exploser l'ennemi au coeur ». Cette idée du don prémonitoire de Zilan est d'ailleurs développée le 30 juin 2017 dans un témoignage d'une « camarade de combat » publié par l'agence ANF : « Zilan a accompli cette attaque en raison du complot international qui se préparait contre notre Direction et le peuple kurde. (…) Zilan a déjoué ce complot très tôt car elle l'avait senti d'avance ».
Zilan est donc pourvue rétrospectivement d'un don de clairvoyance, et ce don, qui pourrait à la rigueur être celui du commandement, lui est attribué personnellement. Mais surtout, Zilan est l’icône des femmes. Le 29 juin 2014, une proclamation de la Coordination du Parti des Femmes Libres (YJA Koordinasyonu), émanant du PKK, déclare : « Nous nous inclinons respectueusement devant Zilan, et sa décision de vivre pour la lumière de la liberté. (…) C'est seulement grâce au Guide Apo qu'elle a pu avoir cette volonté d'agir pour la liberté du peuple kurde et des femmes kurdes. Elle a appliqué les valeurs communales (…). Prononcer le nom de Zilan, c'est refuser à jamais la vie de femme dans l'esclavage, le silence, l'absurdité. C'est montrer la voie pour l'ensemble du Moyen-Orient. La mobilisation des femmes pour la Direction et la Liberté, c'est un soulèvement de centaines de milliers de femmes dans le souvenir de Zilan et avec le Guide Apo, pour la vie et la liberté ».
De gauche à droite et de haut en bas: aux côtés de Clara Zetkin, Simone de Beauvoir, Frida Kahlo, l'effigie de Zilan apparaît sur l'affiche d'une manifestation féministe à Bordeaux, 2017; tribune d'une conférence féministe en janvier 2018 à Derik (Syrie) (site jineoloji.org); une réunion commémorative de l'attentat de Zilan à Krasnodar (Russie du sud) le 30 juin 2018 (ANF); et le 28 juin 2018 à Erevan (Arménie) (ANF) (cliquer pour agrandir)
Les événements de Syrie et d'Irak (la guerre civile en Syrie, l'autonomisation démocratique du territoire kurde de Rojava, l'établissement de DAECH dans la région) semblent avoir donné une impulsion au culte de Zilan comme au culte des « martyrs » en général. Le 2 juillet 2015, alors que les perspectives pour le mouvement kurde de Turquie sont encore encourageantes (pour quelques semaines), les célébrations autour de Zilan dans le Kurdistan de Turquie sont inventoriées par Yeni Özgür Politika sous le titre « Si nous ne connaissons pas Zilan nous ne pouvons réussir », et sous une photo réunissant les deux portraits de Zilan et d'Apo. Les commémorations sont organisées par le KJA (Kongreya Jinên Azad, Congrès des Femmes Libres) à Mardin, Hakkari, Iğdir et Van, appuyées par le BDP et le HDP à Tunceli/Dersim, Batman, Nusaybin. Dépôts de bougies et de fleurs devant son portrait, projection de films relatant sa vie, et des allocutions : « Les femmes qui ne connaissent pas Zilan ne se connaissent pas elles-mêmes » (KJA, Igdir) ; « Zilan est importante pour l'ensemble du Moyen-Orient, elle a sacrifié sa vie pour déjouer le complot contre Öcalan » (Özge Hoşoğlu, responsable du HDP à Dersim) ; « Zilan est le symbole du combat de la femme kurde pour la liberté et la résistance » (Sara Kaya, co-maire de Nusaybin).
A partir de la fin de juillet 2015, le mouvement kurde, et la population des villes kurdes de Turquie, ont vécu une catastrophe d'une ampleur inédite. L'attentat de Suruç, la rupture des négociations, la reprise de la guerre, les attaques contre le HDP au cours de la campagne électorale, le déni de la part du pouvoir du succès historique remporté par ce parti, tout cela a conduit le PKK à inciter les « assemblées populaires » des villes kurdes à proclamer leur autonomie. Mais que pouvait signifier « autonomie » dans un contexte de lutte à ce point inégale ? Défendus par des adolescents qui se croyaient protégés contre des armes lourdes et des tueurs professionnels par de simples fossés et barricades de pavés, les quartiers contrôlés par le PKK ont été mis sous couvre-feu, puis impitoyablement attaqués et reconquis par les « forces spéciales » avant d'être rasés. Outre les énormes pertes humaines, les conséquences sont incalculables, tant pour le mouvement d'autonomie et le PKK, que pour la géographie, la démographie et l'économie de la région.
Pourtant, après cette catastrophe, l'optimisme prévaut dans le discours. Zilan en est l'incarnation, l'icône, la déesse de l'espoir. Les rêves se poursuivent, sans presque aucune référence à la défaite : « En tant que Kurdes et combattantes du YJA-Star, nous marcherons sur les traces de Zilan pour faire vivre la liberté des femmes et réaliser ses rêves (…). Comme l'a dit notre Direction, la camarade Zilan est notre déesse » proclame une « camarade de combat » sur le site de l'agence ANF le 30 juin 2017.
En 2018, la tendance est encore plus nette. Les célébrations se multiplient, diffusant le même discours, insistant cependant sur « l'importance de Zilan, non seulement pour le Bakur [les régions kurdes de Turquie], mais pour les quatre parties du Kurdistan [Turquie, Syrie, Irak, Iran] » (Gülan Fehim, membre de la coordination du Mouvement des Femmes libres du Kurdistan/KJAR, 30 juin 2018 sur Rojnews). En Allemagne bien sûr, mais aussi en Russie, en Suisse, à Marseille, à Lyon, Zilan est un thème fédérateur, mobilisateur.
Le 30 juin 2018 encore, sur ANF, le commandement du quartier général de l'YJA-Star publie un communiqué intitulé « Zilan a changé le destin du Kurdistan ». Les événements dramatiques de l'hiver 2015-2016, ainsi que la prise d'Afrin par l'armée turque sont tus, comme si tout allait bien. Le communiqué réaffirme la qualité de Zilan, « notre commandante » ; « suivre la voie de Zilan, dans les quatre parties du Kurdistan, c'est la condition de notre liberté (…). Désormais c'est contre l'Etat fasciste du Palais [d'Erdoğan] que nous devons lutter et nous ne ferons pas un seul pas en arrière ». A la même date, la KJK (Coordination des Femmes du Kurdistan), continue d'affirmer sur hawarnews.com que « Zilan a redonné vie à la culture des déités féminines au Kurdistan » ; outre les stéréotypes déjà rencontrés, on y trouve toutefois une allusion discrète à la catastrophe de la guerre des villes en 2015-2016 : « Zilan est la meilleure réponse à la destruction, au complot, au génocide ».
Conclusion
En suivant un fil conducteur très précis, la personne de la jeune Zeynep Kınacı, on effectue une plongée dans le discours du PKK. Le souvenir de Zilan, loin de s’effacer avec le temps, se renforce au cours des dernières années. D'une impulsion donnée le 30 juin 1996, amplifiée très vite par des textes et directives du Guide lui-même, on aboutit à une internationalisation de la figure de la « déesse » devenue emblématique de « la » femme kurde, puis bientôt de « la » femme.
L'image et la biographie idéalisées de Zilan passent les frontières, et commencent à dépasser le milieu kurde émigré. La mouvance féministe, écologiste et libertaire, séduite par la cause kurde et le « virage idéologique » opéré par Apo et le PKK, commence à laisser apparaître sa fascination par la femme héroïque, la femme combattante, la femme par qui la paix arrive, la femme écologiste par nature... tous thèmes développés autour du culte de Zilan.
Outre son ampleur, ce qui m'a le plus surpris dans ce culte est l'absence de référence historique. A propos de Zilan, on parle un peu de Dersim, forcément, parce que c'est le lieu de l'attentat, mais très peu de la terrible répression dans cette région en 1938. Est-ce parce que c'est une région alévie, de langue zaza, différente en cela du kurdisme de langue kurmandji majoritaire ? Dans quelques textes (y compris un texte d'Apo publié en 1997), on évoque bien Malatya, la ville d'origine de Zeynep Kınacı, mais en restant très discret sur son origine alévie.
Zilan n'est jamais opposée à la personnalité de Sabiha Gökçen, fille adoptive d'Atatürk, première femme turque pilote de combat, qui a participé au bombardement du Dersim en 1938. Pourtant, en quelque sorte, les deux femmes se sont « croisées » à Dersim, l'une pour vaincre, l'autre pour mourir, mais le discours sur Zilan n'utilise jamais l'aviatrice comme contre-modèle, comme repoussoir (cela forcerait à admettre que toutes les femmes ne sont pas des exemples à suivre...).
Et puis, chose qui m'a plus étonné encore, le nom de « Zilan » n'est jamais expliqué, alors que c'est le nom d'une vallée de peuplement kurde au nord du lac de Van qui a subi en 1930 une répression atroce. En accordant beaucoup d'importance à ce signifiant dans mon premier article sur Zilan, me suis-je trompé ?
En fait Zilan, malgré les multiples apparitions de son portrait, est devenue une abstraction, effectivement vue comme une déité. Elle sert et servira encore à galvaniser les troupes, surtout féminines, par sa valeur d'exemple, son acceptation du sacrifice. Après les défaites cuisantes de 2015-2016, quelque chose se prépare peut-être sous le nom de Zilan.
Esquisse n° 49 - Zilan, première sacrifiée du PKK - Susam-Sokak
Le 30 juin 1996, le PKK réussit pour la première fois un attentat-suicide à Tunceli, sacrifiant une de ses jeunes militantes dont le nom de guerre, Zilan, renvoie aux massacres de 1930. Pourquoi ce
http://www.susam-sokak.fr/2014/06/esquisse-n-49-zilan-premiere-sacrifiee-du-pkk.html
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